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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 07:52


Samedi 23 mai
 : Pas de problème dans la nuit, personne n’est venu nous chasser… Nous allons nous garer devant le bazar, encore pas très animé, le cybercafé est encore fermé, pas très nerveux, les Kirghiz ! Je vais acheter de l’eau et du sucre puis nous attendons l’ouverture du cybercafé, prévue à neuf heures, réelle à dix… Nous trouvons quelques messages et je mets à jour le blog, sans les photos. Nous traversons le bazar, curieusement, les boutiques sont constituées par des containeurs. Pas grand-chose, des marchandes de laitages disposés dans d’antiques landaus, d’autres vendent des beignets sans goût et un marchand de champignons (bolets ?). Nous lui en achetons un kilo et demi pour 80 centimes d’euro ! Nous sortons de Karakol et prenons la route de l’Ouest sur quelques kilomètres puis nous bifurquons dans la vallée de Jeti-Ögüz. Nous apercevons dans le fond les montagnes enneigées, nous sommes au milieu de verts pâturages, entre des conifères de grande taille. Nous suivons un torrent qui passe au pied d’une curieuse montagne qui semble tranchée en deux. De l’autre côté, la roche rouge, dénudée présente de belles strates. Nous sortons la table et les fauteuils pour déjeuner au bord de l’eau et nous nous régalons d’une fricassée de nos champignons, relevés à l’ail et au persil. Sur tous les étals des marchés, on trouve du persil, de la ciboulette, du coriandre et de l’aneth. Des charrettes en bois, tirées par des ânes ou des chevaux munis d’un collier d'attelage en cerceau, passent, accompagnées de chevaux montés à cru par des gosses. Nous continuons dans le fond de la vallée, la route devient piste pour s’enfoncer dans des gorges, passer sur d’étroits ponts de bois, avant d’atteindre un jailoo, un alpage où paissent les troupeaux gardés par des cavaliers. Quelques yourtes sont installées, la plupart pour des touristes. Je photographie mes premiers Kirghizes avec le chapeau traditionnel, une sorte de bonnet en feutre brodé et galonné de noir. Les jeunes préfèrent la casquette à visière… Nous nous arrêtons au milieu des troupeaux, vite entourés de moutons et de vaches. Nous profitons de ce bel endroit paisible et bucolique avant de rentrer. Le passage du dernier pont est fermé par une barrière, ouverte à l’aller. Une voiture est sur le pont, la passagère tient la barre levée pour son véhicule et… la laisse retomber devant nous ! Elle est trop lourde pour que Marie puisse la maintenir et je dois batailler avec une corde pour l’attacher. Un cavalier vient à mon aide, je passe et il me réclame de l’argent ! Cet événement et un « bruit » de tôle qui vibre et dont je ne parviens pas à déterminer l’origine, depuis hier, me mettent de mauvaise humeur. Marie passe derrière pour essayer d’en trouver la source mais elle n’y parvient pas. Nous retrouvons Karakol. Nous cherchons le lieu du marché aux bestiaux, les indications sont vagues, les rues défoncées et toujours ce bruit… Nous allons voir la mosquée, très curieuse : elle a la forme d’une pagode, coins des toits relevés, frises de bois sur plusieurs rangées, ne manquent que les dragons, et les fenêtres sont russes ! Je trouve un jeune qui parle un peu anglais, il nous emmène au marché. Nous repérons le lieu et revenons nous garer devant le restaurant où nous envisageons de dîner ce soir. Un Américain, très étonné de nous voir là, vient nous faire un brin de causette, dans un excellent français. Nous dînons mi-chinois (très bon), mi-kirghize (nettement moins bien) puis nous allons nous garer près de la mosquée pour la nuit.

 

Dimanche 24 mai : Réveil avant six heures pour être à sept heures au marché aux bestiaux. Il y a affluence, voitures et camions ont amené et remportent moutons, brebis, chèvres, vaches et chevaux, tout ceci dans le calme, sans grand bruit. Il n’y a pas autant de coiffures différentes que je le pensais. Quelques personnes, généralement âgés portent l’al-kalpak, le chapeau de feutre, rares sont les calottes ouzbèk. Les femmes ont un foulard souvent de couleur vive, noué en madras. Je pars en chasse pour essayer de tirer le portrait des plus beaux, avec une préférence pour ceux avec une barbiche blanche. Nous pataugeons dans les déjections animales, tentons de parer les coups de queue, chargés de bouse fraîche, les ruades traîtres des chevaux énervés. Nous sommes étonnés par ce qui est considéré comme le nec plus ultra des moutons : ceux avec une masse graisseuse de l’arrière train qui leur donne des allures d’hottentote callipyge. Au bout d’une heure, après être allés voir le coin des gargotes en plein air, brochettes et samovars fumants, nous repartons et prenons la route du sud du lac. Le ciel étant peu généreux, nous n’apercevons que les montagnes proches, celles de l’autre côté du lac sont invisibles. De rares plages de sable ocre doivent être agréables quand il fait chaud, pas aujourd’hui… Des résidences de vacances sont en construction, certaines en forme de yourte, en béton… Dans un cimetière, sur les mêmes tombes, le croissant, l’étoile de l’Islam, et la faucille et le marteau ! Dieu reconnaîtra les siens… A l’autre bout du lac, nous prenons un raccourci, en traversant une étrange étendue désertique, lit de fleuve tari, avant de rejoindre la route de Kochkor. Nous longeons un lac sous un désespérant ciel gris, pas une yourte, pas un troupeau. Kochkor n’a pas grand-chose à offrir. Pas de cybercafé. Nous déjeunons alors qu’il commence à pleuvoir puis nous allons nous informer sur l’accès au lac Song-Köl. Toutes les pistes sont coupées ! Avalanche, abondance de neige, année exceptionnelle, bref toutes les bonnes raisons pour me gâcher le Kirghizstan. Je comptais beaucoup sur ce lac pour y trouver l’image d’un Kirghizstan de rêve : pâturage, troupeaux, yourtes, lac, montagnes… Nous revenons sur nos pas, très déçus, sous la pluie. A l’aller, nous avions passé une barrière sans être arrêtés, au retour il nous faut encore payer cinq cents soms, toujours pour une « réserve de la biosphère ». Sans l’inutile détour par Kochkor, nous y échappions. Histoire de parfaire la journée, le réfrigérateur a décidé de se mettre en grève. Je tire franchement la gueule ! Nous traversons Balykchy en nous fiant aux montagnes et au lac, pas un panneau, pas une indication. Nous évitons le centre ville et passons par une ancienne zone industrielle qui semble complètement à l’abandon, usines et bâtiments aux vitres brisées, ferrailles, béton vieilli. Nous longeons de nouveau le lac, sur la rive nord cette fois. Nous atteignons Cholpon Ata, lieu des résidences secondaires de la bourgeoisie de Bichkek, nous avons croisé leurs voitures puissantes, de retour sur la capitale, pas des Lada… Nous cherchons et finissons par trouver le champ des pétroglyphes. De grosses pierres éparpillées sur un versant de la montagne, forment un étonnant lieu de culte de la préhistoire locale. La datation est vague, pour les plus beaux exemples : du VIII° siècle avant au V° après ! Nous sommes à peine dans le champ qu’une jeune femme accourt nous vendre les tickets d’entrée. Elle tente de s’imposer comme guide mais notre méconnaissance du russe et la sienne d’une autre langue met vite un terme à ses tentatives d’explications. Nous nous promenons entre les pierres et trouvons les plus remarquables, notamment un superbe panneau avec une représentation d’ibex aux cornes recourbées et une chasse au léopard des neiges. Plus loin, d’autres gravures d’antilopes et trois pierres levées, identiques à celles vues au musée de Taraz. Nous retournons dans le bourg, y trouvons un cybercafé pour lire un message de Julie qui a pu voir et caresser Réglisse mais qui ne parle pas de la fête des Mères au grand dépit de Marie, pas sûre que ce soit aujourd’hui. Nous cherchons à accéder à la plage pour nous installer pour la nuit. Je tente de réparer le réfrigérateur, en vain et enfin je dois changer la bouteille de gaz, de nuit, en m’éclairant avec la lampe torche, en tenant le portillon qui s’ouvre vers le haut et en serrant le filetage… Pas ma journée ! J’oubliais : cassé le bracelet de ma montre…

 

Lundi 25 mai : Le vent furieux se déchaîne au matin. Il nous ramène le soleil mais ne suffit pas à chasser des montagnes la ouate qui enveloppe leurs sommets. Nous revenons sur nos pas puis quittons le lac en direction de la capitale, Bishkek. Nous traversons un paysage de montagnes arides et ravinées par endroits avant d’entrer dans des gorges sinistres au fond desquelles roulent des flots couleur de latérite. C’est au sortir de ces gorges que, ma vigilance s’étant assoupie faute de présence policière au Kirghizstan, je me fais arrêter pour excès de vitesse. Le policier, content de lui, me colle son radar sous les yeux : 65 km/h au lieu des 40 km/h permis ! Il tente de retenir mon permis de conduire international, ce dont je me moque puisque j’en ai un second, fait mine de transiger à deux cents soms, quatre euros, baisse à cent soms et devant mon net refus, me le rend… Les montagnes s’écartent, se couvrent de verdure, nous sommes dans une plaine cultivée. Le parc automobile s’améliore quand nous nous rapprochons de Bishkek, la route plus large autorise toutes les audaces des conducteurs. Nous faisons un détour pour l’antique cité sogdienne de Burana. Au XI°siècle ce fut une ville avec des remparts dont on devine le tracé, avec une forteresse dont il reste les murs de quelques pièces et un minaret reconstruit auquel on a accolé un abominable escalier extérieur en colimaçon. Un groupe d’hommes et de femmes est en prière, sur le gazon. L’une d’elles, plus âgée, porte une guimpe maintenue par un touret qui lui donne une allure de « Dame du temps jadis » assistant à un tournoi. L’escalier intérieur du minaret, étroit et abrupt, tout en brique ressemble à quelque boyau intérieur filmé par endoscopie. Il débouche sur une plateforme, la vue est quelconque, les montagnes étant dans les nuages. Nous allons nous promener dans le champ, fraîchement moissonné, où des balbals, les pierres levées sculptées de formes humaines, et des gravures rupestres, ont été disposés. Nous reprenons la voiture et quelques kilomètres plus loin, nous arrivons à Bishkek. Les indications de rues sont presque inexistantes, les feux rouges sont plus devinés que vus, mais nous trouvons le centre, une immense esplanade que nous verrons mieux demain. Nous cherchons le consulat de France, il a déménagé. Nous y parvenons à temps pour être reçus par une dame d’origine russe, aimable, étonnée par nos questions mais auxquelles elle s’efforce de répondre. Elle nous indique une laverie, téléphone à l’ambassade du Tadjikistan qui lui assure que le permis GBAO pour le Pamir n’est plus nécessaire, ce qui nous étonne, et enfin nous donne rendez-vous demain matin pour nous trouver un réparateur de réfrigérateur. Nous passons ensuite à une agence de voyage qui fait aussi boutique, tenue par l’épouse russe d’un Français. Elle nous confirme l’abandon du permis GBAO et nous dit que nous pouvons stationner dans l’impasse derrière la boutique. Nous portons le linge sale à la laverie, il sera prêt dans trois jours. Nous revenons stationner dans l’impasse, près de la boutique. Nous en repartons pour aller dîner dans un restaurant de cuisine kirghize. Beaucoup de monde dans la grande salle, des familles avec de jeunes enfants, je remarque tout de suite l’absence de boissons alcoolisées. Effectivement, l’établissement respecte les règles islamiques : les serveuses ont toutes un voile sur la tête, même si leur queue de cheval en dépasse. Nous dînons donc à l’eau gazeuse : Le plov de Marie est un bon plat de riz plutôt gras, de bœuf et de carottes, mon plat a des relents de cuisine chinoise, légumes et viande de mouton sur du riz, pas du tout épicé et les pelmeni frits, fourrés au mouton achèvent de nous remplir la panse. Les plats sont très copieux et nous en laissons. Nous revenons nous garer pour la nuit dans l’impasse.

 

Mardi 26 mai : A l’exception d’un chien perturbé et du passage des éboueurs au petit matin, le lieu fut calme. Nous nous rendons à l’ambassade où à dix heures arrive le frigoriste pressenti. Son diagnostic est le mien : compresseur hors service, irréparable et introuvable ! Nous voici sans possibilité de garder de la nourriture et encore moins de boire frais ! Nous cherchons une glacière fonctionnant sur batterie. D’abord au Tsoum, un grand magasin sur plusieurs étages dont le rez-de-chaussée est uniquement consacré aux téléphones portables, mais pas de glacière, non plus que chez un marchand d’articles de camping, au supermarché ou dans un magasin de réfrigérateur ! Nous allons nous garer près du bazar, identique à ceux déjà visités : grande halle de béton et étals de légumes, de fruits, frais ou secs, peut être mieux disposés. Les tas de cerises et d’abricots nous font envie, nous en achetons ainsi que des abricots séchés, parfumés mais trop secs. En guise de déjeuner, nous nous contentons d’un samsa, sorte de chausson à la viande de bœuf, surtout du gras… Nous nous rendons ensuite au Musée historique, sur la grande place centrale de Bishkek, avec, en toile de fond, les montagnes couvertes de neige que l’on distingue très bien en cette belle journée ensoleillée. Le premier étage est consacré à chanter la Révolution : portraits, photos, statues de Lénine, fresques à thèmes révolutionnaires au plafond. Au second étage une yourte et quelques beaux tissages, photos des temps anciens. Le problème du réfrigérateur, celui de la voiture dont le bruit qui, je pense, est dû à un jeu dans le bras de suspension du pont arrière, et qui de plus, présente une importante fuite d’huile au joint du différentiel  : je vais tirer la gueule le reste de la journée !!! Nous passons devant une autre place sans le moindre intérêt. Bishkek est une ville « verte » par ses avenues ombragées mais elle n’a guère d’attraits et la furia de ses conducteurs, pressés, impatients, le klaxon impérieux, la rend pénible. Faute de savoir quoi faire ni même d’en avoir envie, nous retournons à la boutique de la veille. Nous nous faisons indiquer un cybercafé et nous demandons à Natacha, l’aimable propriétaire, de nous trouver un mécanicien pour examiner la voiture. Nous envoyons un message à Agnès pour son anniversaire mais sans pouvoir lui joindre une photo préparée à cet effet. Nous nous rendons ensuite à l’Alliance française. Pas de cinéma prévu aujourd’hui mais nous pouvons lire des journaux récents : « Le Monde », « Le Nouvel Obs ». Nous y faisons la connaissance d’un Français marié à une Kirghize, personnage bizarre, peu au fait des possibilités de circulation, encore moins des restaurants et qui ne nous est pas d’une grande aide. Des élèves suivent un cours d’une professeur française, qui, prise d’un doute en l’écrivant au tableau, vient me demander comment s’écrit «apesanteur » ! Nous cherchons un restaurant, hésitons entre un chaikhané de cuisine locale mais sans alcool et un chinois, ce dernier l’emporte… Très classiques plats : porc aigre-doux et poulet au piment et cacahouètes, après une étrange salade de champignons de mer, croquants sous la dent. La bière n’y est pas aussi fraîche que nous l’aurions souhaité. Retour à notre impasse pour la nuit.

 

Mercredi 27 mai : Le piment d’hier soir ne m’a pas réussi et ce matin mes intestins se révoltent et mon anus est en feu ! Nous attendons onze heures pour retrouver Natacha et son mari Philippe, à la boutique de souvenirs. Elle nous accompagne dans la voiture jusqu’au garage, un ancien atelier de montage de voitures de l’époque soviétique, repris par ses anciens ouvriers. Les installations sont vieilles mais le travail est, paraît-il, sérieux. Ils diagnostiquent du jeu dans le bras de suspension, dans une attache de l’amortisseur et peuvent traiter la fuite d’huile au carter du pont arrière. Je laisse la voiture et nous prenons en taxi, arrêté et au prix convenu pour éviter toute contestation par Natacha qui reste dans les parages. Nous nous faisons déposer au chaikhané où nous avions hésité à aller hier soir. Je change des dollars en prévision du paiement des réparations. Nous déjeunons d’excellentes brochettes, de poulet et de viande hachée mais avec de l’eau gazeuse ! Nous partons en promenade, rentrons dans une boutique de souvenirs et d’ « antiquités » et en ressortons avec une parure de lit, brodée, bien marchandée… Nous traversons le parc, à l’ombre car le soleil commence à taper. Nous nous rendons au Musée des arts décoratifs. Belle exposition de photo dans le hall et salles de peintures et dessins de qualité variable mais pas bien élevée en général. Même chose à l’étage dans une interminable enfilade de salles : peintres sans talent ou avec des années de retard. Une salle présente des tissus, des bijoux en argent, incrustés de pierres semi-précieuses et des coffres décorés, elle sauve la visite. Nous prenons un verre à la terrasse d’un café du parc puis retournons en taxi à la boutique, en nous disputant avec le chauffeur sur le prix de la course. Le garage a téléphoné, la voiture est prête mais le montant de la réparation a augmenté… Je repars en taxi, récupère la voiture, plus de bruit, plus de fuite. Retour à la boutique où Marie est restée devant un thé, à discuter avec Natacha et Philippe, ancien militaire reconverti dans l’organisation de treks. Marie tient à  leur acheter une enveloppe de coussin pour les remercier de leur aide. Nous nous installons ensuite, toujours dans l’impasse, pour la nuit.

 

Jeudi 28 mai : Au matin, on toque à la porte : Nous sommes garés devant un bureau, il faut nous avancer de vingt mètres ! Nous allons récupérer le linge et nous quittons Bishkek. Nous suivons la route de Taschkent sur quelques dizaines de kilomètres en longeant la chaîne de l’Alatau avant de nous diriger droit sur elle. La route, excellente pour une fois, après que nous avons acquitté un péage, escalade en lacets serrés le col de Tör-Ashuu, à la limite de la neige, à 3500 mètres d’altitude. Nous achevons la traversée de cette chaîne par un tunnel qui débouche sur l’autre versant, dans le bassin du Suusamyr, une prairie limitée par une seconde chaîne de montagnes. La bonne herbe printanière y est transformée en koumis, le lait de jument fermenté que les éleveurs produisent chaque jour. Ils ont installé leurs yourtes sur le bord de la route et vendent cette boisson sur des étals. Marie se refuse absolument à en faire l’expérience, mon appétence pour les laitages ne m’y pousse guère… Nous nous contentons donc de profiter de la vie pastorale, les troupeaux, leurs gardiens à cheval, les yourtes, le paysage d’alpages sous les pics enneigés… Nous devons passer un second col, l’Ala-Bel, moins haut, moins difficile à franchir mais plus large et plus enneigé. La descente se fait dans des gorges escarpées, sauvages, sans cultures ni élevages si ce n’est celui des abeilles. De nombreuses ruches ont été installées et du miel est en vente dans des bouteilles en plastique. De sympathiques gargotes, des chaïkhané, installées le long du torrent, proposent de déguster des truites, assis en tailleur sur des estrades. Il est hélas trop tôt ou trop tard ! Nous atteignons Toktogul, traversé sans s’en apercevoir, avant d’en contourner longuement le lac de barrage. Nous roulons entre de basses montagnes aux courbes veloutées dans tous les tons de vert et la rive opposée du lac, ceinturée par des montagnes ravinées aux strates très marquées, sous la chaîne que nous venons de franchir. Nous enchaînons avec un autre col, bien moins haut mais aux pentes bien marquées, dangereuses pour les poids lourds qui roulent au pas. Encore des gorges que l’heure tardive ne nous permet pas d’apprécier sous le meilleur éclairage malgré les eaux turquoise des lacs de barrage. Nous quittons l’axe principal pour une route, heureusement correcte, du moins au début, afin de nous rendre au lac de Sary Chellek. La région fut productrice de charbon. Il en reste des entrées de mines encore artisanalement exploitées, des terrils et des flancs de montagnes noircis par le poussier. C’est au sixième contrôle de police de la journée (moi qui trouvais les policiers kirghizes rares et moins pénibles !), que je risque le plus la contravention ! Les cinq précédents contrôles se sont vite terminés dès que les policiers se sont rendu compte à qui ils avaient affaire : des touristes, Français, ne parlant pas un mot des langues usitées dans la région… Ce dernier, tenace, commence à parler de contravention avant d’en trouver le motif : il s’aperçoit que Marie a sa ceinture de sécurité et pas moi ! Voilà le motif ! D’autant plus grotesque que personne ne la met et que les Lada pourries qui constituent l’essentiel des véhicules de cet arrière pays, en sont dépourvues. Je réussis à le persuader que j’ai ôté la ceinture pour ouvrir ma pochette ventrale et lui sortir les passeports. Nous l’abandonnons tout penaud ! A la bonne route succède une piste pas fameuse, nous la suivons sur quelques kilomètres puis décidons de nous arrêter pour la nuit, au bord du torrent. J’y mets à rafraîchir le rosé et l’eau gazeuse.

 

Vendredi 29 mai : Pas de voitures dans la nuit, seul le bruit du torrent aurait pu nous distraire dans la nuit, il n’en a rien été. Nous repartons sur la piste en longeant le torrent, au milieu de plantations, des noyers (?). Trois jeunes filles font du stop, nous les emmenons, la plus « enveloppée » a bien du mal à se hisser dans la cellule. Elles vont passer la journée au lac. Elles ont toutes les trois l’âge de Julie, s’étonnent de notre installation, se récrient devant le prix que nous devons payer, nous les étrangers, pour entrer dans la réserve (vingt-deux dollars !) et nous mettent de la musique qu’elles reprennent en chœur… La route continue dans les vergers puis commence à grimper à flanc de montagne, la piste se ravine, les voitures ordinaires peinent dans les montées, nous ne sommes pas les seuls à nous rendre au lac. Arrêt photo avec nos passagères délurées et enfin nous découvrons un premier étang aux belles eaux bleues dans un cirque de montagne où se jette un ruisseau. Mais le lac est encore plus loin. Encore un kilomètre et nous l’avons en face de nous. D’un calme remarquable, il semble n’avoir jamais été ridé, les montagnes qui le bordent s’y reflètent comme dans un miroir. Un joli lac alpin, rien à lui reprocher si ce n’est que de n’être qu’un lac de montagne, sans rien de spécial au Kirghizstan. Je ne suis pas sûr qu’il méritait les presque cent kilomètres de détour que nous avons dû faire pour le voir. Des jeunes continuent d’arriver, les jeux de ballon, la radio, les pique-niques qui se préparent, les papiers gras et les bouteilles plastiques abandonnées ne nous retiennent pas. Quelques jeunes tentent bien d’engager la conversation en anglais mais une fois déclinés nationalité et prénoms, l’échange tourne court. Nous redescendons la côte, retraversons les vergers et retrouvons le goudron. Nous déjeunons sur les bords de la rivière sans que la bière et la boîte de pâté aient eu le temps de rafraîchir dans le cours du torrent. Nous revenons à la route principale, sortons des gorges et roulons alors dans une plaine cultivée sans montagnes à proximité. Il fait chaud dans cette plaine et nous commençons à transpirer sérieusement. Nous contournons Jalalabad et devons encore faire un détour pour cause de découpage frontalier avec l’Ouzbékistan, qui n’a pas tenu compte des routes existantes. Nous arrêtons à Özgön pour aller voir de près un joli minaret du XI° siècle, très proche de celui de Burana et un ensemble de trois mausolées décorés de briques, des premiers souverains karakhanides. Peu avant Osh, nous croisons une Land Rover avec une cellule Polycomposit de Français. Nous arrêtons, eux de même, et nous causons, échangeons tuyaux, impressions, souvenirs de voyages, avant de reprendre, chacun de notre côté, la route. A Osh, nous trouvons rapidement un parking gardé, face à l’hôtel du même nom. Nous allons aussitôt dîner. Le restaurant auquel nous envisagions d’accorder notre clientèle ayant disparu, nous allons dans les jardins, sonorisés, de l’hôtel, nous régaler de chachlik avec des bières glacées et gratuites ! Retour alors que l’air fraîchit, au camion.

 

Samedi 30 mai : La musique du bistrot proche a duré en début de nuit mais fatigué, je ne l’ai pas entendue longtemps… Au petit matin, un chien, encore un traumatisé, est venu hurler sa désapprobation de longues minutes, puis, une fois certain de notre réveil, il s’en est allé vers d’autres dormeurs. Nous profitons du robinet d’eau, à l’aide de divers tuyaux de diamètres différents, raccordés au moyen de chiffons, élastiques, morceaux de caoutchouc, pour remplir les réservoirs et même arroser, pas laver, la voiture. Nous commençons la journée par une visite à une agence de voyage, difficile à trouver (les noms de rue ne sont pas indiqués et les jeunes ne connaissent pas les anciennes dénominations). On nous assure à l’agence que le permis GBAO pour le Pamir est toujours nécessaire et ils se font fort de nous l’obtenir en deux jours moyennant soixante dollars chacun ! Nous décidons de tenter notre chance sans… Nous nous garons ensuite devant la poste, je m’y renseigne sur les tarifs postaux. Nous avons assez de timbres pour dix cartes postales. Nous n’en avons que trois, il va donc impérieusement falloir trouver sept cartes… Nous allons au musée : pas d’électricité donc fermé jusqu’à… La yourte à trois étages (!) est dans les mêmes conditions. Nous avons très chauds et donc très soif, nous nous dirigeons vers un tchaïkhane qui nous paraît accueillant. Sur le premier tapchan, la banquette recouverte de tapis sur laquelle on s’installe pour boire ou manger, des hommes, certains avec de superbes al-kalpak, et des femmes en robes dans les tons rouge-violet, des foulards colorés sur la tête, sont assis en tailleur, devant une multitude de plats : nan, beignets, diverses salades, cerises, abricots et du thé. Un aryk, un ruisseau court sous les banquettes et rafraîchit l’air. Je demande la permission de faire des photos, nous sommes aussitôt conviés à participer au festin. Nous n’avons pas bien faim, plutôt très soif et le thé ne sous désaltère pas assez. La conversation tourne court et après un intervalle de temps poli, nous prenons congé. Nous passons dans un cybercafé, surtout cyber et pas du tout café, pour lire un message de Julie qui nous annonce ses projets d’achat de voiture, un de Joëlle et Klaus déjà en Mongolie. Nous répondons à Julie et mettons à jour le blog. Nous déjeunons d’une salade avec de la bière pression, glacée !!! Nous partons en quête des indispensables cartes postales, nous courons d’un point à l’autre, de la faculté des Arts, pas trouvée, à l’office du tourisme, pas trouvé non plus, pas de cartes postales ! Nous retournons au musée, toujours sans électricité… En allant chercher des boissons fraîches dans un supermarché, j’aperçois, garés le long du trottoir, deux Land Rover avec des cellules AzalaÏ de Français de Marseille et Toulouse. Nous discutons, échangeons des nouvelles et convenons de nous retrouver au parking ce soir. Nous reprenons la voiture pour monter sur la colline rocailleuse qui domine la ville. Nous devons acquitter un très modeste droit d’entrée pour faire quelques centaines de mètres avant de pouvoir se garer. Nous continuons à pied sur un sentier en partie cimenté, en partie sur des roches glissantes. L’une d’elles est polie par les femmes qui s’y allongent et se laissent glisser, ce qui est censé leur assurer une nombreuse descendance. Parvenus au bout, près d’un petit mausolée, la vue sur la ville est totale mais celle des maisons couvertes de tôles, alignées le long de rues rectilignes est sans charme. Les Français de rencontre nous y croisent. Nous redescendons et retournons nous garer au parking. Les Français nous y retrouvent et nous échangeons des informations. Ils nous offrent un pastis glacé très bien venu ! Nous les abandonnons pour aller dîner dans un restaurant repéré dans le guide. Cuisine très décevante : les œufs farcis au caviar rouge sont un vulgaire œuf dur saupoudré d’œufs de poisson, le bœuf Strogonoff de Marie est à la sauce tomate, pas mauvaise mais pas vraiment russe. Quant à mon filet de perche il est d’une consternante banalité. Retour au parking pour la nuit.

 

Dimanche 31 mai : Pas trop de musique, pas de chien en goguette, la nuit a été bonne et le réveil se fait en douceur. Nous disons au revoir à nos compagnons de rencontre et partons pour le bazar. Nous garons près de la halle aux légumes et parcourons les rangées, spectacle habituel, rien de particulier et pas vraiment plus de monde qu’aux autres marchés. Les Français nous retrouvent, nous arpentons de concert les allées où l’on vend les al-kalpak et Marie en achète un pour offrir au retour. Nous faisons quelques courses, fruits, pain, tomates. Nous ne pouvons plus acheter trop de provisions faute de réfrigérateur. Nous reprenons la voiture, nous nous perdons dans la ville et trouvons difficilement la route de Sari Tash. Je fais les pleins de gasoil, réservoir et jerrycans. Nous arrêtons peu après, en cherchant l’ombre pour déjeuner puis nous continuons. La route est en travaux, pas rapide avec les traversées de villages. Nous passons au milieu de cultures avant de commencer à monter sur des montagnes bien verdoyantes. Au col nous retrouvons le paysage maintenant classique des alpages avec les troupeaux de chevaux et les nombreuses yourtes éparpillées à flanc de colline. Le ciel se couvre, il tombe quelques gouttes, la route est devenue piste, suit le lit d’une rivière qui se partage en plusieurs filets dans les galets. La roche est rouge, érodée et forme une sorte de cañon que nous empruntons. Nous doublons un jeune couple de cyclistes niçois, en route pour la Chine ! De petites fleurs jaunes couvrent la prairie ; avec du soleil, les couleurs avivées des montagnes éclateraient. La dernière étape est un col à plus de trois mille cinq cents mètres d’altitude, prélude à celui à quatre mille six cents qui nous attend demain au Tadjikistan. Il se grimpe sans difficulté malgré quelques épingles à cheveux boueuses. La descente sur le versant Pamir est plus facile et nous offre une vue sur les belles montagnes couvertes de neige. Au bas de la côte, nous trouvons un camp de yourte, Marie est assez tentée d’y passer la nuit. Nous allons jusqu’à Sary Tash, encore un bout du monde ! Un simple carrefour, une route en direction de la Chine, une vers le Tadjikistan, quelques tristes maisons, une station-service, un cimetière où les tombes ne sont marquées que par des piliers de bois sculptés auxquels sont accrochées, comme des trophées de hordes mongoles, des crinières. Dans le lointain, les montagnes ensoleillées du Pamir qui nous attendent, alors que nous grelottons dans le vent glacial. Nous attendons les deux autres Land Rover, elles tardent. Nous revenons aux yourtes, je me renseigne sur les tarifs et nous finissons par nous y installer, nous enfilons pulls, chaussettes et gros blousons. Passent les deux voitures, sans s’arrêter. Nous leur courons après et les ramenons aux yourtes. Nous passerons la nuit, tous les six sous la même yourte ! Le repas est bien sympathique en mettant en commun nos réserves d’alcool : pastis, vodka-orange, rosé de Provence et pour finir Armagnac !

 

Lundi 1er juin : Je me suis battu avec la couette qui avait tendance à glisser et le feu s’est éteint dans la nuit. Bref, je ne suis pas mécontent du lever du soleil qui donne le signal du réveil. Nous allons dans le camion pour que Marie fasse sa toilette puis nous regagnons la yourte en compagnie donc d’Anne-Marie, la cheftaine, Gérard son mari, la belle-sœur Anne-Marie et son mari. Nous attendons le petit déjeuner ponctuellement servi à huit heures, avec des œufs, des saucisses, je mange celles de Marie, et les classiques pain, beurre, confiture. Nous nous décidons à partir avec force promesses de nous revoir en France et de nous écrire. Nous retournons à Sari Tash refaire des photos du cimetière et enfin nous continuons en direction du Tadjikistan. Non sans appréhension : ne serons-nous pas refoulés faute de ce permis GBAO que d’aucuns disent inutile ? Les cols seront-ils franchissables ? J’avais vu hier des vaches dont l’aspect m’avait paru bizarre, je découvre qu’il s’agit de yaks, aux longs poils noirs, bossus, aux cornes plus fines. La route se dirige droit vers les montagnes, commence à s’infiltrer entre elles et nous amène au poste frontière kirghize. Les formalités de sortie se font sans difficulté, une fois la curiosité des agents des douanes et de police satisfaite. Nous continuons donc vers le premier col, le Kizil-Art, à 4280 mètres d’altitude. La montée se fait sans peine, seuls les dernières centaines de mètres, dans la neige et la glace posent problème à deux camions, pas à nous. Nous arrêtons au sommet, frigorifiés dans le vent glacial, toutes les montagnes autour de nous sont couvertes d’une belle couche de neige. La descente sur ce versant est plus facile, sans trace de neige sur la route. Le poste tadjik apparaît presque aussitôt. Notre absence de permis est relevée par le premier responsable mais devant mon incompréhension feinte, il n’insiste pas et nous entrons au Tadjikistan en emmenant avec nous, en guise de passagers, un militaire et son chien, un cocker. La descente sur une bonne route, gondolée mais sans trous, avec parfois des surprises, est rapide et superbe dans un paysage totalement désertique, pas un humain, pas un animal, de rares touffes d’herbe rabougrie. Du minéral, que du minéral, des roches colorées qu’un soleil point trop avare met en valeur. Nous descendons jusque sur les bords de l’immense lac Karakol qui, bien que salé, est encore partiellement gelé. Nous arrêtons au village du même nom, un ensemble de masures en torchis dont les habitants sont tous emmitouflés dans des écharpes pour se protéger du vent violent. Nous arrêtons près du lac, entre des buttes de terre couvertes de sel. Un camion-citerne vient chercher, avec des seaux, de l’eau pour ravitailler le village. Nous déjeunons rapidement puis repartons. La route recommence à monter doucement, toujours dans ce désert balayé par des rafales de vent de sable, soudaines et aveuglantes. Le passage du second col, le Aqbaytal, à 4655 mètres, se fait presque sans que nous nous en apercevions, en troisième vitesse jusque dans les dernières centaines de mètres. La route est toujours aussi correcte, à l’exception de deux passages de tôle ondulée très dure. Nous apercevons de jolies marmottes au beau pelage rouge feu, seules traces de vie. En approchant de Murgab, atteint plus tôt que nous ne le pensions, les troupeaux de brebis réapparaissent. Nous déposons notre passager à l’entrée de la ville. Deux policiers débonnaires nous souhaitent la bienvenue et nous demandent d’aller nous enregistrer à la police. Je trouve la banque, toute neuve, et change cent dollars. Nous nous rendons ensuite à une agence de voyage où un employé eu visage très buriné, dans un excellent anglais, nous donne des informations. Le permis GBAO est toujours exigé et nous risquons donc des problèmes d’après lui. Nous allons à la police et là, on me demande ce maudit permis. Nous devrons aller le chercher à Khorog mais sans passer par la vallée du Wakhan où les militaires seront sans doute moins coulants. Nous décidons de quitter Murgab où il n’y a pas même un restaurant digne de nous ! Contrôle à la sortie de la ville. Pas de GBAO ! Nous pouvons passer pourvu que le militaire de service puisse continuer de regarder son feuilleton américain doublé en russe sur un téléviseur calé par le registre des passages… La vallée que nous suivons, large et parcourue par une rivière qui serpente au milieu, est très belle sous la lumière du soleil déclinant. Nous arrêtons quelques kilomètres plus loin, près d’une yourte et d’un bergerie, en demandant la permission à la famille installée là. Nous étudions la suite du voyage pour ne pas être trop tard en Ouzbékistan. J’ai la tête ans un étau, sans doute à cause de l’altitude, nous sommes encore à plus de 3500 mètres au-dessus du niveau de la mer.

 

Mardi 2 juin : La nuit a été fraîche A six heures et demie, le grand-père, impatient, vient cogner à la vitre pour nous inviter à venir boire le thé. Nous n’en sommes pas ravis ! Il nous a réveillés et la perspective de laitages ne nous enchante guère… Enfin, après petit déjeuner et toilette, nous nous décidons à faire une visite de politesse. Seuls le grand-père, sa femme et leurs petits enfants sont là, sous la yourte. Pas pour les touristes celle-là, le mobilier est réduit à bien peu, un poêle à charbon, quelques tapis et couvertures élimés et des ustensiles de cuisine qui ont connu des temps meilleurs. Nous n’échappons pas à l’ayran, variété de lait caillé, au beurre, rance, de yak, au pain et au thé. Nous faisons mine de goûter à tout et de trouver cela excellent. Photos des enfants, des grands-parents, de nous et nous prenons congé. Le soleil brille et la fumée qui sort des cheminées de la yourte et de la baraque voisine, folâtre dans l’air frais. Nous quittons les bords de la rivière pour retourner dans le désert minéral. Nous ne croisons personne sauf un cycliste canadien que les longues distances dans le vent et les montées ne semblent pas effrayer. Nous passons un premier col à plus de 4200 mètres et restons toujours dans des altitudes proches des 3500 mètres. Comme dans les Andes, il y a peu de neige à ces altitudes et seuls les sommets sont encore enneigés. Nous longeons des lacs salés encore partiellement gelés dont on ne sait plus si le blanc que nous y voyons est du sel ou de la glace. Nous faisons un détour pour aller en voir un autre, pas salé, pas gelé, normal ! Il est perdu dans un environnement de montagnes ocre, totalement dénudées. Nous revenons à la route, toujours aussi bonne, malgré ses bosses et quelques passages de piste, notamment dans les cols. Le dernier de ces cols, à près de 4300 mètres se fait en douceur malgré des ornières creusées dans la boue neigeuse. Nous sommes alors entourés de montagnes marbrées de neige sur plusieurs kilomètres. La descente est rapide et plonge dans des gorges escarpées, sinistres sous un ciel devenu tout gris. Dès que nous sommes à une altitude plus convenable, nous arrêtons pour déjeuner avec notre dernière bière de France, servie glacée grâce à l’environnement… Nous retrouvons des lopins mis en culture autour de villages misérables et sans la moindre originalité. Les maisons pamiri sont paraît-il intéressantes intérieurement mais à l’extérieur, ce ne sont que des rectangles bas, pourvus d’une bosse au milieu pour une ouverture de cheminée et un puits de lumière obstrué par des vasistas. Les villages se rapprochent, nous recommençons à croiser des voitures, la chaussée se dégrade et il pleut ! A en croire le succès de curiosité que nous suscitons dans les villages, nous devons faire partie de la caravane du Tour de France ! Les hommes ont la peau sombre et sont noirs de poil. Ce ne sont plus les faciès mongols mais bien des types persan ou indien. Les femmes portent pantalon et tunique et affectionnent les couleurs écarlates. Aucune ne porte de voile, un simple foulard noué derrière la tête. Les montagnes sont très escarpées, des cascades de rocailles en dégringolent et, sans soleil, le paysage n’est pas bien plaisant. Je suis peut-être blasé mais cette route, présentée comme une des plus belles du monde ne soulève pas mon enthousiasme et j’en connais au Maroc qui tiendraient la comparaison. Certes, la hauteur des montagnes qui nous entourent, l’étendue des déserts de pierre, sont exceptionnels mais ce ne sont que des chiffres. Contrôle avant d’arriver à Khorog et, bien sûr, on me demande la preuve de ma visite à la police de Murbag, que je n’ai pas. Ils se lassent avant moi et nous pouvons entrer dans la ville. La pluie a cessé mais la chaussée est encore mouillée et l’eau dissimule les trous d’une chaussée complètement défoncée. La ville s’allonge le long d’une rue. Nous nous garons et partons en quête d’une agence de voyage pour régler ce problème de permis GBAO. Nous avons du mal à nous repérer, la numérotation de la rue principale a changé. Marie m’attend pendant que je pars en repérage. Je finis par trouver une agence, son responsable est très aimable, parle anglais et se fait fort de nous obtenir les permis pour demain moyennant vingt-cinq dollars chacun. Il nous confirme la suppression de la nécessité de se faire enregistrer. Il m’a indiqué un lodge où nous pourrions dormir. Nous nous y rendons, sur les hauteurs, au bout de ruelles dans lesquelles on ne risque pas de rouler trop vite. Nous pouvons dormir dans une chambre,  avec des couettes sur une banquette mais pas de repas et les toilettes sont à l’écart. Nous devons reprendre la voiture pour aller dîner dans le plus grand hôtel, assez éloigné. Ambiance feutrée, personnel stylé, restaurant haut de gamme, bref la classe ! Nous y dînons fort bien, moi, indien, Marie, d’un poulet schnitzel afin d'avoir du fromage dessus, pour une somme dérisoire. Retour au lodge. Au seul carrefour de la ville, les policiers sont encore de service, je crois être sifflé mais je ne m’arrête pas… Nous préférons utiliser les commodités de notre camion que celles de l’établissement et nous regrettons de lui avoir fait une infidélité.

 

Mercredi 3 juin : Dans le duvet et sous une épaisse couverture, je ne risquais pas d’avoir froid et, de plus, nous ne sommes plus qu’à deux mille cent mètres d’altitude. Nous sommes réveillés par le jour et sans trop flemmarder, nous allons au camion pour la toilette et le petit déjeuner. Des jeunes filles en pantalon serré à la cheville et longue tunique, passent en gazouillant, elles parlent farsi, je retrouve les sonorités chantantes de cette belle langue. Il fait grand soleil et le ciel est tout bleu, sans signes annonciateurs de fâcheries. Nous descendons en ville, nous garer devant un cybercafé. Pas de message de Julie, un de Nicole, nous répondons à d’autres. Nous découvrons alors que nous avons changé d’heure et que nous ne sommes plus qu’à trois heures de différence avec la France. Je vais changer des dollars à la banque, pas de tracasserie bureaucratique, simple et rapide échange de billets. Une fois de plus, je me fais siffler au carrefour, il m’est reproché d’avoir des plaques d’immatriculation illisibles avec la boue qui les recouvre et je suis invité à laver la voiture ! Nous voulons aller refaire les pleins de gasoil mais la route est coupée, un bulldozer repousse une coulée de boue et nous devons attendre. Impossible de faire demi-tour, les derniers arrivés se sont glissés en deuxième, troisième file et occupent toute la largeur de la chaussée. Nous pouvons passer quelques minutes plus tard. Le diesel est plus cher mais reste encore à un prix honnête pour des Français : quarante-trois centimes d’euro. En nous rendant à la station-service nous avons rencontré de nombreux jeunes gens et jeunes filles en beaux costumes traditionnels, longues tuniques de brocart de couleurs vives, pailletées et tous portent un petit bonnet plat et rond, brodé. Au retour, je leur demande la permission de les prendre en photo, ce qui les ravit. La jeunesse semble bien évoluée, libre, sans doute grâce à l’université de la ville, beaucoup parlent anglais. Nous nous rendons au bazar, pas bien grand, sans spécialisation par travées. Nous y trouvons du pain, des œufs, des saucisses (de poulet !), des fruits et de la bière chinoise. Nous allons rechercher notre permis GBAO et nous partons dans la vallée du Wakhan. Nous longeons un torrent et soudain je réalise que les montagnes de l’autre côté, à moins de cent mètres sont en Afghanistan ! Quarante-deux ans que je n’avais pas revu ce beau pays et que je n’approcherai pas plus, encore qu’il ne faudrait pas me forcer beaucoup pour aller jusqu’à Mazar-i-Charif… Nous n’y apercevons pas grand monde, des paysans sur des ânes ou qui suivent sur un sentier escarpé le même chemin que nous. Vu d’Afghanistan, le Tadjikistan doit faire figure de pays développé : voitures qui circulent sur une route (parfois piste !), lignes électriques, écoles, et touristes (enfin nous, car nous n’en verrons pas d’autres…) ! La route est belle, ponctuée de poches de verdure, avec ces peupliers que l’on trouve partout en Asie centrale et qui, pour moi, sont liés à l’Iran. Très au-dessus de nous, les montagnes marquent d’une ligne blanche la limite du ciel. Contrôle débonnaire par un préposé qui a des souvenirs de la langue française apprise dans un proche village, du temps de l’Union soviétique précise-t-il. A Ichkachim, nous sommes accueillis par des fleurs en plastique agitées par les enfants et les femmes, tout au long de la rue principale. Nous trouvons cela extrêmement sympathique, la population nous ovationne, ce n’est plus le Tour de France mais la tournée électorale ! Renseignement pris, le fils de l’Aga Khan est attendu… Nous sommes un peu déçus mais les gens, surtout les femmes, nous saluent en agitant les mains dans tous les villages. Nous changeons de vallée mais nous continuons de longer la langue du « Petit Pamir » d’Afghanistan, insérée entre Pakistan et Tadjikistan où nous avions eu un projet, avorté,  de nous rendre avec les bourses Renault, il y a si longtemps ! La vallée est plus large, les villages sont au milieu d’oasis, les maisons ne sont plus à toits de tôle mais souvent en pisé, parfois chaulées. Nous roulons à bonne vitesse sur des restes de goudron ou des portions de piste correcte. Nous passons une ancienne forteresse sur une colline et visitons en face un mazar, le tombeau ismaélien d’un sage soufi. Le mausolée est précédé d’une magnifique porte en bois avec un encadrement très ouvragé. Le catafalque est recouvert de cornes de béliers, de même que la porte d’entrée. Nous continuons dans la vallée, un nuage vient assombrir les montagnes et les champs. Nous empruntons une piste très pentue et bien peu large à mon goût, pour aller voir à quelque kilomètres un ancien fort qui domine la vallée. Nous découvrons que la montagne est piquetée de lopins de terre cultivés, en terrasses, irrigués par des canaux qui courent et dévalent de la montagne et des maisons, insoupçonnées d’en bas, éparpillées dans la pente. La forteresse est très ruinée, il n’en reste que quelques tours crénelées et massives et des pans de muraille. Nous nous contentons d’en avoir une vision de la piste. Demi-tour, je peux mieux profiter de la vue sur toute la vallée, sa rivière qui se divise, se ramifie, découpe des îlots dans des sables gris qui semblent couler de la montagne. Derrière, la barrière neigeuse de l’Hindu Kush s’étend jusqu’à l’horizon, éclairée par un soleil revenu. Dans la descente puis dans les sables de la vallée, nous croisons de nombreux troupeaux que leurs jeunes bergers et bergères ramènent des champs. Pas de problème de photos, tous, jeunes et vieux, s’y prêtent sans barguigner et sourient ! Nous retrouvons la piste et nous arrêtons peu après, à la sortie d’un hameau, au bord de la rivière, face à un gros village afghan au pied de la montagne éclairée par le soleil couchant. Je mets une bouteille de bière à rafraîchir dans le cours d’eau.

 

Jeudi 4 juin : Des gosses tournent autour de la voiture, par curiosité, et ne nous importunent pas. Nous retournons dans le village et emmenons avec nous une gamine qui nous indique le musée. C’est la maison d’un mystique soufi, reconstruite et entourée d’un mur décoré. A l’intérieur, une pièce présente quelques objets, les plus remarquables sont deux vêtements anciens. Une autre pièce est entourée de banquettes et les poutres des plafonds et de soutènement sont toutes décorées d’images et de textes en farsi. Un homme se présente et essaie de nous donner des informations dans un sabir russo-anglo-farsi et parvient à se faire comprendre. Il nous montre un trou dans une pierre qui serait un calendrier solaire. Nous continuons en longeant la rivière, d’oasis en oasis, jusqu’au village de Vrang. Un instituteur, parlant anglais, se propose pour nous guider aux stupa. Ils sont derrière le village, sur une éminence. Marie renonce  au pied de la pente, je suis mon guide. La pente est raide, dans la roche et le sable. Je peine, trébuche, m’accroche à tout ce que je peux, grimpe à quatre pattes, lui, devant escalade les mains dans les poches… Une fois au sommet, j’enclenche le ventilateur interne et souffle bruyamment dix minutes. La vue est superbe sur toute la vallée, sur les montagnes ocre rouge d’où s’échappent torrents et coulées de pierrailles et de sable gris, sur les champs de pommes de terre, de carottes et d’une graminée, peut-être de l’orge, utilisée pour faire le pain. La descente, contrairement à ce qu’affirme mon instituteur sportif, n’est pas plus facile, je glisse, dérape, fais du toboggan malgré son aide compatissante et sa main tendue… Je respire une fois retrouvé un terrain relativement plat. Nous repartons pour un nouvel arrêt au pied d’une forteresse, nous montons dans les éboulis au-dessus des maisons, pour la vue, mais ne tentons pas d’atteindre cette forteresse, bien trop haut placée pour nous. Plus loin, à Langar, nous aimerions visiter le musée dans une maison décorée à l’extérieur de fresques représentant des oiseaux et des bouquetins à têtes quasi humaines, mais le responsable n’est pas là et aucun des gosses présents ne peut nous dire exactement où trouver la clé. En face, un mazar, tombeau d’un sage ; là aussi la sépulture, au milieu d’arbres aux troncs splendides, penchés sur la tombe, est couverte de cornes de mouflons et de bouquetins. La rivière, toujours frontière avec l’Afghanistan, continue en se frayant un chemin dans des gorges étroites et profondes, la piste en quitte alors le cours et s’élève sur un plateau aride, apparemment inhospitalier. Nous y rencontrons pourtant de nombreux troupeaux avec leurs bergers. Les moutons marchent devant, suivis par les vaches et les ânes qui portent les bagages. Il faut à chaque rencontre attendre patiemment que les bêtes se rangent pour nous glisser entre muraille et ravin. Il souffle un très désagréable vent qui soulève poussière et sable dans des tourbillons aveuglants. Quand les gorges cessent  et laissent la place à une vallée sans verdure, la piste la longe dans le lit de la rivière. Nous apercevons sur l’autre rive notre seul et unique chameau afghan ! Puis nous remontons dans les montagnes jusqu’au poste de contrôle où un militaire, dépourvu de stylo, doit nous enregistrer. Sa cagna est d’un sordide rare, les instructions en russe datent de l’URSS, son lit est recouvert d’une sorte de couette crasseuse, immonde. Combien de temps passe-t-il là ? La piste continue de monter, elle serait bonne sans la tôle ondulée que je ne peux pas toujours avaler à une vitesse suffisante. Nous passons devant un lac encore couvert de glace. Le suivant, salé est dégelé mais ses eaux aux reflets verdâtres et bruns sont peu engageantes. Encore quelques kilomètres et nous revoilà sur la route de Murgab à Khorog. Nous retrouvons son goudron gondolé avec plaisir, la voiture aussi ! Il nous faut encore repasser le col dans la neige, avec des conditions de visibilité identiques à celles de l’avant-veille mais sans pluie. Descente sur Khorog, nous décidons d’arrêter avant, près d’une ferme, avec l’accord des habitants, dans l’espoir de nous y faire inviter afin de satisfaire la curiosité de Marie qui a très envie de connaître l’intérieur d’une maison pamiri. Peu après, ils tuent un veau et le dépècent. C’est au moment où, faute de rien voir venir, nous nous apprêtons à préparer une savoureuse omelette aux champignons que le seul mâle de la famille présent, vient nous inviter à boire le thé. Marie est aux anges. Elle va déchanter… Nous pénétrons dans la maison, bien traditionnelle, une grande pièce au plafond plat soutenu par cinq piliers, qui représentent Mahomet, Fatima, Ali, Husain et Hossein, des banquettes sur les côtés sont recouvertes de tapis industriels et de coussins plats. La carcasse du veau est posée sur une des banquettes, un écorché que n’aurait pas renié Rembrandt… Nous sommes invités à nous asseoir autour d’une table, sans retirer nos chaussures. Sur la table un nan, une motte de beurre et le thé. Nous nous préparons des tartines que nous faisons passer avec des tasses de thé. Nous faisons connaissance de la femme de notre hôte, de ses enfants et de la belle-sœur. Il allume la télévision et met un film policier qui se passe en France. La belle-sœur se garde bien de regarder les scènes osées et baisse les yeux…Longue attente sans se dire grand-chose, Marie fait des efforts de conversation, ce n’est pas réciproque… Enfin on nous apporte deux assiettées de viande parfumée aux petits oignons. Je me jette sur le plat, du foie !!! Impossible d’avaler cela ! Nous profitons des absences de la famille pour remplir qui son sac, qui sa poche de blouson, de morceaux d’abats et nous n’en laissons qu’une quantité raisonnable en louant la cuisinière et en remerciant pour ce festin. Au bout d’un laps de temps décent, nous prenons congé en refusant net de dormir dans la maison comme il nous l’est offert et retournons vite au camion vider poche et sac avant de procéder à leur nettoyage et terminer le festin avec une tranche de pain tartinée de pâté ou un yaourt.

 

Vendredi 5 juin : A peine avons-nous soulevé le toit que l’on vient toquer à la porte, nous sommes conviés à boire le chaï ! Je fais comprendre que nous ne sommes pas encore opérationnels mais que nous viendrons plus tard. Nous prenons notre petit déjeuner, Marie procède à sa toilette et nous nous rendons à l’invitation. Un homme, pas vu hier soir est encore couché sur une banquette, la femme de notre hôte de la veille, renforcée par sa belle-mère, nous poussent littéralement à nous asseoir alors que nous tentions lâchement de nous défiler. Nous offrons nos pommes et Marie a tenu à y ajouter des sachets de thé. Nous avons droit au chaï, au pain et au beurre, nous échappons au lait et une fois les adresses échangées, avec promesse d’envoyer les photos de la famille, nous prenons congé. Il a plu toute la nuit et il continue de pleuvoir. Le paysage n’est pas plus riant qu’avant-hier. Nous retrouvons Khorog où nous visitons le musée, franchement minable, sur le modèle des autres déjà vus, avec l’inévitable salle sur la guerre et celle sur les héros socialistes. Une panne de courant abrège la visite. Nous retournons au bazar, racheter des fruits, dont des pommes bien moins belles que celles que nous venons de donner… Nous quittons la ville en direction de Duchanbé, la capitale. La route est aussi mauvaise que possible, nids de poule à profusion, portions de piste et éboulis d’avalanches tout juste dégagés. Nous suivons toujours le torrent qui nous sépare de l’Afghanistan. Après Rushan, nous entrons dans des gorges particulièrement spectaculaires : deux parois verticales dont, même le nez collé au pare-brise, on ne distingue pas le sommet. La pluie a cessé mais le ciel reste gris. Dommage, cette route sous le soleil, serait bien plus intéressante que la partie avant Khorog. Ces gorges vont s’étendre sur plus de cent kilomètres, en ménageant de place en place de petites oasis, taches de verdure qui contrastent avec l’ocre rouge des montagnes. Sur le versant afghan, nous pouvons observer des villages aux maisons en pisé, à toit plat, d’où s’échappent des filets de fumée bleutée, entre cultures en terrasses et peupliers. Sur le sentier acrobatique, à flanc de paroi, chemine un homme, barbu, tout de blanc vêtu : calotte et  longue tunique sur un pantalon, suivi par deux femmes couvertes de voiles étincelants, l’une en rouge, l’autre en bleu. Les falaises s’adoucissent, laissent place à des montagnes moirées, où le vert tendre se mêle à l’ocre rouge. Nous rencontrons le professeur de philosophie en rupture de ban dont on nous avait parlé. Il chevauche une moto BMW à laquelle il a adjoint un side-car russe, pour un long périple qui doit le mener prochainement en Afghanistan puis au Pakistan. A peine sommes nous repartis que nous sommes doublés et arrêtés par deux Français, l’un est parti de Pékin, également en moto avec side-car ! Que de Français sur les routes d’Asie ! Nous arrêtons dans un gros village sous l’œil curieux d’un gamin qui nous débarrasse de nos ordures, les chiens vont se régaler… Les gosses vont se montrer curieux puis ils lancent des projectiles sur la voiture, je les poursuis dans le noir. Le calme revient.

 

Samedi 6 juin : Nous sommes réveillés par l’activité autour de nous. Nous sommes face à une épicerie ! Après le rapide petit déjeuner, nous allons nous garer à la sortie du village pour procéder à nos ablutions matinales sans curieux. Alors que nous en terminons, s’arrête un camping-car Toyota d’un couple de jeunes Français très sympathiques de Chambéry. Nous discutons et échangeons quelques informations pendant près d’une heure puis chacun reprend la route de son côté. La route / piste continue en longeant la rivière, toujours dans des gorges, moins spectaculaires que la veille mais avec un peu de soleil, elles raviraient bien des amateurs. Après quelques dizaines de kilomètres de route bombardée, nous avons une vingtaine de kilomètres surréalistes. Une excellente portion de route, large, au revêtement impeccable, avec des panneaux routiers totalement hors de propos, imposant des limitations de vitesse ridicules. Puis nous entamons sans doute la plus mauvaise portion de route de tout le voyage (même si j’ai déjà écrit cela, des trajets qui nous ont paru pénibles sembleraient aujourd’hui une partie de plaisir !). La piste, en corniche a été emportée en de multiples endroits par des coulées de boue ou de roches, des éboulis, des avalanches. Des tronçons de la route, des ponts ont disparu. Des engins de terrassement s’acharnent à combler, aplanir, élargir, damer mais leurs efforts, louables, semblent dérisoires devant l’ampleur de la tâche. Nous avons l’impression que la piste est en train de se reconstruire sous nos roues. Il n’y a parfois que la largeur d’une voiture sur une corniche glissante, boueuse, y croiser un camion est un défi ! Une chute d’eau tombe sur la piste, il faut passer dessous, doucher la voiture et malgré les essuie-glaces, ne rien distinguer de la piste, pourtant juste large pour un véhicule, le temps de la traverser. Puis c’est une rivière au courant impétueux qu’il faut traverser avec de l’eau à hauteur des roues. Une Mercedes s’est plantée, noyée en plein milieu, un camion doit venir l’en arracher avant que nous ne puissions passer. Nous croisons des cyclistes basques et autrichiens qui nous annoncent encore des gués et un col difficile mais le plus dur était fait. Les gués ne sont toutefois pas faciles, dans des galets qui roulent sous les pneus. Cachée par les eaux terreuses, la sortie n’est pas toujours visible. Le paysage mériterait plus d’attention, les montagnes ont de belles nuances, hélas peu mises en valeur par un temps obstinément gris. Nous quittons la frontière afghane, grimpons un col avec encore des passages boueux mais sans réelle difficulté. Peu avant le sommet, je m’arrête à une fontaine pour nettoyer les feux et les plaques d’immatriculation. Sur l’autre versant, le paysage est totalement différent, nous avons dit adieu aux chaînes acérées et aux pics enneigés pour désormais monter et descendre sur des collines arrondies et verdoyantes. Plein de gasoil, contrôle de police curieux puis cent mètres plus loin, contrôle tatillon de militaires. Je commence à m’énerver quand l’officier vérifie que notre chou ne dissimule pas d’opium, que le paquet de riz en contient bien. Je lui fait admirer nos toilettes tandis que deux des ses sbires explorent les profondeurs du sac de toilette de Marie. Je ne suis guère plus d’humeur aux deux autres contrôles que nous subissons sur la route. Je n’ai plus envie de sourire et me contente d’exhiber en guise de document, mon vieux permis de conduire international, aux pages à demi arrachées, la couverture détachée. Le fonctionnaire se lasse de remettre tout en place avant de trouver le sens de lecture… Nous passons la ville natale du président où l’on a cru nécessaire de construire des monuments démagogiques et laids. Je fais laver la voiture qui se révèle être de couleur blanche ! Nous décidons d’essayer d’arriver à Douchanbe ce soir. La route, désormais goudronnée, ne tient pas ses promesses et se dégrade en approchant de la capitale. Encore un col avec une belle vue sur un lac de barrage dans les derniers rayons du soleil. Les voitures que nous croisons tardent à allumer leurs phares et il faut ouvrir grand les yeux pour apercevoir ceux qui n’ont aucun éclairage ou ceux dont les lumières sont dissimulées par les herbes qu’ils transportent. Un dernier col avec des passages de piste et enfin nous descendons sur la ville par une autoroute, en fait une route à deux voies séparées, empruntée par les piétons, les charrettes et tout se qui prétend rouler. Nous parvenons à trouver le centre ville puis un restaurant proche du lieu où les Français de ce matin nous ont dit pouvoir nous installer pour la nuit. Nous dînons à ce restaurant. Ancienne gloire de la ville, il ne lui reste qu’une salle haute de plafond, des serveuses compassées, deux musiciens assourdissants, une danseuse à longs voiles, cachée derrière un pilier et une gastronomie affligeante ! Nous nous garons dans la ruelle derrière.
 

Dimanche 7 juin : Nuit au calme et réveil en douceur… Nous sommes presque prêts quand un colonel de l’armée française, détaché auprès de l’ambassade, vient cogner au carreau. Il a vu notre plaque et vient faire un brin de causette, il nous propose son aide en cas de problème. Nous prenons la voiture pour nous rendre au musée archéologique. Les grands axes de la ville nous sont inconnus et circuler n’est pas simple, surtout pour faire demi-tour. L’impression dégagée par cette ville en ce dimanche est celle d’une ville d’eau ! Larges avenues très ombragées, bâtiments néo-classiques dans des tons pastel et circulation ralentie. Qu’en sera-t-il demain ? Nous nous garons devant le musée et allons le visiter. Beaucoup de petits objets dans des vitrines avec des cartels en anglais dans la plupart des cas. Nous sommes suivis pas à pas par une employée qui allume devant nous et éteint derrière. Les fouilles des sites du pays permettent de mettre en évidence les influences grecques et bouddhistes, notamment avec un long Bouddha couché qui occupe toute une salle. Nous allons ensuite nous installer à la terrasse reposante d’un café français où nous déjeunons d’un sandwich et de crêpes, pas très réussis. Il dispose du wifi, je veux en profiter mais la connexion est d’une telle lenteur que je ne parviens pas à mettre à jour les photos sur le blog. Nous envoyons un message à Julie qui, à midi heure française, n’a pas encore souhaité la fête des Mères au désespoir de Marie. Fatigués de n’avoir pas réussi à faire grand-chose, nous reprenons la voiture, cherchons des boutiques de souvenirs ouvertes puis nous allons nous garer devant un bazar. Faute de pouvoir faire remettre une vis à mes lunettes, j’achète une paire de loupes. Nous traînons dans le marché pour faire des photos des calottes des hommes et des robes chatoyantes des femmes. Toujours de beaux fruits appétissants, nous en achèterons demain. Nous allons nous garer près du restaurant recommandé par les jeunes rencontrés hier. Nous nous régalons de cuisine ukrainienne, après des petites galettes de pommes de terre recouvertes de lard grillé et de crème fraîche pour moi et une salade de crabe pour Marie. Nous partageons une côte de porc avec une sauce épicée délicieuse et des médaillons de veau au lard, flambés au calvados et servis avec des pommes cuites, le tout arrosé d’un merlot moldave, bien meilleur que je ne le craignais. Pas de dessert, il n’y a plus de place pour. L’addition est légère pour nous, élevée pour le pays mais ce n’est pas tous les jours la fête des Mères ! Et Marie, en prime, a eu droit à la diffusion de la fin du match de Roland Garros. Nous reprenons la voiture et allons nous garer au même endroit que la veille mais un militaire nous invite à déguerpir. Nous allons un peu plus loin, au pied d’immeubles. Alors que nous sommes déshabillés et prêts à nous coucher, des jeunes passent en criant et lancent un projectile sur la voiture. Marie explose, ressort son dépit de ne pas avoir eu un message de Julie aujourd’hui. Je me rhabille et reprends le volant. Il faut que je lui trouve le message de Julie ! Je retourne au café où nous avions le wifi mais il est fermé. Je vais me garer devant un autre établissement où il y a aussi le wifi. Je m’installe à une table, impossible de me connecter, un gérant vient m’aider mais ne fait pas mieux ! Je repars à pied à la recherche d’un cybercafé. Plus grand-chose d’éclairé dans l’avenue Roudaki, je me fais racoler et au moment où je désespérais, à cette heure, j’en trouve un. Il y a un message de Julie et une cybercarte pour Marie. Je reviens le lui dire et je repars dans la nuit à la recherche d’un endroit pour la nuit. Ne trouvant rien de mieux, je retourne nous garer devant le restaurant d’hier soir. Il est presque minuit et j’ai hâte de me coucher.

 

Lundi 8 juin : Réveil maussade, j’ai mal dormi, brûlures d’estomac et moral pas fameux. Les jours passent et nous ne sommes toujours pas en Ouzbékistan et quand nous y serons, il faudra encore perdre du temps pour les visas. Après toilette et petit-déjeuner, je laisse Marie à la voiture et vais à pied à l‘ambassade d’Iran. Ma demande de visa de transit se heurte à un renvoi vers une agence de tourisme ! Je passe devant un rutilant 4x4, briqué comme les cuivres chez Nicole, stationné devant la boutique Pierre Cardin et je suis content de savoir que mes dons encouragent la création française dans le domaine de la mode… Je reviens à la voiture, pas franchement joyeux. Nous allons au bazar Barakat, tout proche. Marie a lu qu’on y trouvait des tupi, les petites calottes à dessus carré, noires et brodées de motifs en blanc… Il y a effectivement deux vendeuses ! Elle en achète une après un long marchandage. Nous prenons aussi des cerises et des abricots, meilleurs que les précédents. Retour au camion en passant devant l’ancienne Maison des Ecrivains, décorée de statues géantes d’auteurs locaux, inconnus. Nous avons décidé de quitter Douchanbe mais avant, Marie, saisie de sa fringale d’achats, veut faire la tournée des boutiques. J’aurais préféré y aller en taxi pour éviter les embarras de la circulation qui n’a plus rien à voir avec celle d’hier mais nous nous y rendons avec le camion. Dans une première boutique, Marie achète une enveloppe de coussin, dans une seconde rien, ouf ! Et enfin nous sortons de la ville. Achat d’un poulet rôti et dégustation de celui-ci, presque aussitôt dans la banlieue pour cause de bière encore fraîche ! La route remonte le cours d’un torrent, dans des gorges sans grande caractéristique. Tout au long sont installées des guinguettes, petits bungalows au bord ou carrément au-dessus du torrent mais aujourd’hui, elles sont désertées. La route s’élève, les gorges se resserrent. Une barrière interdit le passage, problème de travaux sur la route nous dit-on, mais on nous laisse passer. Des Chinois sont effectivement en train de réaliser des tunnels de protection des avalanches et nous devons rouler sur des tronçons de piste pour les éviter. Nous sommes arrêtés par une grue sur la piste qui barre le passage, le temps d’alimenter en matériaux les ouvriers qui travaillent à un de ces tunnels. Nous repartons une demi-heure plus tard. Entre temps, les autres véhicules arrivés derrière nous, au lieu de se ranger sagement les uns derrière les autres, se garent en deuxième, troisième file, essaient de grignoter un mètre, une place ! La route continue de monter dans un magnifique paysage de montagnes vertes, en partie couvertes de neige, sur fonds de sommets dignes des Alpes. Nous devons emprunter un très long tunnel, au moins cinq kilomètres, inachevé. Le revêtement, l’évacuation des gaz et des eaux ne sont pas réalisés, l’éclairage est rare. Nous plongeons, dans le noir presque complet, d’une piscine à une autre. De l’autre côté, nous avons une forte descente, bientôt interrompue par une nouvelle barrière : un camion chinois placé en travers de la route pour décourager les resquilleurs. C’est à qui sera le plus proche de lui et parviendra à être le premier à se faufiler… Là nous allons attendre une heure et demie, la fin de la journée de travail, à six heures ! Nous croisons une Land Rover de Français avec qui nous échangeons brièvement quelques informations. Un jeune couple avec deux enfants en bas âge, pas vraiment notre genre, plutôt celui du Mourillon ! Nous repartons. Je n’ai plus beaucoup de gasoil, je dois en acheter un seau versé à l’entonnoir, dans un petit village ! Nous prenons ensuite la piste du lac Iskender Kül. Moitié piste, moitié route dégradée, elle nous fait passer dans des gorges entre des montagnes ravinées, d’un rouge vif que nous espérons mieux voir demain car la nuit tombe. Nous descendons sur le lac qui est enserré entre de hautes montagnes et se déverse dans le torrent. Nous en faisons en partie le tour, jusqu’à la datcha du Président, absent, (quel dommage !), où nous nous garons, le long d’un pré pour la nuit. Je vais mettre la dernière bouteille de bière à rafraîchir dans un ruisseau, à plus de deux mille mètres d’altitude, l’onde est froide…

 

Mardi 9 juin : Réveil presque tardif, sous le soleil. Nous quittons les lieux en regrettant que Carla et Nicolas ne soient pas les invités du président…Le lac est calme, les montagnes se reflètent dans ses eaux. La route du retour est lente, je m’arrête à de nombreuses reprises pour prendre des photos de la roche, moins rouge qu’à l’aller, la montagne est plissée, gaufrée comme une fraise dans un portrait d’une dame de la Cour. Nous rejoignons la route asphaltée et continuons. Pas longtemps… Nous sommes de nouveau arrêtés par les Chinois (encore eux !) pour cause d’installation d’une ligne à haute tension. Nous devons patienter plus d’une heure, soumis à la curiosité des autochtones puis des Chinois qui tous, voudraient bien savoir la valeur en dollars de notre camion… Nous repartons avec un  passager… Nous arrêtons à Aïni, plein de gasoil, déjeuner dans le camion puis nous attaquons le dernier col, sur une bonne route goudronnée au début, dans un paysage de gorges entre des montagnes pentues et verdoyantes entre deux coulées de pierres. La piste se dégrade vite, le tunnel construit par les incontournables Chinois, n’est pas ouvert, il faut escalader un col sur une route quasiment abandonnée, en roulant au pas, interminables kilomètres, avant une descente à peine plus rapide. Nous retrouvons le goudron, du bon asphalte, sauf quelques surprises, dans une plaine infinie, la version tadjik de la vallée du Fergana. Nous roulons jusqu’à Istaravshan où nous laissons notre passager à qui il faut quatre pages de cahier pour nous donner son adresse à Samarkande, avec promesse de venir lui rendre visite. Un policier tente de nous extorquer quelques sous, en prétextant que la voiture n’est pas propre mais il renonce vite. Nous cherchons la vieille ville, trouvons la mosquée Hazrat-i-Shah. Un sympathique habitant nous y guide, nous pouvons y entrer, fouler les tapis et contempler les plafonds peints, récemment semble-t-il, une horloge indique les heures des prières. A l’extérieur un fin minaret, est décoré de briques ; à son pied, des gamines en robes pourpres viennent quérir de l’eau à la borne fontaine. Nous reprenons la voiture pour aller voir, à quelques centaines de mètres, dans les ruelles de la vieille ville, la mosquée Hauz-i-Sangin, très modeste mais avec une belle décoration au plafond, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, intéressants motifs floraux mais les restaurations récentes jurent avec les anciennes peintures. Nous trouvons plus loin la madrasa de Kök Gumbaz. Dans une cour plantée de roses, ces roses incontournables de l’art persan, une école coranique en activité, avec sur un des côtés de la cour carrée, un iwan, rien de remarquable mais tout de même un avant-goût de l’Iran. Les gosses, échappés de l’école, commencent à se montrer pénibles et le mot money revient trop souvent et nous rappelle de fâcheux souvenirs… Nous nous faisons  guider jusqu’au Mazar-i-Chor Gombaz, un très modeste sanctuaire mais avec les plus beaux plafonds de bois peints du pays. Six coupoles entièrement recouvertes de peintures, avec des étoiles de David et des versets coraniques, entre des palmes et des fleurs, exceptionnelle réalisation de l’art du XIX°siècle. Nous repartons, roulons dans cette plaine fertile qui va être notre paysage désormais… Nous arrêtons peu avant Khojand dans un tchaïkhane. Je m’assure que nous pouvons y avoir des brochettes et de la bière et nous nous garons à côté. Je constate que la ventilation des wc ne fonctionne plus et mes tentatives d’y remédier sont vaines… Nous allons dîner, et sommes aussitôt invités à partager la banquette de trois hommes qui me forcent (?) à trinquer avec eux, à grandes rasades de vodka. Nous commandons des brochettes et de la bière, glacée. La conversation est difficile, l’un d’eux, plus aviné, voudrait nous inviter chez lui, mais nous restons fermes sur notre volonté de dormir au camion. L’addition se révèle être pour eux, je vais chercher une de nos dernières bouteilles de rosé qui ne semble pas leur plaire, il est vrai qu’il est terriblement bouchonné ! Nous prenons congé, le garçon s’octroie le reste de la bouteille, avec notre accord…

 

Mercredi 10 juin : Nous sommes réveillés au point du jour par le muezzin. Un muezzin à l’ancienne, sans haut-parleur. Je m’aperçois alors que nous sommes garés devant la mosquée… Nous reprenons la route, toujours excellente, jusqu’à Khojand. Nous traversons la ville sans voir la forteresse, ni ses autres curiosités. Aucun panneau ne les indique, ni les destinations, ni les noms des rues. Nous n’insistons pas et continuons en direction de Tachkent dans cette plaine riche de vergers et de cultures. Les moissons sont faites et les foins sont en cours de ramassage. Nous remontons en direction du nord sous un soleil de plus en plus impitoyable. Peu avant le poste frontière tadjik, un policier essaie de me tirer des dollars, il en est pour ses frais mais il est le premier d’une série de fonctionnaires qui vont m’amener au bord de la crise… A la douane tadjik, un bougon me réclame un document que je n’ai pas puis me renvoie à la voiture méditer. J’ai l’idée de lui faire téléphoner au colonel de l’ambassade de Douchanbe qui nous avait donné son numéro. Il m’explique que la voiture aurait dû être enregistrée, pas nous, puis il parle avec le douanier qui me renvoie de nouveau à la voiture. Il revient me chercher et essaie de me faire payer une amende de deux cent cinquante dollars, ce que je refuse net. Il essaie de transiger à cinquante, puis à vingt et même dix. Je parle de retourner à l’ambassade de France et commence à me fâcher. Nous pouvons passer… C’est ensuite le poste ouzbek où nous sommes accueillis par des agents du service de santé en blouse blanche. L’un dort, l’autre affalé sur un lit parcourt un illustré et le troisième nous fait payer une somme modique pour la désinfection de la voiture (nous avons roulé dans une mare d’eau…). Puis les choses sérieuses commencent, rapides formalités de police et c’est au tour de la douane, déclaration de devises puis document pour la voiture. Le lymphatique jeune douanier, épuisé à l’idée de devoir remplir des paperasses, m’octroie généreusement trois jours pour traverser le pays ! Je m’adresse à une douanière qui parle anglais et qui veut bien porter le nombre à vingt, il va falloir une conférence au sommet des plus haut gradés pour nous accorder jusqu’à la date d’expiration du visa ! Je dois ensuite rédiger une déclaration de devises pour Marie. Nous pensions en avoir terminé et je reprends la voiture pour me diriger vers les portes cadenassées, nous sommes renvoyés au poste : contrôle du véhicule ! Je dois me placer au-dessus d’une fosse, tout est passé à la loupe, l’intérieur des portières, la roue de secours, les coffres vidés un à un, les matelas du lit, la cassette des toilettes que j’ai bien envie de leur vider sur les pieds. Marie explose, pique une belle crise de nerfs, ameute la douanière polyglotte à qui j’explique que ce n’est pas ainsi qu’ils attireront les touristes. J’insulte les autres sans qu’ils saisissent les détails mais la ligne générale est certainement perçue ! Enfin, après donc quatre heures de formalités, nous avons changé de pays… Nous déjeunons rapidement puis filons en direction de Tachkent. Nous y sommes bientôt, après encore deux contrôles rapides de police. Nous nous repérons et trouvons l’emplacement où nous pouvons stationner, indiqué par les Français du Kirghizstan, derrière le grand hôtel Ouzbékistan, en plein centre. Je repars transpirer dans les avenues modernes jusqu’à l’ambassade de France où je suis aimablement reçu et où on me délivre une lettre de « protection » qui devrait nous simplifier les relations avec les autorités. Je passe au grand hôtel changer des dollars, en échange d’un billet j’en reçois tout une pile, le plus gros billet correspond à cinquante centimes d’euro ! Pendant ce temps, Marie, restée au camion, a fait la connaissance d’un couple de Suisses francophones garés à proximité, en route pour la Mongolie. Nous allons les rejoindre et discuter voyages. Ils sont rejoints par un couple d’Ouzbeks et leur petite fille dont ils ont fait la connaissance la veille. Nous allons tous dîner à la cafétéria de l’hôtel, à une table en plein air. Bonne cuisine turque qui serait parfaite avec de la bière… Nous allons jeter un œil à un somptueux mariage dans les salons de l’hôtel. Les mariés sont assis chacun dans un fauteuil au fond d’une salle de spectacle immense, le fric suinte de partout… Nous quittons les Suisses et leurs amis et retournons à la cafétéria nous connecter à internet. Marie a le plaisir de découvrir la jolie carte de vœux de Julie pour la fête des mères, elle en est très émue. Retour au camion pour y transpirer…

 

 

 

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