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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 04:59

TRANSAMERICA

 

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir connu

Les chiens noirs du Mexique

Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu

Dévoreurs de tropiques

Boris Vian (Je voudrais pas crever)

 

2.- de Las Vegas à San José (Costa Rica)

 

HIVER 2016

 

Lundi 18 janvier : Le réveil sonne à six heures, nous nous extirpons du lit douloureusement après une nuit à éclipses… Louba déjà alertée par la préparation des bagages ne sait trop ce qui l’attend. Petit déjeuner puis Marie se fait attendre, nous partons avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu. Faux départ, Marie a oublié sa petite trousse de maquillage… Retour à la maison… Julie qui inaugure ce matin ses nouvelles fonctions à Vitrolles, commence à s’inquiéter de son heure d’arrivée. Je roule aussi vite que possible sur l’autoroute mais la traversée de Marseille est très difficile, principalement le goulet d’accès au tunnel où nous restons arrêtés un bon quart d’heure, Enfin nous voici à Marignane. Adieux à Julie qui garde la voiture. Nous enregistrons puis nous devons nous soumettre à un long et pénible contrôle de sécurité. Nous n’attendons guère avant d’embarquer. Collation symbolique à bord et deux heures plus tard nous arpentons les longs couloirs d’Heathrow. Nouvelle attente avant de connaître la porte d’embarquement. Longue traversée des interminables couloirs de l’aéroport avant de pouvoir accéder à notre long-courrier. Nous allons voler dans un continuel crépuscule blafard, à la poursuite d’un soleil en fin de course. Un premier repas est servi, je crois avoir compris que nous avons le choix entre du poulet aux champignons et un fish curry et me voit servir des pâtes à la tomate et au fromage… Marie, plus avisée, a la bonté de partager son poulet… la traversée de l’Atlantique puis du continent nord-américain est longue, fatigante, interminable. Je somnole, essaie de lire mais je n’ai pas mes lunettes et les films proposés en français sont d’une rare niaiserie. Un sous-James Bond et un Jurassic World débile ! Un autre repas plus succinct et sans boissons alcoolisées est servi peu avant l’atterrissage. Le soleil nous a définitivement dépassés et nous nous posons dans une nuit noire à las Vegas. Longue attente pour le contrôle d’immigration. Le policier qui nous tamponne les passeports (après enregistrement des empreintes digitales et photo ) nous adresse quelques mots en français. Nous récupérons les sacs et passons la douane sans déclarer la saucisse aux trompettes de la mort que nous devons à Alexandre. Marie se plaint de la traversée des couloirs puis de devoir marcher pour aller prendre un taxi. Nous retrouvons le Las Vegas que nous avions laissé en septembre avec quelques casinos clinquants longés avant d’atteindre notre motel au Wild Wild West Gambling Hall. La chambre est propre mais mal insonorisée. Je vais acheter une bouteille d’eau puis nous nous glissons dans les draps d’un immense  lit King size.

Mardi 19 janvier : Pas moyen de trouver le sommeil malgré la fatigue. J’ai beau me tourner et retourner, explorer les frontières lointaines du matelas, je reste. Au beau milieu de la nuit, le téléphone portable sonne. L’orthopédiste de Toulon appelle pour que Marie prenne rendez-vous pour choisir la couleur d’une nouvelle paire de chaussures ! Je me décide à me lever à huit heures et une demi-heure plus tard, un taxi appelé par la réception m’emmène au Public Storage. Le bureau est encore fermé, je retrouve le camion, rebranche la batterie, tourne la clé et … le moteur démarre ! Je fais du rangement en laissant tourner le moteur puis je sors, tout heureux. Le responsable arrive, nous réglons rapidement les dernières formalités et me voilà reparti dans les avenues de Las Vegas. Je retrouve Marie à l’hôtel, nous chargeons les sacs et repartons en direction du camping KOA. Je m’arrête chez un marchand de pneus avec qui je prends rendez-vous pour cet après-midi puis nous retrouvons le supermarché Walmart et ses produits bien américains et aussi la grande gentillesse des employés, toujours très polis, souriants, aimables. Nous refaisons un plein de victuailles en évitant les biscuits à la cannelle, retrouvant presqu’avec plaisir les variétés de jambons et pastramis. Nous traversons l’avenue pour aller nous installer au camping, à notre grande surprise, encore plus bondé qu’en septembre ! Mais la piscine n’est pas fréquentée et les propriétaires de « RV » restent calfeutrés dans leurs immenses engins. Nous recommençons à nous tailler un certain succès avec le nôtre, pour la troisième fois de la journée je dois en dire le prix et comment nous sommes arrivés ici. Et ce n’est pas fini ! Nous tentons de ranger la trop grande quantité de vêtements emportés avant de retourner chez le marchand de pneus. Nous devons attendre jusqu’à la nuit tombée, c’est-à-dire après cinq heures, pour qu’ils soient montés. Nous retraversons toute la ville pour retourner à l’hôtel où Marie a oublié une chemise de nuit que nous ne retrouvons pas. Retour au camping et installation pour la nuit après les derniers rangements.

Mercredi 20 janvier : Je me suis vite endormi mais, réveillé dans la nuit, je ne me rendors qu’au matin. Les douches, le plein d’eau, les dernières mises au point et rangements nous amènent à onze heures. Nous devons repasser au Walmart pour les derniers achats oubliés la veille avant de traverser une dernière fois Las Vegas en suivant cette artère, Tropicana, que nous aurons bien empruntée.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous récupérons une autoroute pour rejoindre la route d’abord très large qui contourne les derniers faubourgs de la ville tentaculaire et continue dans le désert. Étendues immenses, entre deux chaînes de montagnes, couvertes de buissons et d’arbres de Josué de petite taille. Nous déjeunons au pied des massifs de Red Rock Canyon que nous avions traversés en septembre. Nous continuons sous un beau soleil que nous espérons garder les jours suivants jusqu’à la petite ville de Parhump. Typique bourgade de l’Ouest avec ses larges rues, ses maisons sans étages, ses environs d’habitations qui vont du camping-car à demi sédentarisé à la maison achevée en passant par les mobiles-homes et les villas en cours d’agrandissement. Nous nous dirigeons vers la Vallée de la Mort en traversant une chaîne de montagnes, sur une route peu fréquentée, plus étroite, à mille mètres d’altitude. Après des zones où des crues ont laissé des flaques et des plaques de sel, nous commençons la descente. Nous apercevons l’étendue de la vallée, plus claire, évocation d’un désert de sable. Nous arrêtons au fameux Zabriskie Point (merci Antonioni…) où, sur 360°, d’un point de vue aménagé, nous avons une idée des bouleversements géologiques : soulèvement des sols, traces d’une mer ancienne disparue, versants érodés par les pluies et roches multicolores.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Le soleil n’éclaire plus qu’un versant, nous devrons revenir demain pour en avoir une autre vision. Nous achevons la descente jusqu’en dessous du niveau de la mer. Nous nous dépêchons d’arriver au Visitor Center avant qu’il ne ferme. La température affichée est de 76° Fahrenheit, soit 25 de nos degrés Celsius. Nous nous renseignons sur les routes fermées depuis les inondations d’octobre avant de nous installer à dix-sept heures, juste avant la tombée de la nuit au camping, un terrain caillouteux, sans ombre, avec tout de même des toilettes, pour douze dollars. La soirée est longue, nous ne sommes pas habitués à nous arrêter si tôt. Après étude du programme de la journée de demain, rédaction de nos journaux, sauvegarde des photos, nous dînons et à neuf heures nous sommes au lit. Fatigué, je m’endors vite.

Jeudi 21 janvier : Couché tôt, réveillé tôt ! Marie émerge à sept heures. Je lui propose de partir aussitôt et de retourner à Zabriskie Point pour le lever du soleil et d’y petit-déjeuner. Nous voici donc de retour au parking de la veille et, avant huit heures, nous contemplons, dans un soleil encore voilé par des nuages mais bientôt resplendissant, les plis, les nervures, les ondulations des montagnes qui dégringolent vers la vallée. Du vert, du jaune, du rose, toutes les couleurs sont éparpillées sur les flancs arides des falaises qui bordent la vallée.

Du vert, du jaune, du rose, toutes les couleurs sont éparpillées sur les flancs arides des falaises qui bordent la vallée.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous revenons au camion petit-déjeuner puis nous reprenons la route et filons dans la montagne à Dante’s View. C’est un point de vue au sommet de la falaise d’où nous dominons, 1500 mètres plus bas, l’immensité saline blanchâtre ponctuée de mares et de lits de ruisseaux dont on ne sait s’ils sont à sec. Le ciel est hélas, légèrement voilé et les montagnes de l’autre côté ne sont pas très nettes. Quelques traces de neige à leurs sommets répondent au sel aveuglant, même sans grande luminosité. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Après une courte promenade sur un sentier de crête nous revenons vers l’oasis de Furnace Creek et ses quelques palmiers exotiques. Nous repassons au Visitor Center nous faire préciser les conditions de circulation sur les pistes que nous envisageons de prendre. Nous en profitons aussi pour nous connecter, non sans mal, et ainsi trouver un message de Julie qui nous précise, entre autres, comment faire cuire la saucisse d’Ornans (farcie avec des trompettes de la mort. A Ornans plus connue pour son enterrement par Courbet !). Nous repartons vite car malgré notre démarrage matinal, le temps passe et nous avons encore un programme de la journée chargé. Quand aurons-nous le temps de traîner ? Sans doute jamais ! Nous remontons vers le Nord, bifurquons pour aller voir quelques dunes qui, de loin, paraissaient perdues dans l’immensité de la plaine et qui, vues de près, ne sont pas si minables, piquées de touffes de mesquites aux troncs noueux photogéniques. Ce sont sans doute les dunes dont nous avions gardé le souvenir lors de notre passage avec Julie. Nous poursuivons sur une courte portion de mauvaise piste, de la tôle ondulée, jusqu’à l’entrée de Mosaic Canyon. Nous remontons à pied le lit du torrent à sec jusqu’aux gorges d’où il surgit. Le nom est dû à des cailloux agglomérés en couches épaisses entre des roches lisses mais striées par les débris emportés lors des violentes crues. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Le canyon serpente, se resserre. Marie arrête devant une marche trop haute dans une roche glissante, patinée, un vrai toboggan. Je continue une centaine de mètres, le canyon est alors plus large. Nous revenons déjeuner au camion puis nous reprenons la route. Nous quittons la vallée, franchissons les montagnes et allons découvrir les quelques restes d’une ville fantôme, Rhyolite. Une curieuse maison a été construite avec des bouteilles en verre intégrées dans les murs de pisé. Devenue une curiosité, elle est protégée par une barrière de barbelés digne d’une prison ! Des bâtiments du début du XX° siècle ne montrent plus que des murs et des piles de béton sur fond de roches rougeâtres. Un musée en plein air propose des sculptures  de divers artistes dont une curieuse Dernière Scène où le Christ et les apôtres ne sont représentés que par les plis de leurs voiles blancs. Nous revenons vers la vallée par la piste de Titus Canyon. Nous sommes seuls sur cette piste en sens unique. La mauvaise tôle ondulée de la première partie doit décourager les rares audacieux. La piste, plus étroite, grimpe ensuite dans la montagne, passant entre des roches très colorées, circulant à flanc de colline en courbes serrées. Malheureusement un inopportun nuage interdit au soleil de mettre en valeur les colorations. Du Red Pass nous découvrons un extraordinaire paysage minéral où toutes les couleurs se bousculent, sans ordre semble-t-il. La piste descend rapidement, laisse les deux ou trois baraques de tôle ou de bois, souvenirs d’une ville minière éphémère. La piste se termine par la partie la plus spectaculaire, en se faufilant entre deux hautes falaises qui ne laissent que la place d’un véhicule dans le lit d’un torrent saisonnier.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Et soudain nous retrouvons la vallée au brutal débouché du canyon. Il est alors seize heures trente, le soleil se cache, il nous faut vite parcourir encore une trentaine de kilomètres pour atteindre le camping de Mesquite Spring. Presque désert, nous n’avons que l’embarras du choix. Il faut régler par carte de crédit à un automate la somme due. Je ne veux pas utiliser une de nos cartes. Nous verrons s’il y a un contrôle… Nous dînons de l’excellente saucisse avec une très médiocre purée… Mais avec un Malbec argentin point déplaisant…

Vendredi 22 janvier : Nous étions légèrement en altitude (800 mètres) et il a fait plus froid cette nuit. Aucun ranger n’est venu vérifier si nous avions versé notre écot… Nous repartons à huit heures et demie et continuons sur quelques kilomètres au milieu de la lave noire et atteignons le rebord d’un cône volcanique. Ses parois d’un rouge vigoureux ne sont pas encore éclairées par le soleil. En arrière-plan, les montagnes et le désert s’étendent à perte de vue.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Les rares visiteurs sont partis faire le tour du cratère. Nous gravissons péniblement une portion de la crête jusqu’à découvrir un petit cratère secondaire. Nous découvrons de retour au parking qu’en continuant, mais cela impliquait une descente et une autre montée dans les graviers, nous aurions atteint un autre petit cratère au cône parfait. Nous reprenons la bonne route du sud en roulant vite, avant de faire un petit détour pour accéder à une promenade sur un trottoir de planches jeté au-dessus d’un marécage inattendu. Il est  traversé par un improbable ruisseau d’une eau saumâtre dont s’accommodent de minuscules poissons. Plus loin, un bout de piste traverse un « Mustard canyon », le bien nommé pour sa couleur ! Nous revoilà à Furnace Creek. Nous passons au Visitor Center, une fois de plus, pour obtenir des informations sur le Mojave National Park. Puis je dois refaire un plein de gasoil, bien plus cher qu’en ville, ainsi que des provisions pour dîner au General Store qui pratique des prix dignes des postes commerciaux du temps des colonies… Nous repartons et allons nous garer à l’entrée du Golden Canyon. Avant de déjeuner, nous décidons d’y aller nous promener. Le sentier, autrefois une route étroite mais goudronnée, s’enfonce entre deux falaises puis circule entre de douces collines arrondies ocre jaune. De petits canyons secondaires offrent des vues sur des pics, des roches, des falaises déchiquetés et colorés. Nous apercevons derrière les collines, les murailles rouges dites « Red Cathedral » qui contrastent avec les buttes jaunes à leur base. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Marie renonce, je continue quelques centaines de mètres, le sentier devient plus étroit, encombré de rochers puis demande de se faufiler dans d’étroits défilés, d’escalader des éboulis avant de déboucher au pied de la falaise. Je suis dominé par ce mur impressionnant mais sans recul et donc sans possibilité de jouir de toute son étendue. Retour au camion, fatigués après cette imprévue promenade de quatre (pour Marie) ou cinq (pour moi) kilomètres. Nous déjeunons rapidement et tardivement. Nous prenons conscience que nous ne pourrons pas être sortis ce soir avant la nuit du parc et que le bivouac risque d’être difficile et, en principe, interdit. Nous envisageons de revenir au camping de Furnace Creek. En attendant nous continuons quelques kilomètres pour emprunter une route dite « artist drive » qui va serpenter au pied des falaises entre des collines aux étonnantes couleurs, vert, ocre, mauve, jaune, dues au minéraux que les pluies mettent à nu et que le soleil fait resplendir, évoquant la palette d’un peintre. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous retrouvons la vallée et une dernière excursion nous amène au milieu de la couche de sel cristallisé qui couvre le fond de la vallée et explique son insoutenable luminosité vu du sommet des falaises. Le sel forme des buissons dont les branches et les plus fines tiges sont des aiguilles de sel qui craquent sous les pas et coupent comme des lames aiguisées. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous revenons en repassant par Artist Drive pour revoir au coucher du soleil les couleurs avivées. Je me dépêche de revenir au Visitor Center m’acquitter du paiement du camping et nous allons nous y installer juste avant que la nuit ne tombe. Une bière est la bien venue faute d’un apéritif auquel Marie renâcle…

Samedi 23 janvier : J’avais judicieusement arrêté le réfrigérateur pour la nuit et, ce matin, les batteries auxiliaires n’étant pas déchargées, nous pouvons mettre le chauffage en route pour obtenir une douce quiétude qui ne nous incite pas à nous lever aussitôt. Il est presque neuf heures quand nous attaquons la descente en direction du sud, sous un ciel bien plombé. Nous longeons sur notre droite l’aveuglante étendue de sel, au pied des Montagnes Noires. Nous faisons une halte au lieu-dit de Badwater d’où nous allons faire une courte promenade au milieu de la couche de sel, mélangé à du sable ou de la terre en bordure de route, plus pur en s’en éloignant. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous continuons sur une route plus étroite et au revêtement moins parfait avant d’entamer les cinquante kilomètres d’une plutôt bonne piste sur laquelle on nous annonçait des passages de « sable profond », toujours la prudence exagérée ! J’avais bien senti que les rangers à Furnace Creek ne voyaient pas d’un très bon œil notre projet d’emprunter cet axe… Nous n’y croiserons personne et à la sortie, aucun panneau n’indique cette entrée du parc. Après cette nouvelle traversée d’un désert plus verdoyant où même des fleurs apparaissent, nous retrouvons le goudron et parvenons à Baker. Les espoirs de ravitaillement que nous avions conçus sont vite déçus, pas le moindre supermarket ! Nous ne trouvons que du jambon, des saucisses et des pommes à prix d’or (comme dans un conte oriental !). Nous traversons l’autoroute et replongeons dans le désert sur une chaussée en mauvais état, dans la Mohave National Preserve. Des buissons donnent des sables une allure de rescapé d’une variole. Nous allons poser quelques questions au Visitor Center de Kelso, installé dans une ancienne gare construite autrefois dans le style « Mission espagnole ». Il ne passe plus que des trains de marchandise tirés par des locomotives aux flancs peints de drapeaux américains flottant au vent. Nous allons voir à quelques kilomètres les dunes de Kelso, plus impressionnantes de loin que de près, des buissons poussent sue leurs flancs et le sable semble mélangé de terre. Nous revenons à Kelso et continuons en longeant la voie ferrée, pas vraiment l’idée que je me faisais du désert mojave… Des arbres de Josué ont commencé à apparaître dès que nous sommes entrés dans ce parc, ils sont de plus en plus nombreux, de belle taille et bien touffus. La plus belle forêt se trouve au bout d’un morceau de route de quelques kilomètres après Cima. Nous pouvons bivouaquer au pied de gros rochers qui forment de petites collines au milieu des arbres. Nous allons nous promener et découvrons au bout d’une piste sablonneuse un emplacement de bivouac parfait entre rochers et arbres de Josué. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Des pierres forment foyer ce qui nous autorise à nous y installer, selon les normes des parcs américains ! Le soleil enfin réapparu transforme le site et nous fait oublier notre halte précoce. Un apéritif est le bienvenu d’autant qu’il obéit à l’amendement « Laurence » puisqu’avec le décalage horaire nous sommes dimanche !

Dimanche 24 janvier : Le thermomètre affiche 4°c dans le camion et du givre couvre toutes les vitres. Nous devons utiliser le chauffage pour sortir des duvets avant qu’un beau soleil ne commence à réchauffer l’atmosphère. Je vais me promener au milieu des arbres de Josué et des éboulis rocheux pendant que Marie se prépare. Nous reprenons la route quittons la belle forêt et continuons dans un paysage volcanique de roches d’autant plus noires qu’elles sont à contre-jour ! La végétation est maintenant composée de tout ce que les cactées ont pu imaginer d’espèces pourvues de pointes, d’aiguilles, de piquants ou de crochets, sous forme de boules, de branches, de raquettes etc… 

 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous quittons le parc Mojave, retrouvons le goudron puis une autoroute qui nous amène à Kingman. Nous nous rendons au Visitor Center pour y faire le plein d’informations sur le Grand Canyon. Nous découvrons atterrés que la température y varie, aujourd’hui, entre -9°c et +6°c ! Marie grelotte déjà… Nous déjeunons rapidement car en entrant en Arizona nous avons perdu une heure puis nous allons refaire le plein de provision dans un supermarché en prévision des jours à venir, loin des villes. Nous continuons sur l’autoroute, négligeant la mythique highway 66, faute de temps puisque nous sommes toujours pressés… Nous ne pourrons pas être à Grand Canyon ce soir, nous devons chercher où dormir. Depuis Ash Forks, le paysage est entièrement sous la neige. Peu de possibilités de bivouac, nous nous résolvons à chercher un camping à Williams. Le premier pratique des tarifs indécents, le second est très honnête avec des toilettes et des douches chauffées ! Nous nous préparons pour une nuit « fraîche »… Nous ne soulevons pas le toit, cuisinons accroupis et enfilons nos « Damart thermolactyl » avant de nous enfouir dans les duvets.

Lundi 25 janvier : A quatre heures du matin, il y a +1°c dans le camion, les vitres sont couvertes de givre. Je mets en marche le chauffage qui fait vite remonter la température et nous le laissons jusqu’au moment de nous lever, avec le timide soleil. Nous trouvons un message de Julie. Un thé bien chaud nous revigore et bientôt, sous un ciel bien bleu, nous prenons la route du parc du Grand Canyon, sur un plateau qu’occupent des ranchs sans beaucoup d’animaux. Nous voici au village de la rive sud et aussitôt nous passons au Visitor Center puis, juste derrière le bâtiment, au premier point de vue sur le canyon, Mather Point, où nous redécouvrons ce grandiose panorama !

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Surpris de ne pas y trouver plus de neige sur les gradins des falaises, seuls les sommets des deux rives en sont couverts. Devant nous s’étagent les roches rouges sans laisser deviner le cours du Colorado, perdu au fin fond d’un canyon que n’éclaire pas encore et sans doute que très brièvement, le soleil. Nous prenons la courte route de l’ouest qui suit le rebord de la falaise et où des points de vue ont été aménagés pour offrir d’incomparables vues aux visiteurs émerveillés. Bien entendu, nous n’en ignorons aucun… Mais cela nous prend beaucoup de temps : se garer, descendre un sentier qui peut être encore enneigé et même glissant, se rassasier de la vue, revenir, repartir jusqu’au suivant. Nous apercevons de certains points le sentier que nous avions emprunté pour descendre à mi-parcours, laissant, parents indignes, Julie à la garde d’une brave dame qui n’avait pu communiquer avec elle. Aujourd’hui, nous n’y voyons personne, sans doute trop risqué car il semble couvert de glace. Le Colorado se devine enfin sur la fin du parcours, torrent dont les méandres se perdent entre les premiers étages des montagnes. Nous revenons sur nos pas pour le Yavapai Point, dans le village, où un petit musée géologique offre derrière une baie vitrée, sans doute la plus belle vue du canyon. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous passons nous réserver un emplacement au camping, dans la neige non déblayée, sans douches mais avec des toilettes chauffées… Nous retournons à Hopi Point pour le coucher du soleil que nous guettons en compagnie de bon nombre de touristes. Les roches se rosissent brièvement mais la température dégringole elle aussi, des stalactites se forment sous le camion ! 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous allons nous installer au camping en nous équipant pour une nuit polaire…

Mardi 26 janvier : La nuit a dû être encore plus froide que la veille et nous avons laissé tourner le chauffage une bonne partie de la nuit. Nous allons nous garer devant le bâtiment où nous pouvons faire une lessive et Marie prendre une douche avant d’aller attendre le passage de la navette obligatoire pour se rendre à Yaki Point mais nous n’avions pas compris qu’elle fait une boucle et ne s’arrête pas dans notre sens. Nous devons revenir au Visitor Center pour la prendre en compagnie de Mormons ou autres sectateurs d’un autre siècle. Mes yeux vairons semblent beaucoup amuser une de ces jeunes égarées. Nous arrêtons à South Kaibab d’où un sentier dévale jusqu’au cours du Colorado mais ce n’est pas pour nous... L’arrêt suivant est donc à Yaqui Point avec encore une de ces vues à couper le souffle mais dont je commence à me lasser. Il fait très froid et caresser une brave mule qui attend des amateurs de balade équestre ne me réchauffe guère. Nous revenons au Visitor Center où nous nous laissons prendre à une projection d’un film sur le Grand Canyon. Intérêt très limité, musique grandiloquente et narration pour classes enfantines. Nous repartons enfin en direction de l’Est. Nous avons encore de nombreux points de vue au programme dont l’un avec un curieux canard de pierre. Un très modeste musée, à côté de ruines que la couche de neige dissimule, présente quelques objets intéressants, des bijoux navajo et des poupées katchina qui nous font toujours aussi envie. Des derniers points de vue, on distingue le lit du Colorado dont il est difficile à cette distance de deviner la fureur des rapides. La dernière halte, à Desert View nous offre en conclusion un ultime panorama sur le canyon et la possibilité de grimper à l’intérieur d’une tour construite dans les années 1930 par une amie des Indiens et qui l’a fait décorer avec des gravures, dessins, fresques qui évoquent leurs cultures.

Il fait très froid et caresser une brave mule qui attend des amateurs de balade équestre ne me réchauffe guère. Nous revenons au Visitor Center où nous nous laissons prendre à une projection d’un film sur le Grand Canyon. Intérêt très limité, musique grandiloquente et narration pour classes enfantines. Nous repartons enfin en direction de l’Est. Nous avons encore de nombreux points de vue au programme dont l’un avec un curieux canard de pierre. Un très modeste musée, à côté de ruines que la couche de neige dissimule, présente quelques objets intéressants, des bijoux navajo et des poupées katchina qui nous font toujours aussi envie. Des derniers points de vue, on distingue le lit du Colorado dont il est difficile à cette distance de deviner la fureur des rapides. La dernière halte, à Desert View nous offre en conclusion un ultime panorama sur le canyon et la possibilité de grimper à l’intérieur d’une tour construite dans les années 1930 par une amie des Indiens et qui l’a fait décorer avec des gravures, dessins, fresques qui évoquent leurs cultures.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous sortons du parc, perdons tout de suite de l’altitude et continuons sur un plateau sans neige, sur lequel nous roulons à vive allure. Nous sommes désormais dans la réserve indienne des Navajos. L’habitat, très dispersé, est celui de populations pauvres, des mobiles homes ou des maisons très simples, sans caractère. Devant, sont garés des pick-up et des carcasses rouillées. Nous parvenons à Page juste avant la tombée de la nuit et nous arrêtons au Walmart à l’entrée de la ville. Nous en profitons pour refaire quelques emplettes et moi en particulier pour acheter des lunettes de soleil moins féminines que celles que m’a provisoirement prêtées Marie ainsi qu’une clé USB, toutes deux oubliées à Toulon. Le personnel et les clients sont tous Indiens. Nous nous installons sur le parking pour la nuit.

Mercredi 27 janvier : Il a fait moins froid mais ce n’est qu’une question de degrés en dessous de zéro… Je vais me garer près du Mac Donald pour bénéficier de leur wifi mais nous en sommes encore trop éloignés. Je m’en rapproche à pied pendant que Marie se prépare. Pas de messages… J’échange quelques mots avec un couple de Savoyards , Mathieu et Jeanne, qui, avec leurs deux garçons traversent les Amériques à bord d’un énorme camion. Nous prévoyons de nous retrouver ce soir. Nous continuons jusqu’au barrage du lac Powell, le traversons et continuons quelques kilomètres jusqu’à un point de vue sur le lac et les montagnes tabulaires qui l’entourent. La vue est décevante, les eaux sont basses et la marina en contrebas défigure encore plus le paysage que les cheminées de la centrale électrique qui crachent des fumées blanches et verticales dans l’air pur à l’horizon. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous revenons à Page, petit détour pour contempler le canyon qui alimente le barrage mais il est encore dans l’ombre. Plein de gasoil à un prix, en territoire navajo, qui défie toute concurrence : 51 centimes d’euro ! Nous nous rendons ensuite au site des canyons Antelope et d’abord celui du haut : Upper Antelope Canyon plus accessible pour Marie, sans échelle à gravir. Le prix est élevé, 48 $, justifié par un transfert en pick up sur le site, 6 kms dans le wash, c’est-à-dire, sous d’autres cieux, l’oued, le kori. Nous pénétrons à pied dans un très étroit canyon, creusé par les eaux saisonnières d’un torrent qui, en tourbillonnant, a donné aux parois des formes tourmentées, lissées, douces où l’on imagine bien les vortex furieux qui ont façonné ces roches qu’une lumière changeante éclaire à cette heure. Notre guide a la bonne idée de nous donner à chacun des instructions pour réaliser les meilleures photos possibles et il nous indique les meilleurs emplacements.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Marie, en montant dans le pick up, s’est cogné un tibia et claudique difficilement. Nous revenons sur nos pas après avoir débouché en amont et revenons récupérer le camion. Nous traversons la route pour nous rendre au site du Lower Antelope Canyon, où Marie tient à ce que je fasse la visite. Nous déjeunons avant que je ne me lance avec quelques compagnons canadiens et japonais dans cette seconde excursion. Nous devons marcher quelques centaines de mètres dans le sable avant d’atteindre un escalier qui nous amène à l’entrée de ce nouveau canyon. Nous y progressons en suivant les méandres entre deux parois, plus torturées que les précédentes, moins hautes et donc plus éclairées. Là aussi, la roche a été polie par le torrent et les stries ont créé des lignes tracées sur les parois, elles-mêmes courbes.

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Je photographie à tout va… Nous finissons par déboucher et je retrouve Marie. Nous repartons sur le plateau qui s’élève doucement. Avec l’altitude, nous retrouvons la neige qui au début grêlait les étendues désertiques et a fini par tout recouvrir. Quelques buttes et mesas paraissent insolites sous la neige. Un détour nous amène au Navajo National Monument, un parc avec un modeste musée mais avec de superbes poteries indiennes anciennes et un camping sans grandes commodités mais gratuit ! Nous y retrouvons nos Savoyards que nous invitons à prendre un verre, après nous être installés sur un site encore enneigé. Après un premier pot, nous passons à l’apéritif en parlant voyages et en échangeant nos impressions américaines. Dîner et rédaction tardive avant de nous coucher.

Jeudi 28 janvier : Le chauffage n’a pas marché toute la nuit et je me  réveille avec les pieds gelés. Après avoir dit bonjour à Jeanne, Mathieu, Raphaël et Camille et promis de nous revoir, nous retournons nous garer devant le Visitor Center, puis nous partons sur un sentier partiellement enneigé et parfois glissant, à flanc de colline, au milieu des étendues blanches entre les pins et les genévriers. De l’autre côté du canyon que nous suivons, les falaises montrent des excavations arrondies. La plus importante se dévoile au bout de quelques centaines de mètres, en face de nous. Elle abrite les ruines des constructions d’un village indien abandonné depuis sept siècles. 

 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

On y aperçoit les restes de maisons en pisé et de toits en rondins. Nous repartons, retrouvons la grande route et parvenons à Kayenta, gros bourg sans âme mais disposant d’un centre commercial où je vais racheter du jus de fruit, épuisé par les vodka-orange de la veille, et aussi des côtes d’agneau inattendues. Nous déjeunons devant le musée en plein air. Des kivas et un hammam local y ont été reconstitués. Nous continuons notre route. Un piton et une mesa, de part et d’autre de la route annoncent le paysage à venir, celui de Monument Valley. Bientôt les buttes flanquées d’aiguilles se multiplient sur un sol encore partiellement enneigé. Avant de pénétrer dans le parc tribal nous allons voir, à l’écart de la route, un musée installé dans l’ancien trading post de Goulding. Deux pièces sont consacrées aux films qui ont été tournés dans la région et les John, Ford et Wayne, s’y taillent la meilleure place. Des photos, des affiches et même la diffusion de ces westerns inoubliables me font grand plaisir. Comment ne pas être heureux de revoir des extraits de She wore a yellow ribbon, ou Nathalie Wood dans The Searchers ? Les amateurs me comprendront… Nous allons nous renseigner sur les conditions du camping installé plus haut  mais avec vue sur les pitons dans la vallée. Enfin, nous nous rendons sur le site. Il faut acquitter un droit d’accès, territoire navajo, ce parc n’a rien à voir avec les Parcs Nationaux. Nous passons au Visitor Center, plutôt pauvre, et à la boutique où, pressé de rouler entre les pitons, je dois arracher Marie à ses tentations. Et enfin, nous suivons à allure modérée la mauvaise piste qui va serpenter entre les massifs tant de fois vus dans les films. Des aiguilles attachées à des pitons ou collées les unes aux autres, des mesas aux formes évocatrices (éléphant, chameau etc…), des étendues de sable, des dunes couvertes de neige, des buttes de grès rouge, surgissent à chaque détour de la piste. 

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Le soleil déclinant les illumine et les ombres s’allongent, mettant en valeur les massifs. Quelques ranchs peu développés peuplent le parc et des loueurs de chevaux attendent les très rares touristes. Nous terminons la boucle au John Ford’s Point où le soleil achève de faire rougir les pics et où nous nous promettons de revenir demain… 

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Nous ressortons du parc et retournons au camping. Nous y arrivons en même temps que nos Savoyards qui nous invitent à prendre un pot dans leur confortable camion. Je leur envie l’espace à l’arrêt mais certainement pas la maniabilité sur la route… Profitant d’une bonne wifi, je consulte la messagerie et mets le blog en ligne.

Vendredi 29 janvier : Je profite d’une douche bien chaude avant que nous ne réussissions à prendre la route. Arrêt à la boutique de souvenirs du lodge où Marie tient à acheter une poupée katchina (made in China ?)… Nous retournons dans le parc pour retrouver les paysages de la veille sous un autre éclairage. Le groupe des trois aiguilles appelé « les 3 Sœurs » est effectivement caressé par le soleil. Nous arrêtons au John Ford’s Point où j’avais compris hier qu’il s’agissait du surplomb où une photo mythique y montrait un cavalier sur fond de pitons. Le côté photogénique exploitable de la chose n’a pas échappé à quelques navajos astucieux… Un cheval sellé attend l’amateur pour s’y faire prendre en photo et bien sûr je ne peux pas manquer l’occasion. Me voilà perché sur une monture placide, habituée à toutes les fantaisies des touristes. Son propriétaire se charge d’immortaliser, avec mon appareil, pour l’éternité ce grand moment dans la vie d’un amateur de westerns. Hélas il est meilleur commerçant que photographe et ses prises de vue sont mal cadrées ! 

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Nous repartons pour la boucle mais le ciel se couvre et une triste grisaille habille pitons et mesas rougeoyants de la veille. Nous en repartons vaguement déçus mais contents de les avoir vus dans toute leur splendeur hier. De la route, nous apercevons, encore émergeant de la prairie couverte de neige, des blocs de rochers dressés vers le ciel. Après Mexican Hat qui tire son nom d’une curieuse roche plate posée en équilibre sur un piton, nous bifurquons pour nous rendre sur les bords de la rivière San Juan, au Gooseneck Point. Les eaux ont creusé un canyon en une succession de méandres serrés et spectaculaires. Nous déjeunons en attendant le retour du soleil qui, bon prince, nous accorde quelques rayons. 

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La neige est encore très présente et la terre est gorgée des eaux de fonte. Plus loin, nouveau détour sur une piste mouillée mais non glissante, pour aller circuler entre les formations de la Valley of the Gods. Encore des buttes, des mesas, des pitons mais différents de ceux de Monument Valley. Pas d’aiguilles fines, ce sont plutôt des roches posées les unes sur les autres en équilibre précaire et des buttes beaucoup plus longues que larges. 

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Nous suivons une boucle qui nous ramène à la route goudronnée que nous poursuivons jusqu’au pied des falaises. Là, c’est une piste étroite et sinueuse qui grimpe à flanc de montagne jusqu’au plateau complètement enneigé. La piste que nous voulions emprunter pour nous rendre à un point de vue est encore partiellement enneigée et une tentative de la suivre s’arrête rapidement après une centaine de mètres en dérapages mal contrôlés dans la terre gadouilleuse. Nous décidons de continuer jusqu’au Natural Bridges National Park en nous demandant si le camping sera dégagé… Nous arrivons juste avant l’heure de fermeture du Visitor Center, à temps pour apprendre que le camping est bien ouvert et même gratuit ! Nous nous y rendons et nous nous installons sur un emplacement encore bien enneigé. Je ne parviens plus à sauvegarder mes photos sur l’ordinateur, peut-être le câble de raccordement ?

Samedi 30 janvier : Il a fait moins froid cette nuit, seulement -3°c dehors, pourtant nous étions à un peu plus de 2000 mètres d’altitude. Nous prenons la route du parc déneigée qui longe un canyon entre deux falaises ocre qui semblent modelées, roches arrondies dont les deux rives sont reliées par des ponts naturels que le torrent a creusé. Plus loin, un sentier est supposé amener à un point de vue d’où l’on doit apercevoir les ruines d’un ancien village indien. Nous nous y engageons, il est couvert de neige ou de terre imbibée d’eau de fonte et donc très boueux. Marie renonce vite et m’attend. Je continue vaillamment sur cinq cents mètres en pataugeant avec mes chaussures de ville. La vue est décevante et je manque de dévaler dans le ravin en glissant sur des plaques verglacées. Je retrouve Marie puis le camion avec plaisir bien que transi, les pieds glacés et mouillés. Mais la journée n’est pas terminée… Un second pont naturel puis un troisième, couvert de neige, difficile à discerner dans le paysage, ne seront contemplés que depuis les points de vue sur la route et sans nous aventurer sur de trop désagréables sentiers. 

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Nous repassons au Visitor Center pour apprendre qu’une tempête est attendue dans la journée, avec pluie et neige, ainsi qu’une baisse des températures… Nous décidons de continuer sur Moab puis d’aviser alors. Nous retrouvons la grande route en direction du nord. Je refais un plein de gasoil à Blanding, bourg allongé sur sa rue principale, calfeutré en attendant la fin de l’hiver. Le litre à moins de 60 centimes d’euros reste un gros atout pour l’automobile ! La météo ne semblant pas se dégrader, de grandes plages de ciel bleu nous incitent à tenter de nous rendre à Needles Overlook. Nous roulons sur un plateau enneigé, désertique que seules des vaches occupent en broutant les quelques pousses qui percent la couche de neige. Nous parvenons à l’extrémité du plateau pour découvrir en contrebas, l’extraordinaire paysage de Canyonlands, un ensemble de canyons, de montagnes tabulaires dont le rouge est piqueté de plaques de neige. Dans le lointain, le Colorado se fraie un chemin dans ce dédale. 

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D’où nous sommes, sur 240°, nous dominons ce que nous pourrions prendre pour une carte stratigraphique avec des courbes de niveau parfaitement tracées. Pour avoir une vue de tous les côtés nous empruntons un sentier qui n’est que partiellement goudronné, nous pataugeons dans la neige fondue ou dans la terre spongieuse. Retour au camion encore plus crottés… Nous déjeunons puis repartons sur Moab. Le ciel s’obscurcit, le soleil disparaît et le gris envahit tout. A Moab, nous nous faisons confirmer les mauvaises prévisions météorologiques au bureau touristique. Nous décidons de tenter notre chance et de visiter Arches National Park avant l’arrivée des éléments déchaînés annoncés. Nous atteignons rapidement le parc et passons au Visitor Center juste à l’heure de fermeture. Une ranger ne rechigne néanmoins pas à aller nous chercher carte et informations. Nous retrouvons ce parc dont nous avions gardé un grand souvenir, notamment d’une promenade avec Julie, mais sous un soleil plus agréable. Avant d’arriver au camping, tout au bout de la route goudronnée qui traverse le parc, nous décidons d’essayer de voir un maximum de sites pour le cas où les conditions seraient pires demain. Nous arrêtons donc d’abord à « Park Avenue », une étroite vallée qui s’enfile entre deux hautes murailles quasi parfaitement rectilignes, surmontées de roches découpées. 

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Je retrouve les « Trois Commères » d’où je me souvenais être revenu à pied chercher notre RV de l’époque. Puis ce sont de gigantesques bilboquets de pierre où des roches vaguement sphériques sont posées en équilibre sur des piliers. Mais la « spécialité » de ce parc, ce sont les arches creusées dans de fines parois de grès. Nous allons en voir quelques-unes, celles des deux « fenêtres » et de Turret. Un sentier, identique pour son état aux précédents, y conduit. Marie préfère m’attendre au camion pendant que je vais approcher de ces trois énormes ouvertures qu’hélas aucun rayon de soleil n’avantage.

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Marie tient à ce que nous fassions tous les détours avant d’atteindre le camping à la nuit. Nous réglons notre dû, 25 $ pour aucun service si ce n’est des toilettes… Chers les campings dans les Parcs Nationaux…

Dimanche 31 janvier : Le ciel est gris mais il ne pleut pas, ni ne neige, mais il fait très froid. Nous nous rendons au point de départ du sentier qui mène à Landscape Arch, une très belle arche, sur les photos, car nous n’allons pas loin, la terre gorgée d’eau et la neige sont verglacées et nous ne sommes pas équipés pour les patinoires. Ni pour quelque sol que ce soit en ce qui me concerne. J’ai dû remettre mes chaussures de ville de la veille, encore humides, avec mes chaussettes raides ! Je le regrette d’autant plus que cette promenade nous l’avions faite avec Julie et j’en avais conservé un très bon souvenir. Nous repartons et nous arrêtons pour aller voir la Skyline Arch, presqu’en bordure de route, un grand trou dans la muraille de grès, au bout d’un sentier sans trop de difficultés mais qu’il fait froid ! Plus loin, nous devons faire quelques centaines de mètres sur un sentier de sable glacé mais pas glissant pour nous faufiler entre deux de ces murs parallèles qui constituent l’essentiel des masses rocheuses et dans lesquels se sont percées les arches. Nouvel arrêt pour contempler un amas de crottes rocheuses bicolores qui seraient du plus bel effet avec un rayon de soleil. Nous retournons au parking d’où la veille nous avions entraperçu Delicate Arch. Nous nous en approchons sur un sentier sablonneux puis en grimpant sur une colline étonnamment sans trace de neige. Du sommet nous apercevons de bien plus près cette belle arche qui, avec d’autres roches torturées, culmine sur une autre barre rocheuse dont nous sommes séparés par un canyon. Nous y apercevons des touristes, minuscules, passer dessous. 

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Le ciel est de plus en plus gris, la masse nuageuse de plus en plus basse et les sommets des montagnes proches, visibles la veille, y sont cachés. Nous nous dépêchons de revenir au site des « Fenêtres » pour vite nous précipiter à Double Arch qui comme son nom l’indique est formée de deux arches perpendiculaires sous lesquelles nous passons. 

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La falaise forme une monstrueuse « Parade d’éléphants » avec ces roches pachydermiques où l’on peut identifier des dos arrondis, des oreilles et des trompes. Le paysage est magnifique, grandiose et avec un rayon de soleil pourrait concurrencer Bryce Canyon à notre panthéon des parcs américains. Nous repassons devant les « Trois Commères » indifférentes aux quelques flocons qui commencent à tomber. Je m’offre l’ultime plaisir de retourner jeter un œil à « Park Avenue », impressionnante même sans luminosité. Nous en avons enfin terminé et redescendons au Visitor Center où, après avoir changé de chaussures, je vais profiter de toilettes où on pourrait passer la journée dans une douce chaleur… Nicole a enfin réussi à nous envoyer un sms auquel nous répondons. Nous nous renseignons sur les prévisions météorologiques, toujours aussi mauvaises. Nous déjeunons puis suivons le cours du Colorado dans un beau canyon de falaises rouges abruptes, jusqu’à un lodge, fort bien situé sur les berges du fleuve. Nous apprécions le côté rustique chic et chaud ainsi que la décoration fidèle à l’esprit de l’Ouest des salles communes. Nous n’y sommes pas venus pour cela mais pour le petit musée consacré aux films qui furent tournés dans les environs, des westerns bien sûr et d’autres plus étranges. Nous revenons sur Moab en nous réservant un emplacement de camping en bordure du Colorado. Le terrain est géré par le BLM mais coûte tout de même 15 $ pour aucun service ! Nous allons refaire le plein de provisions au supermarché de Moab, bien achalandé. On y trouve même de l’agneau et du veau mais pas d’alcool ni de vin ! Il fait nuit quand nous en ressortons et il tombe toujours quelques flocons. Nous voulions dîner dans un restaurant chinois mais il est fermé. Nous allons donc nous installer seuls sur notre terrain. Nous relisons mon texte pour préparer le blog.

Lundi 1er février : Pas le moindre bruit au réveil, nous sommes recouverts d’une couche de 10 cm de neige ! Tout est blanc, uniformément blanc… Aucun véhicule ne circule, nous sommes tout seuls dans cette immensité immaculée. Nous ne sommes pas du tout pressés puisque nous allons devoir passer la journée à Moab en attendant une amélioration climatique. Nous rejoignons le centre-ville en roulant à petite vitesse. Les chasse-neiges commencent à s’activer mais trottoirs et rues secondaires sont encore couverts de neige. Au Bureau d’Information, on nous laisse espérer une amélioration demain avec même du soleil. Nous décidons d’attendre pour nous rendre à Canyonlands. Nous nous rendons à la bibliothèque où nous avons, dans des locaux chauffés, une bonne connexion internet qui nous permet de lire nos messages, répondre à celui de Nicole et mettre le blog à jour. Retourner sur notre camping ne nous enchante pas. Le panneau solaire, sous la neige, ne charge plus les batteries et nous n’allons pas rouler assez non plus. Nous allons nous renseigner sur les tarifs du seul camping, à la sortie de la ville, qui est ouvert. Le tarif d’un bungalow est à peine supérieur à celui d’un emplacement de camping. Nous hésitons, allons à la recherche d’autres solutions et finissons par trouver, bonne adresse du Routard, un hostel,le Lazy Lizard, qui ressemble fort à une auberge de jeunesse où, pour 26 $, nous avons une chambre chauffée et la possibilité de prendre une douche chaude. Nous y déjeunons de nos provisions puis nous appelons Julie sur Skype. Elle et Alex sont de retour à Aix et son déménagement devrait suivre. Nous nous octroyons une sieste puis nous retournons en ville, les rues sont déneigées mais il continue de tomber quelques flocons. Nous allons au Liquor Store, seul magasin habilité à vendre des alcools et du vin pour y refaire un plein. Nous nous mettons en quête d’un restaurant, le chinois envisagé est fermé, le japonais aussi. En attendant de nous contenter d’une quelconque brasserie, nous retournons, au chaud, à la bibliothèque écrire des cartes postales et taper le récit de cette journée. Nous allons dîner à la Moab Brewery, une micro-brasserie avec de bonnes bières pas chères et des plats très copieux, toujours un peu trop sucrés bien sûr. Calamar en beignets, poulet au miel et aux amandes pour Marie, bœuf avec une sauce barbecue dont j’ai presque du mal à venir à bout, sans oublier patates, cole slow et petite salade plus pain et beurre à des prix introuvables en France !

Mardi 2 février : Certes la literie n’avait pas toutes les qualités espérées, mais la douce chaleur dispensée par une grille d’aération, des couvertures et non un duvet trop étroit et le plaisir de sentir nos deux corps imbriqués ont fait de cette nuit un plaisir. Un grand ciel bleu fait presque oublier les températures négatives même en pleine journée. Nous quittons notre auberge et allons nous garer près du bureau d’information pour avoir la météo mais il est inexplicablement fermé. Nous petit déjeunons dans le camion glacial, l’eau arrive difficilement et tout est glacé. Nous nous rendons au Visitor Center du parc Arches où on nous affirme que le parc Canyonlands est fermé, les routes d’accès en cours de déneigement. Nous avons envie de revoir Arches sous la neige et aussi de profiter de ce soleil inespéré. Nous retournons donc aux points de vue les plus facilement accessibles, sans avoir trop à marcher dans la neige, « Park Avenue », « les 3 Commères » et le site avec la double arche, tous magnifiques, la roche dorée par le soleil et la neige soulignant les crêtes, les failles, les sommets.

Nous retournons donc aux points de vue les plus facilement accessibles, sans avoir trop à marcher dans la neige, « Park Avenue », « les 3 Commères » et le site avec la double arche, tous magnifiques, la roche dorée par le soleil et la neige soulignant les crêtes, les failles, les sommets.

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Le ciel bleu semblant affecter toute la région, nous décidons d’aller voir si nous ne pouvons pas accéder à Canyonlands. La route du parc est proche et aucune signalisation ne l’indique comme fermée. La route vers « Island in the sky », comme est appelée cette zone du parc, a été déneigée et nous roulons bien jusqu’au carrefour de celle qui se rend à « Dead Horse Point » que nous empruntons. Ensuite des plaques de neige ou de glace nous contraignent à modérer la vitesse sur une route plus étroite. Des vaches, là aussi, vaquent en toute liberté dans des champs disparus sous la neige. Au bout de la route, nous atteignons le Visitor Center de ce State Park où nous devons régler le droit d’accès puisqu’il ne s’agit pas d’un National Park ! Les alentours sont sous la neige mais alerté par des vues de portions de canyons sous la neige, je m’aventure sur un sentier non déneigé dans lequel j’enfonce jusqu’aux genoux pour parvenir à un point de vue sublime ! 

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Un canyon se déverse vers le Colorado qui serpente au milieu de pitons disparaissant sous la neige, la fine couche blanche en souligne les strates. Un paysage en noir et blanc qui devrait être dans tous les tons rouges de roches brûlées par le soleil. Nous poursuivons quelques centaines de mètres jusqu’au point de vue d’où nous embrassons un gigantesque panorama de canyons, de pitons, de méandres, une immensité blanche surgie d’un rêve de graveur à la Dürer. 

Nous poursuivons quelques centaines de mètres jusqu’au point de vue d’où nous embrassons un gigantesque panorama de canyons, de pitons, de méandres, une immensité blanche surgie d’un rêve de graveur à la Dürer. 

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Nous nous en arrachons le temps de, rapidement, déjeuner dans un camion couvert de stalactites. Les roues ont projeté des particules de neige fondue sous la caisse, dans les passages de roue, sur les bavettes garde-boue, qui, avec la température extérieure, gèlent immédiatement. 

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Après cet émerveillement, nous revenons sur nos pas, ralentis par le dépassement d’un troupeau de plusieurs centaines de ces bovins gras et poilus que conduit un authentique cow boy à cheval, sur la route. Nous  poursuivons jusqu’au National Park et surtout à un autre point de vue, Grand View Point. Sur ces immensités de canyons, la neige a eu la gentillesse de laisser le grès rouge visible et s’est contentée de mettre en valeur les tons de la roche. Je suis un peu las de ces points de vue et surtout j’ai les pieds gelés dans mes souliers de ville. Je n’ai qu’une hâte, les quitter, enfiler d’autres chaussettes, pas mouillées, et mes « tennis de yachtman » qui auront connu quatre continents ! Encore quelques points de vue qui feraient traverser toute l’Europe pour les contempler puis nous prenons le chemin du retour. 

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Nous retraversons Moab pour la énième fois et continuons vers le sud. Nous quittons la route principale où je double les énormes poids lourds dans les côtes et où je suis, à mon tour, dépassé par les mêmes engins dans les descentes. Nous quittons cette route pour celle, encore bien couverte de neige glacée, qui mène dans la région des Needles. La nuit descend, nous ne distinguons plus grand-chose du paysage mais une multitude de biches (?) semble avoir choisi de nous y attendre avant de se sauver à notre approche. Nous nous arrêtons pour la nuit sur une aire non déneigée et dans laquelle nous devons tracer notre piste, au pied d’un rocher couvert de pétroglyphes. Nous nous offrons qui, un gin-tonic, qui, un verre de vin rouge avant de cuisiner pour nous réchauffer.

Mercredi 3 février : Je suis réveillé par le froid avant une heure du matin et ne parviens pas à me rendormir. Le chauffage refuse de démarrer malgré plusieurs essais. Le thermomètre à l’intérieur du camion descend lentement mais sûrement et atteindra les -5°c. Nous avons beau nous serrer l’un contre l’autre, nous ne parvenons pas à nous réchauffer. Dès que le jour commence à pointer nous nous extrayons de nos duvets, avalons un thé obtenu à partir d’une bouteille d’eau minérale. L’eau des réservoirs a gelé et le robinet a la goutte au nez, gelée. Je parviens non sans mal et après quelques minutes d’angoisse à démarrer le moteur et nous reprenons, dans le petit jour, la route complètement gelée en mettant à fond le chauffage. Il me faut bien du temps pour commencer à en sentir les bienfaits. Nous nous arrêtons à la première agglomération, Monticello, sur un parking de poids lourds pour faire le point et reprendre un thé accompagné de biscuits. Je serais, peu soucieux d’une nouvelle nuit glaciale, partisan d’abandonner le projet de Taos, Santa Fé, pour rejoindre au plus vite des contrées aux températures plus douces mais Marie n’est pas de cet avis… Nous continuons donc dans un paysage de conte de Noël avec des arbres couverts d’une Chantilly luisante sous le beau soleil qui fait ce qu’il peut mais ne parvient pas à ramener les températures à des valeurs positives. Nous entrons au Colorado, le Bureau d’Information nous donne une carte de l’Etat et quelques informations (nécessité de pneus neige ou de chaînes) sur le parc de Mesa Verde. Nous allons nous faire confirmer ces informations au Visitor Center du parc. Notre véhicule semble apte à affronter les trente kilomètres de route déblayées mais encore glacées dans une longue montée avec des virages négociés avec précaution au début puis avec plus d’assurance. Nous passons au musée du parc où sont évoqués les Indiens Anasazi qui, jusque vers l’an 1300 occupaient les mesas, les plateaux de cette région avant de mystérieusement disparaître. Des vitrines, un peu désuètes,  présentent leur mode de vie et un film moins nunuche que les précédents, complète les informations. Mais ce qui fait l’intérêt de ces Indiens est leur habitat constitué de maisons bâties sous de grands auvents dans les falaises. La route continue et passe à des points de vue sur quelques-uns de ces villages que nous pouvons contempler de l’autre côté du canyon, sans y accéder en cette saison. Ils sont tous fort intéressants mais le plus beau que nous ayons pu visiter en 1986, Cliff Palace, est aussi le plus grand, le plus construit avec des maisons qui pouvaient avoir quatre étage et de nombreuses kivas

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Sous des hangars sont aussi montrés les résultats de fouilles d’habitations plus anciennes, parfois à demi enterrées. Nous prenons le chemin du retour et croisons dans la descente le camion des Savoyards qui nous annoncent des températures abominables à Durango où nous avons l’intention de nous arrêter ce soir. Pas question de camper, nous nous résolvons à prendre une chambre dans un motel bas de gamme, Days End. Je ne trouve pas de supérette à proximité, aussi dînons-nous dans le camion et faisons la vaisselle dans notre salle de bain puisque nous n’avons toujours pas d’eau dans le camion.

Jeudi 4 février : Une nuit dont on ne voudrait pas en voir le jour poindre. Un chauffage sans défauts, un lit grand comme un terrain de base-ball, une douche réglable, rien pour rappeler les températures extérieures ! Quand, vers huit heures, je vais dans le camion, le thermomètre intérieur accuse une baisse qu’il n’avait jamais connue : -15°c ! Nous chargeons nos affaires et après être passés par le centre historique de la ville, immeubles de brique et quelques demeures ou hôtels du temps passé, remis à neuf, nous reprenons la route. Campagne enneigée et bovins habitués aux grands froids. Les petites villes traversées se ressemblent toutes avec leurs alignements de fast food, hôtels de chaînes interchangeables et leurs malls commerciaux. Après Pagosa Springs, nous passons des cols pas trop élevés dans un paysage digne d’un tableau d’hiver de Brueghel où il ne manquerait que des paysans en train de faire la fête, un ivrogne se soulageant, un autre lutinant la servante de l’auberge, bref, l’essentiel… Nous passons au Nouveau Mexique et nous rendons au Visitor Center où nous déjeunons dans le camion avec un chauffage qui daigne fonctionner. Nous continuons en direction de Santa Fé. Presque tous les noms de lieux sont à consonance espagnole. Nous traversons souvent des territoires de réserves indiennes, l’habitat est nettement plus pauvre. Nous commençons à rencontrer des maisons, des églises construites en adobe avec poutres qui dépassent des murs et formes adoucies, dans le style pueblo. A Abiquiu, nous visitons une église apparemment récente, dans ce style, avec de belles poutres reposant sur des corbeaux sculptés et couvertes de cannes. 

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Nous avons descendu quelques centaines de mètres en altitude, la neige est plus éparse, ce qui nous laisse espérer une nuit moins fraîche mais nous remontons à presque 2000 mètres à l’arrivée à Santa Fé. Nous cherchons et trouvons, avec le gps, un Walmart où nous passerons la nuit. Je vais acheter à la pharmacie une crème pour adoucir mes crevasses aux doigts puis, renseignement pris, nous traversons l’avenue pour nous rendre à une laverie où nous attendons au chaud que notre linge se refasse une beauté.

Vendredi 5 février : Encore une nuit bien glaciale ! Nous avons mis le chauffage avant minuit mais il a arrêté de fonctionner avant cinq heures. Le soleil a pris le relais peu avant sept heures. J’avais remis de l’eau dans le vase d’expansion, elle semble avoir disparu. Serait-ce la raison de ce disfonctionnement ? Nous repartons en direction du centre-ville. Bien que peuplée de moins de cent mille habitants, Santa Fé est, comme toute ville américaine, très étendue et il faut faire des kilomètres pour atteindre le cœur de la cité. Ici, pas de gratte-ciel, la règle est de copier les habitations traditionnelles des Indiens Pueblo pour les habitations et les édifices publiques. Nous nous garons derrière le Visitor Center. L’animation dans les rues autour de la Plaza, l’ancienne place centrale de la ville espagnole, est des plus réduite. 

 

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L’animation dans les rues autour de la Plaza, l’ancienne place centrale de la ville espagnole, est des plus réduite. Peu de voitures, encore moins de piétons avec ce froid mordant. Les boutiques pour touristes sont nombreuses et offrent, bijoux, poteries, tissages, inspirés des arts traditionnels mais à des prix astronomiques ! Ce n’est pas une ville à visiter en hiver et, aux autres saisons, elle doit être envahie de troupeaux de touristes. Nous entrons dans une chapelle, la Loretto, du gothique du XIX° siècle, vague copie de la Sainte-Chapelle de Paris mais sans les fresques et dont le chef d’œuvre est un escalier en colimaçon, exceptionnel aux Etats-Unis… Nous flânons dans les rues alentour, à la recherche des plus belles maisons, certaines ont une galerie sur la rue supportée par des poteaux, d’autres forment des assemblages cubiques adoucis par les arrondis des angles, sur les façades dépassent les poutres.

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Nous visitons le Palais du Gouverneur, transformé en Musée Historique de la Ville et de l’Etat. L’histoire du territoire, à partir de la conquête espagnole puis de l’indépendance mexicaine et enfin de son intégration dans les Etats-Unis, est racontée sans cacher les appétits et les injustices commises avec cet art bien américain du didactisme. Quelques salles nous intéressent, celles qui montrent les œuvres créées pour l’enseignement du christianisme, les Santos, sortes d’icônes populaires, peintes ou sculptées, naïves et fraîches. 

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Nous nous dirigeons ensuite vers le musée dédié à Georgia O’Keefe, l’artiste américaine qui s’était retirée à Abiquiu. Visite décevante, peu d’œuvres sont exposées par rapport à la taille du musée et à son tarif d’entrée. Je n’apprécie pas ses œuvres abstraites, ses paysages sont plus intéressants. Je vais poster une carte postale pour Julie en passant devant de beaux édifices à l’architecture traditionnelle adaptée puis nous revenons vers la jolie petite église de la mission San Miguel. Elle a conservé un beau retable baroque indien et un intérieur très dépouillé. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Nous retournons au camion pour déjeuner puis nous voulons nous rendre sur la colline où se trouvent d’autres musées. Mais impossible de démarrer ! Le démarreur fonctionne mais le moteur ne tousse même pas. Plusieurs essais maltraitent la batterie je me vois contraint de faire appel à un mécanicien. Je demande au Visitor Center de téléphoner à Land Rover, ils n’ont pas de dépanneuse et ne peuvent pas envoyer un mécanicien… Un des employés m’indique un garage proche, je m’y rends, le patron promet de venir dans trois quarts d’heure. Une heure plus tard, j’y retourne, il n’a pas le temps et de toute façon ne répare pas les moteurs diesel ! J’insiste pour qu’il me trouve quelqu’un mais il est tard maintenant et tous les garages sont fermés jusqu’à lundi… Il finit par me trouver un mécanicien qui accepte de se déranger demain matin. Je reviens annoncer la bonne nouvelle à Marie. Nous devons nous apprêter à passer la nuit sur ce parking mais Marie ne l’entend pas ainsi. Elle veut ressortir, profiter de la gratuité des musées le vendredi soir. Nous voilà repartis dans le vent glacial en direction de la Plaza. Le Museum of Arts expose des artistes locaux ou qui ont travaillé dans la région mais je n’ai pas très envie d’être là et n’attend que le moment de rentrer au camion. Nous revenons en passant devant un autre musée, heureusement fermé. Nous mettons du chauffage dès que nous sommes à l’intérieur, relayé ensuite par la cuisson du repas.

Samedi 6 février : Après une nuit identique aux précédentes et dont nous nous promettons bien qu’elle sera la dernière à grelotter, nous nous levons en nous demandant où nous serons ce soir. Le chauffage n’a pas tenu toute la nuit et la pompe, probablement gelée, refuse toujours de distribuer de l’eau. A neuf heures et demie, j’attends le mécanicien promis au garage. Il est ponctuel. Bruce, la cinquantaine bien tassée, grille des cigarettes qu’il roule et qui marquent de nicotine ses moustaches conquérantes. Il se penche sur le problème mais ne peut pas faire grand-chose hors de son atelier. Nous devons avoir recours à une dépanneuse qu’il appelle. Une demi-heure plus tard, je suis dans la cabine du camion avec le nôtre, amarré dans le dos, Marie est repartie avec  Bruce. Nous débarquons, nous et le camion à l’atelier, perdu dans une zone de mobile-home, au bout d’une piste de terre. La note est moins salée que je ne le craignais, 83 $ pour le transport. Le camion rentré dans l’atelier, agréablement chauffé, Bruce étudie le problème, le carburant n’arrive pas et il y a de l’eau dedans. Au bout d’une heure le moteur ronfle. Nous sommes contents, nous le ressortons, la glace qui couvrait les ailes intérieures a fondu ou s’est détachée des parois. Tout va bien ! Je coupe le moteur, règle 200 $ à Bruce, remonte dans le camion et le moteur ne redémarre pas ! Bruce se remet au travail, le moteur tourne… Prudemment, je lui dis que nous allons déjeuner sur place et que nous verrons ensuite s’il redémarre. Il ne veut pas attendre et nous demande de le suivre chez lui, en dehors de la ville. Garés devant sa villa, il nous invite, nous présente sa femme, sympathique, causante, puis nous propose de déjeuner ensemble. Pas chez eux, mais dans un restaurant à quelques kilomètres, très fréquenté. Nous devons attendre un quart d’heure avant de prendre place. Les plats sont toujours aussi copieux et bon marché le midi. Travers de porc à la cajun pour nous, salade et plat mexicain pour eux, avec de la bière pour les ivrognes français… Nous bavardons beaucoup, parlant des modes de vie locaux et français. Ils font des efforts pour se faire comprendre, moi aussi… Nous revenons chez eux, le camion ne fait pas sa mauvaise tête et démarre. Nous prenons la route d’Albuquerque en passant par une route secondaire via Madrid où semblent se concentrer des maisons d’artisanat, de sculptures, très prisées en ce samedi. Parvenus à Albuquerque, nous trouvons rapidement un Walmart où, après quelques emplettes, nous nous installons pour la nuit. Je vais relever nos messages en profitant du wifi du Mac Do.

Dimanche 7 février : Enfin une nuit sans grelotter ! La température extérieure a dû descendre en-dessous de zéro mais nous n’en avons que peu souffert avec le chauffage mis au matin. L’eau chaude a permis de dégeler la pompe à eau et l’eau est revenue au robinet mais aussi à la douche, restée en position ouverte, d’où une inondation qu’il a fallu éponger. Nous allons nous garer au Centre Culturel des Indiens Pueblo, un beau bâtiment géré par les 19 Nations des Indiens dits Pueblo. Il n’y règne pas une grande animation, nous avons même du mal à trouver quelqu’un pour encaisser notre participation à son développement. Des travaux occupent quelques ouvriers dans les couloirs et la partie musée est absolument déserte. Il y a plus à lire qu’à voir, les vitrines sont pauvrement garnies. A la boutique les prix pratiqués sont indécents, 500 $ pour un bol en terre cuite peint ! Comme en Alaska ou au Canada, le moindre artisan est un « Artiste » ce qui doit se monnayer… Nous allons nous garer sur la Plaza du vieux Albuquerque, un petit quartier de boutiques, restaurants, dans des patios, construits dans le style traditionnel, maison en torchis, toits plats et poutres dépassant des murs. Sur la place, l’église San Felipe de Neri, murs ocre et sommets des tours et des pignons blancs, date de la colonisation espagnole mais elle n’a pas le charme des Missions. 

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C’est la sortie de la messe, le curé donne l’accolade à chacun de ses paroissiens endimanchés. Nous nous rendons au Musée d’Art et d’Histoire d’Albuquerque en contournant tout un pâté de maisons que Marie trouve bien long. Présentation habituelle du développement de la ville, de ses débuts à nos jours, de ses réalisations, de sa population de cultures différentes etc… Nous passons rapidement, un peu las de ces présentations répétitives. Les salles devant exposer des objets datant de la conquête espagnole sur tout le continent sont fermées. Une autre présente des réalisations d’artistes contemporains de toutes les Amériques, certaines, des chaussures, des robes, sont étonnantes ou amusantes. L’exposition temporaire est consacrée à un certain Higinio Gonzales, un étameur de la fin du XIX° siècle qui avait créé des cadres extraordinaires en étain, découpés, parfois colorés, pour des images religieuses ou pour des autels portatifs. Nous récupérons le camion et filons, à l’extérieur de la ville, au Petroglyph National Monument. Sur une colline, un amas de roches volcaniques noires, est couvert de gravures rupestres. Après avoir déjeuné dans le camion, nous nous lançons dans les éboulis sur un sentier partiellement goudronné mais qui reste difficile pour Marie. Nous découvrons des dessins qui sont encore très énigmatiques, des personnages dont il est difficile de dire le rôle, la fonction, une représentation de yucca, d’un ara.

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Nous sommes tout de même déçus par la faible qualité artistique de ces pétroglyphes. Nous quittons Albuquerque et mettons le cap résolument au sud, sur une autoroute qui traverse une réserve indienne. Je somnole au volant et doit m’arrêter avant de trop m’endormir. Nous nous arrêtons peu après à Socorro, dans un RV Park, pour y avoir une bonne douche chaude et profiter d’une bonne connexion wifi. Nous téléphonons à Pierre Magne pour convenir d’un rendez-vous à Tucson. C’est dimanche, nous prenons l’apéritif, vodka-orange ou gin-tonic, en relisant mon texte avant de le mettre en ligne.

Lundi 8 février : Un peu de chauffage au matin et dès que le soleil brille, la température devient agréable. Nous avons tardé à nous lever et nous ne sommes prêts qu’après neuf heures et demie. Nous renonçons à passer au supermarché et attendrons ce soir. Nous prenons la route qui passe par les montagnes, en espérant avoir une route plus agréable que l’autoroute trop rectiligne. Nous sommes sur un plateau, à 1500 mètres d’altitude entre deux lointaines chaînes de montagnes, occupé par des ranchs immenses. Nous grimpons ensuite à plus de 2000 mètres et retrouvons des plaques de neige. Peu de monde sur ces routes secondaires, nous ne croisons que de rares fermiers dans leur pick up. Après Datil, la route serpente en montagne en plein pays apache. Des ranchs plus pauvres, maisons de bric et de broc, mobile homes, camping-cars en guise de logement, et beaucoup de vieilles voitures, sont installés sur des espaces beaucoup plus restreints. Une autre image d’Américains très modestes mais toujours aussi fiers de leur pays, arborant souvent la bannière étoilée devant leur porche. Je reprends du diesel à Reserve au double du prix habituel… Nous perdons ensuite de l’altitude, le soleil chauffe, plus de pull-over, en bras de chemise, nous entrons en Arizona.  De nombreuses portions de la route sont « adoptées », comme les y incitent des panneaux tout au long des routes d’Amérique du Nord, par des familles en souvenir d’un proche défunt. Nous parvenons à Safford où nous allons refaire un plein de victuailles puis nous sortons de la ville et allons nous installer pour la nuit dans un State Park, au bord d’un lac de barrage, hérons et canards dans les roseaux nous y tiennent compagnie.

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Mardi 9 février : Nous nous réveillons avec les yeux émerveillés d’un gosse un matin de Noël, pas de givre sur les vitres, plus besoin de nos thermolactyl Damart, le soleil réchauffe le camion, inutile de mettre en route la chaudière, il règne une douce température ! Nous quittons notre lac et reprenons la route, dans le désert, pour rejoindre l’autoroute qui mène à Tucson. Nous traversons le territoire des Apaches Chiricahua. Un « monument » évoque Cochise. Cochise ! James Stewart, « La Flèche Brisée » ! Que de westerns à revoir en rentrant… sans compter les dvd à acheter  ( Thelma et Louise, les John Wayne tournés à Monument Valley…). Des broussailles et des arbres défoliés et noircis commencent à émerger des cactus et des yuccas annonciateurs des paysages du désert de Sonora. Peu avant la grande ville, nous bifurquons pour entrer dans le Saguaro National Park. Sur les contreforts de la montagne, dans la banlieue de la cité, une immense étendue uniquement couverte de cactus de toutes sortes s’offre aux visiteurs. Cactus « cholla », « raquettes », « cactus bananes » comme je les nomme et surtout « saguaro », autrement dit cactus-candélabre. Les incontournables icônes du paysage mexicain, des cactus qui peuvent atteindre 150 ans et doubler et même tripler la taille d’un être humain. 

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Une route serpente sur quelques kilomètres, au milieu des diverses espèces de ces végétaux peu abordables, de toutes tailles, de toutes formes. Un sentier mène au milieu d’eux mais nous sommes tout de même déçus, nous attendant à une plus grande densité que nous ne trouverons que dans un ravin proche de la sortie. Nous rejoignons Tucson, une de ces interminables avenues nous conduit au bureau d’assurance mexicaine où je souscris pour une durée de trois mois un contrat  pour le camion. En poursuivant nous atteignons le centre moderne et y trouvons le Visitor Center. Munis d’un plan détaillé, nous partons à la découverte des anciens quartiers de la ville. Ils sont bien cachés. L’urbanisation de la ville les a réduits à peu de choses, un bâtiment de 1929 dans un vague style espagnol, qui sert de Tribunal, et, plus loin, le Presidio, une très simple maison en briques de terre, souvenir du premier établissement espagnol à Tucson. Très déçus par ces peu intéressants faux vestiges d’un passé plutôt récent, nous revenons, Marie en traînant la patte, au camion. Nous allons nous garer près du bario viejo, où quelques maisons quelconques mais  anciennes, un siècle, un siècle et demi, justifient le nom et le caractère « original ». Nous sortons de la ville, sans aucun caractère, pour, en suivant des indications de notre Gps, et malgré un soleil couchant de face, trouver le point de rendez-vous avec Pierre et Corinne. Ils nous précèdent de peu. Nous allons nous garer en hauteur, au-dessus d’un terrain occupé, gratuitement, par d’autres voyageurs. Nous les rejoignons dans leur camion dont nous envions (?) l’impeccable netteté… Apéritif puis Corinne nous prépare un trop copieux plat de pâtes bolognaises qu’un « gin » délicieux fait passer. Tout cela en parlant voyages, et avec force considérations sur cet étrange mode de vie américain. Coucher tardif…

Mercredi 10 février : Il a fait un peu frais cette nuit mais juste assez pour nous rappeler les jours difficiles… Nous faisons nos adieux à Pierre et Corinne en promettant de nous revoir en mai en France. Nous reprenons la route vers Tucson en découvrant ce que le soleil de face nous avait caché hier soir, des collines couvertes de saguaros. Au bout de quelques kilomètres dans la plaine, au milieu des cultures d’une réserve indienne, nous atteignons la mission San Xavier de la toute fin du XVII° siècle, Une belle église en crème chantilly, pas trop tarabiscotée et pourvue d’une façade en pierre brute, sculptée avec des représentations de Saints et de symboles.

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L’intérieur, d’un beau baroque indien, est superbe, fresques colorées aux couleurs passées, abondance de la décoration et peintures à la voûte et dans les coupoles.

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La boutique ne déparerait pas à Saint-Sulpice… Nous reprenons la route pour pénétrer dans la section ouest du Saguaro National Park. Nous ne pensions que le traverser pour récupérer la route de Phoenix mais nous sommes séduits par la densité, ici, des cactus, bien plus importante que dans la section est. Nous y découvrons même, sur les indications d’une ranger, un de ces cactus que j’appelle « chou-fleur » à cause de son extrémité supérieure exubérante.

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Une piste se glisse, au milieu du désert à flanc de colline, dans ce beau paysage érotique de phallus piquants, fièrement dressés, dans tous les stades de la bandaison…

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Nous nous promenons sur un bout de sentier pour nous sentir entourés par cette accumulation de cactées aux formes souvent étranges. Un autre sentier nous fait gravir une colline où, sur les roches, sont gravés des images, des signes mystérieux, spirales, gazelles, serpents, êtres humains. Nous retournons vite au camion, assoiffés car il fait chaud et nous déjeunons. Cette fois, ce n’est plus le chauffage mais le réfrigérateur que nous apprécions… Il est trop tard pour que nous puissions arriver à temps à Phoenix pour visiter le Heard Museum. Nous roulons néanmoins en direction de cette grande métropole, sur une autoroute rapide et dans un paysage plat et monotone. Le réseau de voies rapides, d’échangeurs, est très dense mais nous ne nous perdons pas trop. En demandant, nous trouvons un Walmart et bien qu’il soit encore tôt, nous nous arrêtons pour la nuit. Je vais racheter des sauces et des boissons puis nous faisons du rangement, pulls, chaussettes, écharpes sont enfouis dans les coffres…

Jeudi 11 février : La nuit va été calme, nonobstant le passage de la balayeuse au petit matin, moins bruyante tout de même qu’à Fairbanks. Nous empruntons les larges avenues pour nous rendre en plein centre-ville que, seuls, quelques gratte-ciel identifient comme tel. Mr et Mme Heard ont consacré quelques années de leur vie et surtout un joli paquet de dollars à acquérir des objets, paniers, poteries, bijoux, des diverses tribus indiennes, principalement du Sud-Ouest. Comme autrefois, on achetait des « indulgences », ils ont créé une fondation pour présenter cette collection. Dans un bâtiment moderne, de style « colonial espagnol », avec patios et galeries à arcades, est exposé le résultat de ces années de collecte. Un extraordinaire rassemblement de ces réalisations artisanales, preuves de civilisations anciennes (certains objets datent de plus d’un millénaire), sauvées de l’oubli et présentées en sections, suivant les diverses ethnies. Ensemble de paniers d’une inimaginable finesse, capables de contenir de l’eau, de poteries aux dessins remarquables, de bijoux d’argent incrustés de turquoises et de corail. Un ensemble de poupées katchinas (ou katsinas ?) récentes ou anciennes (plus d’un siècle), à damner un amateur ! 

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Dès le début, nous sommes séduits, d’autant que les objets anciens sont mis en regard avec des réalisations modernes qui n’ont jamais la qualité, la patine, la fascination des objets anciens. Je regrette tout de même que les cultures de ces peuples ne soient évoquées que par l’intermédiaire de ces ustensiles. Leurs habitats, coutumes, croyances, ne sont pas rappelés. D’autres salles évoquent les difficiles tentatives d’assimilation forcée dans des écoles, à régime sévère, des jeunes Indiens puis leur participation à la vie de la nation américaine. Nous y passons plus de trois heures et quand, après une visite à la boutique où, comme ailleurs, les prix sont complètement hors de proportion, nous en ressortons, il est temps de déjeuner avant de reprendre la route. Nous quittons Phoenix sur l’autoroute en direction de Los Angeles avant de bifurquer vers la frontière mexicaine. Nous sommes étonnés de constater que les bords de route sont jonchés de déchets. Après une fatigante traversée du désert sans intérêt, nous aboutissons, à quelques kilomètres de la frontière, au « Organ Pipe Cactus National Park ». Encore un de ces parcs consacrés aux cactus mais cette fois, il s’agit de cactus différents, dont la particularité est de diverger en multiples bras dès la racine. Vite, car le soleil baisse, nous nous renseignons au Visitor Center puis nous réservons un emplacement au camping avant de repartir sur une piste qui va se promener au milieu des cactées, grimper à flanc de collines au pied de falaises que les derniers rayons du soleil rougissent. Là encore, nous sommes ravis par l’abondance de ces énormes boudins verts pourvus de piquants, mélangés à d’autres « saguaros », plus classiques,  rencontrés à Tuscon. 

TRANSAMERICA (2.1.- Les Parcs du Sud-Ouest américain)

Bien que pressés par le temps, nous partons pour une belle balade au soleil couchant, avant de nous installer au camping, agréablement situé au milieu des cactus et exceptionnellement pourvu de douches. Fatigués et assoiffés, nous nous désaltérons avec une bière ou un gin-tonic avant de dîner. La douche, solaire, n’est plus chaude quand je l’utilise, tant pis.

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commentaires

P
Ben dites donc, vous ne trainez pas ! <br /> Ces images nous font revivre ces paysages et le commentaire reprend nombre de nos sentiments<br /> Sommes à San Diego, direction Yuma puis Tucson
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