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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 17:31

Dimanche 3 mars : Mauvaise nuit, je rumine les problèmes à résoudre, le pneu qui perd, la batterie, le gasoil à trouver… Dès que nous sortons du camion, je tente de le démarrer mais la batterie ne veut rien savoir, elle est vide alors que j’avais pris la précaution de la débrancher hier soir. Au moment de partir, après avoir démarré la voiture en profitant de la pente, personne à qui régler. Quelques coups de klaxon font surgir le garçon de la veille qui n’a pas la monnaie et ne sait pas comment la trouver… Je le dispense de trop chercher en lui proposant de nous vendre 25 litres de gasoil au prix du marché noir pour compléter notre dû. Dans Bawiti toujours endormi, je demande où trouver un marchand de batteries, je réussis à me faire comprendre et un coup de fil fait venir un commerçant qui nous ouvre son échoppe et nous vend, pour 100 $, une batterie turque… J’en profite pour redonner un peu d’air au pneu et nous prenons la route. Dernière étape de désert de ce voyage. Encore une belle ligne de dunes et quelques pitons creusés, fouaillés par le vent puis c’en est fini, nous roulons désormais dans une immensité caillouteuse, domaine des pétroliers. Nous ne trouvons pas de station-service avec du gasoil en cours de distribution, de longues files de camions attendent l’improbable arrivée d’un camion-citerne. Au moment du déjeuner, je dois entamer nos réserves pour atteindre Alexandrie ce soir. Tomber en panne de carburant à côté des derricks et des pompes façon Shadock serait un comble ! La circulation de camions augmente, des barres d’immeubles HLM annoncent l’arrivée au Caire sur une autoroute de plus en plus fréquentée. Nous apercevons, derrière des immeubles, les pyramides au moment de continuer sur la route circulaire qui nous amène à la Desert Road d’Alexandrie. Elle porte bien mal son nom, puisqu’elle n’a rien de désertique, ni par sa fréquentation, ni par son environnement, cultures verdoyantes et petites ou moyennes entreprises industrielles. Le terme d’autoroute est aussi mal choisi. Bien qu’à péage pour une somme des plus modiques, on peut y entrer, en sortir à tout moment et la traversée de zones de commerces se fait au pas grâce à des ralentisseurs. Bien entendu le stationnement est possible, pas toujours dans la file de droite qu’il vaut mieux laisser libre pour ceux qui circulent à contre-sens. La file de gauche semble réservée aux camions qui s’y traînent derrière des tuk tuks. Et chacun de se frayer un chemin à toute allure en doublant à droite, à gauche, là où il y a une trouée... Pas question de musarder, de rouler le nez en l’air ou de contempler le paysage… Nous arrivons sains et saufs dans les faubourgs d’Alexandrie où commencent les encombrements. De ralentisseurs en chaussées défoncées, nous progressons par bonds en frôlant des carrosseries revenues de tout, des bolides conduits par des conducteurs que l’on pourrait croire au bord de la crise de nerfs, mais il n’en 295 ALEXANDRIE Cornicheest rien, bien au contraire, décontractés, musique au maximum, klaxon bloqué, ils sourient ! Nous sentions l’air marin depuis quelques kilomètres et enfin nous la voyons notre mer ! La Méditerranée est devant nous ! Nous avons traversé l’Afrique du confluent des océans Indien et Atlantique à la Méditerranée. Reste à trouver un endroit pour la nuit. Pas de camping, nous sommes résolus à dormir à l’hôtel, nous en avons repéré plusieurs sur la magnifique corniche qui s’étend sur des kilomètres et qui sert de circuit automobile aux Alexandrins à quatre roues, pas à ceux à douze pieds ! Nous nous garons à côté de l’Egypt Hotel où nous prenons une281 ALEXANDRIE Immeuble chambre dans un immeuble vénitien bien décati mais l’étage de l’hôtel est parfaitement tenu. L’ascenseur à lui seul est une pièce de musée avec ses boiseries et ses dorures mais il ne faut pas essayer d’en fermer les portes coulissantes... Nous allons dîner dans l’un des anciens établissements de l’Alexandrie du siècle dernier, l’Athineos, qui a conservé de son passé grec, sous un haut plafond, des lustres de fer forgé, des colonnes copiées de l’Antique et une frise dorée sur fond carmin de sylphides et de pâtres, dansant et chantant. Repas copieux mais assez quelconque qui nous a tout de même permis de fêter à la bière l’arrivée sur la côte. A la télévision, scènes d’émeute, le serveur interrogé nous dit qu’il s’agit de Port-Saïd, là où nous devons aller dans trois jours… Nous faisons une promenade digestive le long de la corniche en passant devant d’autres anciens établissements au charme fou, décadents, désuets, nostalgiques du temps de l’Alexandrie cosmopolite. Il faudra au retour lire le Quatuor d’Alexandrie…

 

Lundi 4 mars : Pas très chaud dans la nuit, une couverture ne suffit plus. Petit déjeuner, avec des toasts non grillés mais avec des olives et des tomates. Il est question de changer d’hôtel ! Je laisse Marie à la chambre et part à pied en commençant par suivre la Corniche, devenue Kournish en arabe. Les anciens cafés, dans des immeubles à l’architecture chargée, se suivent, fréquentés par des hommes, uniquement des hommes, qui vont passer des heures devant un thé ou un café turc en rêvant du temps passé. Je rends visite au consulat de France où un charmant jeune homme me reçoit et promet de me renseigner sur les ferries à 298 ALEXANDRIE Chemisierdestination de la Turquie mais ne peut m’en dire plus. Je vais voir un autre hôtel, bien moins cher mais nettement moins huppé. Le quartier est sympathique, les marchands de quatre-saisons guettent ou hèlent les passants, les fumeurs de chicha sirotent leur thé et regardent passer les gens. Des devantures fleurent bon le temps passé. Un chemisier (en français dans le texte) a mis la clé sous la porte mais l’enseigne demeure. Je reviens faire mon rapport et finalement nous restons à l’hôtel ! Nous partons enfin visiter Alexandrie. Nous voulons prendre le tram mais il ne passe pas souvent et nous suivons donc la corniche à bord d’un taxi, long parcours entre une belle mer bleue et les façades des immeubles fatigués, comme une impression de282 ALEXANDRIE Qaytbay Malecon ! Nous nous faisons déposer au fort de Qaytbay, une forteresse ottomane qui commandait l’entrée du port et qui s’élève à l’emplacement du fameux phare. Nous nous promenons dans les étages sans bien voir la ville à travers de très étroites meurtrières. La vue sur le port de pêche, la ligne de la corniche et la nouvelle bibliothèque qui brille, parfois, sous le soleil, sont plus dégagées depuis les remparts. Il semble que ce soit le lieu de promenade favori des amoureux, de très sages amoureux, pas d’attitudes licencieuses, pas de baisers ni d’étreintes passionnées, ils ont tous dû lire la Princesse de Clèves, eux ! Les jeunes filles, même celles habillées à l’occidentale, portent le foulard. Nous allons déjeuner dans un restaurant de poisson renommé. On y choisit son poisson, pour nous ce sera un loup, des calamars et des palourdes, pesés puis préparés et servis avec des mezzé, et de l’eau ! Dommage que les calamars arrivent tièdes et le loup trop salé. Nous reprenons un taxi pour nous faire conduire aux catacombes de Kom el Shuqafa. Nous traversons des quartiers qui semblent être ceux de Berlin en 1945 ! Des gravats partout, des maisons effondrées, des rues 322 PORT SAÏD Charrettedéfoncées où les voitures hoquètent sur les rails disjoints du tramway. Je remarque de belles carrioles peintes, en bois, qui évoquent les anciennes charrettes siciliennes disparues depuis belle lurette ! Au milieu d’un espace où sont entassés des restes de tombes et tombeaux, un escalier en colimaçon, enroulé autour d’un puits, descend sous terre et s’arrête au dernier niveau possible à visiter puisque le reste est sous les eaux. Nous y découvrons un dédale de salles taillées dans la roche, creusées de niches, où étaient inhumés les habitants des Ier et II °siècles, parfois à plusieurs dans un enfeu. Une salle funéraire est remarquable, décorée de statues, de bas-reliefs sculptés avec un mélange révélateur de styles égyptien et gréco-romain. Un passage permet d’atteindre un autre ensemble de tombes totalement différent, construit en brique formant des arches. On y trouve, sur des parois, des traces de peintures où sont repris des thèmes liés aux rites funéraires selon les traditions égyptienne et grecque. Nous nous rendons à pied ensuite au Sérapeum. Nous suivons des rues animées, sans le moindre touriste, où des artisans travaillent dans des ateliers juste assez grands pour les héberge292 ALEXANDRIE Serapeumr eux et leurs outils. Des quatre cents colonnes du temple et de l’annexe de la bibliothèque, il n ’en reste qu’une, dite abusivement colonne de Pompée, et deux sphinx venus d’Héliopolis, pour faire plus sérieux… Nous aurions pu nous en dispenser… Mais la situation de ces restes avec leur entourage d’immeubles récents, hauts et étroits, d’un goût architectural disons particulier, qui bordent de tous côtés les champs de ruines déserts (terrain à bâtir qui doit faire des promoteurs envieux) est intéressante. Nous reprenons un taxi qui nous fait traverser d’autres quartiers toujours populeux, où les commerces sont regroupés par métiers, marchands de planches, fabricants 293 ALEXANDRIE Theâtrede fauteuils de salon clinquants, couverts de dorures et de tissus veloutés, boutiques de vêtements féminins aguichants etc… Jusqu’au lieu du théâtre romain, autre terrain, proche de la gare, qui doit faire rêver des bâtisseurs. On y trouve un élégant petit amphithéâtre face à un plus moderne, des thermes et une villa au sol couvert de mosaïques que nous ne pouvons qu’à peine distinguer, le pavillon qui les protège étant fermé ! Nous revenons à pied, en passant par le centre culturel français où il ne semble pas se passer grand-chose, puis devant une pâtisserie figée dans le temps, une synagogue délaissée, jusqu’à l’hôtel Cécil, sur la corniche, ancienne gloire hôtelière alexandrine. Nous y prenons un verre, facturé au prix fort, pour avoir le droit de nous asseoir dans le même petit salon que Winston Churchill ou E M Forster… Retour à la chambre. Connexion à internet, rien de Julie mais un étrange message de SFR qui pourrait bien être une arnaque… Nous ressortons pour aller dîner à proximité au Calithea, repère des buveurs de bière qui se trouvent être aussi des fumeurs. Nous nous dépêchons d’y avaler des plats peu gastronomiques avant de rentrer nous reposer, du moins quand je me serais reconnecté pour envoyer un message à la BNP et écrire à des amis, puis la suite de ce journal.

 

Mardi 5 février : Pas eu beaucoup plus chaud cette nuit avec deux couvertures. Rien ne vaut une bonne bouillotte humaine ! Après avoir avalé olives et tomates de ce petit déjeuner décidemment méditerranéen, nous commençons par nous rendre à l’office du tourisme et de là nous partons à la recherche de cartes postales et d’une boutique de souvenirs. Nous n’en trouvons qu’une mais elle fait le bonheur de Marie qui y trouve tout ce qu’elle cherchait. Cela nous a pris du temps et, quand j’en ai terminé de porter ses achats et des bières à la voiture, dont je dois regonfler le pneu presque à plat, il est l’heure de déjeuner. Nous allons à la Taverna289 ALEXANDRIE Qaybay Bibliothéque où le shawarma est correct mais il n’en est de bon qu’au porc et ici… Nous voulons nous rendre à la Bibliothèque d’Alexandrie, celle qui a été inaugurée il y a une dizaine d’années pour remplacer l’ancienne, disparue depuis l’Antiquité. Nous hélons des taxis mais aucun ne comprend notre destination, nous y allons donc avec le tramway pour quelques piastres mais à allure réduite. Nous devons marcher quelques centaines de mètres avant de l’apercevoir. Elle a 301 ALEXANDRIE Bibliothéquel’allure d’un énorme disque de béton incliné, symbolisant un soleil renaissant. Ses parois grises sont couvertes de caractères dans divers alphabets du monde, la surface plane du disque est formée d’alvéoles qui laissent passer la lumière mais protègent des rayons pernicieux. Derrière, elle est emprisonnée dans les immeubles laids des facultés, dont les nombreux étudiants viennent se promener sur le parvis, du côté de la mer. A l’intérieur, la salle de lecture, moderne, avec des ordinateurs à chaque poste, est impressionnante par sa taille, sa disposition en terrasses et son calme. Nous y visitons le musée des antiquités, une belle collection d’œuvres depuis les pharaons jusqu’à l’époque ottomane, remarquablement bien307 ALEXANDRIE Bibliothéque intérieur présentée avec des cartons en anglais et en français. Des momies, des sarcophages peints, deux mosaïques très fines et quelques objets retrouvés récemment au fond de la baie. De nombreux artistes, peintres, dessinateurs, sont exposés dans les couloirs ainsi qu’une collection de robes traditionnelles brodées qui font baver d’envie Marie. Nous visitons également le musée des manuscrits, peu intéressant pour un non-islamisant, beaucoup de livres anciens mais qui nous sont totalement inconnus et très peu sont enluminés. Nous jetons un dernier regard à l’extérieur depuis le bord de la mer avant de revenir à l’hôtel en taxi. Nous apprenons en nous connectant à internet que nos amis portugais sont à Jérusalem et envisagent un ferry de Haifa vers la Grèce. Par ailleurs, les émeutes se poursuivent à Port-Saïd… La Libye apparaît comme une solution tranquille ! Nous retournons dîner au restaurant Athinéos. Très copieux mixed grill de poisson avec une multitude de plats, poisson, calamars, crevettes arrosés d’un honnête vin blanc, Marie, moins contente de son blanc de poulet, pioche dans mon assiette !

 

Mercredi 6 mars : Dès que je suis prêt, je vais rechercher la voiture pendant que Marie finit de se préparer. Les rues d’Alexandrie sont encore désertes, les ordures qui s’y entassent sont encore plus évidentes ! Je dois regonfler la roue qui perd et qu’il va bien falloir envisager de réparer… Nous quittons l’hôtel, le flot des voitures est à son maximum maintenant et il faut garder l’œil ouvert ! Nous avons la chance de trouver presqu’aussitôt une station-service alimentée en gasoil et où on veut bien nous faire passer en priorité mais pas question de 296 ALEXANDRIE Cornicheremplir les jerrycans. Nous suivons l’interminable corniche qui s’allonge sur des kilomètres, le long d’une mer d’un beau bleu mais agitée, succession ininterrompue d’immeubles souvent dans un style que l’on pourrait qualifier de rococo oriental qui ne manque pas de charme. L’autoroute promise sur les cartes n’en est pas une, simple route à voies séparées, avec de fréquents ralentisseurs et des traversées de bourgs encombrés. Aucune indication sur la route, nous devons fréquemment demander notre chemin, faire demi-tour dans Aboukir, revenir sur nos pas. Je suis très inquiet sur le temps qu’il nous faudra pour atteindre Port-Saïd à cette allure. Nous traversons un univers étrange, de grandes palmeraies alternent avec des zones marécageuses, des lagunes sur lesquelles voguent des barques à fond plat et à voile latine, des étendues sablonneuses et même des dunes. A notre grand soulagement, nous rejoignons une autoroute plus rapide mais à la chaussée souvent déformée. Nous parvenons à Damiette où je cherche le port, en quête d’informations sur un éventuel ferry pour la Turquie. Nous pénétrons dans l’enceinte portuaire et, par hasard, aboutissons dans la zone franche aux entrepôts d’une société turque dont les responsables se mettent en quatre pour essayer de nous renseigner en téléphonant à diverses personnes. Nous attendons une réponse précise sur un éventuel bateau vendredi en discutant avec un sympathique Mustapha. Nous déjeunons rapidement dans le camion puis décidons de continuer sur Port-Saïd, faute d’une certitude pour ce vendredi et aussi peu sûrs de pouvoir accomplir seuls les formalités à Damiette. Nous traversons la petite ville sympathique dont les maisons s’alignent le long d’un canal en formant un ensemble agréable à l’œil, qu’il ne faut surtout pas détailler… Nous rejoignons l’autoroute, suivons de près la côte, entre mer et lac. Il semble que toutes les ordures de l’Egypte ont été collectées pour être déversées sur les terres basses du delta, les fumées nauséabondes obscurcissent le ciel en de nombreux endroits. Port-Saïd est calme, quelques engins blindés de la police ou de l’armée sont les seuls témoins des affrontements des jours derniers. Quand nous parvenons dans le centre-ville, nous ne pouvons pas passer devant les bâtiments de la Municipalité, la rue est barrée et il y a foule sur l’esplanade. Nous contournons les immeubles, apercevons des traces d’incendie et atteignons le quartier ancien où nous trouvons une chambre correcte à l’hôtel de la Poste, un ancien établissement colonial à la façade recouverte de bois. Nous faisons aussitôt téléphoner à Eslam dont Kamal nous avait donné le numéro et qui devrait se charger des formalités. Il nous donne rendez-vous à 8 heures ce soir. Je pars à la recherche d’un cybercafé, cherche dans des rues consacrées aux chaussures et aux vêtements et finis par en dénicher un. Message de Julie de retour de Châlons mais rien de la Maif dont j’attends la carte verte pour la Turquie ni de Francisco qui devait nous tenir au courant pour le ferry au départ de Haifa. Je reviens en passant par les bords du canal de Suez, à voir de jour… J’attends Eslam qui tarde, se fait prier, annonce sa venue mais nous avons largement le temps de dîner dans le camion avant de le trouver au bar avec ses acolytes. Il n’est pas encourageant, le ferry d’Iskenderun serait en panne, celui de Mersin vendredi est trop tôt, il lui faut deux jours pour les formalités et il est très cher ! Entre temps, Mustapha, le Turc de Damiette nous a téléphoné pour nous confirmer le ferry de vendredi, son correspondant est supposé nous rappeler ce soir mais il n’en fait rien. Nous convenons avec Eslam de nous retrouver demain à 13 heures pour nous renseigner précisément sur les dates des ferries.

 

Jeudi 7 mars : Nous allons prendre le petit déjeuner dans le camion puisqu’il n’est pas compris dans la chambre. Puis nous essayons de refaire un plein de gasoil avant la traversée vers la Turquie où il est beaucoup plus cher. Nous trouvons à un rond-point du centre-ville une station où commence à s’allonger une queue de minibus et de camions, signe manifeste d’une distribution en cours ou en attente. Sagement je me mets à la queue, sans arguer de ma qualité de touriste pour passer devant, personne ne m’y invite non plus… Le camion-citerne est en cours de remplissage des cuves et la distribution n’est pas commencée mais cela n’empêche pas les chauffeurs de se livrer à de féroces joutes verbales, accompagnées de gestes grandiloquents, un moment de la vie égyptienne saisi sur le vif ! Au bout d’une heure d’attente, je parviens à la pompe et réussis à me faire remplir aussi deux jerrycans au grand déplaisir du chauffeur sous le nez de qui j’ai réussi à passer. Retour pour nous garer à côté de l’hôtel. Je vais faire des courses et trouve une supérette très bien achalandée et notamment avec du pasterma à la coupe et des bouteilles de tonic. Tiens, tiens ! Nous déjeunons dans le camion puis à 13 heures, je me mets en faction au coin de la rue dans l’attente de l’arrivée d’Eslam. A 13h30 je le fais appeler, il m’assure arriver dans le quart d’heure qui suit. Nouvel appel à 14h30, il est en train de s’occuper de nous, il nous rappelle… A 16 h, je remonte dans la chambre sans trop plus savoir ce qu’il faut en penser, l’option ferry depuis Israël redevient d’actualité… A 16h15, il se manifeste, rapide entrevue, il m’annonce un bateau lundi et le début des formalités samedi matin dès 8h30 ! Rassurés, le moral remonte même si attendre encore quatre jours ne nous amuse pas. Je vais au cybercafé, toujours rien de la Maif, messages de Francisco qui doit continuer en ferry depuis Haifa vers Chypre puis la Grèce, nouvelles des Azalaïens également. Nous allons nous réapprovisionner à la supérette puis revenons nous offrir un gin-tonic à la chambre. Nous dînons au Gianola, l’établissement huppé de la ville, fréquenté par les rejetons de la bonne société, jeunes femmes trop maquillées mais portant le voile, habillées un brin trop clinquant, et jeunes hommes fumant des Marlboro. Excellent repas, presque trop copieux, Marie se régale d’une moussaka et moi de koftas, les meilleures de ce voyage. Dommage qu’il n’y ait que de l’eau pour arroser ce festin. A la chambre nous complétons le repas avec des cônes glacés.

 

Vendredi 8 mars : Réveillé tôt, j’ai mon cadeau pour mon anniversaire, à ma grande surprise, Oum Kalthoum et son orchestre au grand complet, en figurines de plâtre certes ! Nous traînons au lit et ne petit déjeunons dans le camion que bien après dix heures. 313 PORT SAÏD MaisonLa ville est très calme, pas un bruit, pas un klaxon, les Egyptiens sont encore plus lève-tard que nous… Nous partons nous promener dans les rues entre l’hôtel, le canal et la darse, le nez en l’air pour contempler les anciennes maisons coloniales. En fait des immeubles de cinq étages, qui ne surprendraient pas en France ou en Italie, auxquels de larges vérandas de bois confèrent un cachet particulier. Ils tombent quasiment tous en ruine et disparaissent petit à petit remplacés par des immeubles en béton, plus tape-à-l’œil… Nous atteignons les bords du canal mais aucun navire de gros tonnage ne passe en ce moment. De l’autre côté, la ville-sœur de Port 314 PORT SAÏD CanalFouad reliée à Port Saïd par l’incessant va-et-vient d’un ferry gratuit ! Nous revenons vers l’hôtel en passant par d’autres rues aux anciennes maisons en triste état. Nous déjeunons à la chambre et après une courte sieste nous ressortons et allons prendre le ferry pour Port-Fouad. Toujours aucun navire dans le canal ! La ville paraît plus moderne mais derrière une mosquée récente, qui de loin ressemble à la Giudecca, nous trouvons l’ancien quartier résidentiel : dans des jardins, des maisons de briques à un étage, avec de grands balcons protégés par des avancées du toit soutenues par des poutres inclinées. Elles sont presque toutes semblables, des cités pour les cadres du canal au bon vieux temps ! J’ai l’impression d’être à327 PORT FOUAD Maison Rabat ou à Casablanca ! Nous revenons nous installer chez Gianola nous offrir une glace en regardant les manifestations à la télévision. Manifestations dont nous n’avons aucun écho dans notre quartier ! Je communique par internet avec Julie pour essayer de régler le problème de la carte verte que la Maif ne m’a pas encore envoyée. Echange de mail et de SMS. Nous rentrons à la chambre. Nous fêtons mes 67 printemps avec les dernières gouttes de la bouteille de gin mêlées de tonic puis nous allons dîner au restaurant asiatique que j’avais trouvé et où on sert de l’alcool. Les plats sont très peu copieux, très décevants et il n’y a pas de vin blanc ou rosé ! De plus nous y retrouvons Eslam qui nous annonce que le rendez-vous de demain doit être retardé pour cause de fermeture de l’agence maritime. Nous ne savons plus quoi penser ! Eslam qui semble être le fils du patron essaie de calmer notre mécontentement et nous fait servir un plat de crevettes piquantes auquel Marie ne veut pas toucher. Finalement Eslam me donne rendez-vous demain à dix heures après avoir changé trois fois d’heure ! Nous repartons très en colère. Je n’ai plus qu’une envie, rentrer me coucher mais Marie tient à passer, comme prévu, à la pâtisserie Gianola où nous dégustons deux gâteaux au chocolat avant de rentrer à la chambre.

 

Samedi 9 mars : Nous nous faisons monter deux thés, trop forts, à la chambre pour petit déjeuner puis nous allons nous installer sur la terrasse ensoleillée sous les arcades pour attendre Eslam. Bien entendu, il n’est pas là à dix heures ni à dix heures et demie… Les rues sont étrangement calmes, la circulation très réduite et les boutiques sont presque toutes fermées. Les rares personnes présentes se sont rassemblées devant le poste de télévision qui, me semble-t-il diffuse le procès des inculpés dans les émeutes de février 2012. Des hélicoptères tournent dans le ciel et des soldats venus des engins blindés disposés près du port mais aussi dans notre rue, patrouillent. Un SMS envoyé à Eslam puis un coup de fil font 330 PORT SAID Manifestationvenir un de ses employés qui ne baragouine que très peu d’anglais mais nous demande un document de la voiture et part avec. Une manifestation passe, deux cents personnes avec des motos qui klaxonnent, rien de bien inquiétant… A midi passé, je vais chercher du pain et découvre la rue du marché où tous les commerces sont ouverts. A mon retour, arrive Eslam, à peine poli, qui maintenant parle d’un ferry depuis Damiette mais mercredi ! Le port est bloqué ici d’après lui. Nous ne savons plus à quel saint nous vouer, Israël reste une solution incertaine et Eslam a tellement varié que nous ne savons plus si nous devons le croire. Nous décidons de repartir pour Damiette demain, d’y rencontrer son correspondant et d’aviser alors. Nous remontons dans la chambre déjeuner. Pendant la sieste, les manifestants de ce matin, un peu plus nombreux repassent, toujours surveillés par les hélicoptères de l’armée. Nous passons l’après-midi à nous ennuyer, lire ou faire des réussites sur l’ordinateur. Nous retournons dîner chez Gianola où nous profitons du wifi pour nous informer sur la situation en Egypte et surtout à Port-Saïd. Les condamnations à mort de 21 des accusés ont été confirmées, ce que nous avions soupçonné à la télévision ce matin, et nous apprenons la mort d’un manifestant dans la nuit de jeudi. Toutes bonnes raisons pour fuir demain cette ville !

 

 

Dimanche 10 mars : Réveillés tôt, nous sommes prêts avant neuf heures et quittons un Port-Saïd encore peu animé. Nous reprenons la route entre mer et lagune et atteignons Damiette moins d’une heure plus tard. Nous trouvons l’hôtel Casablanca conseillé par Eslam, mais le prix n’est pas celui qu’il avait indiqué car il y a une double tarification, une pour les Egyptiens, l’autre pour les étrangers ! Je fais téléphoner à Yasser, l’alter ego d’Eslam à Damiette. Il arrive à peine dix minutes plus tard, nous négocie une chambre, une single mais avec un grand lit, et nous annonce un départ pour demain ! L’espoir renaît ! Nous abandonnons Marie à la chambre et je le suis avec la voiture au port. Il se charge des innombrables formalités douanières et policières. Il m’emmène chercher à la police de la route un document prouvant que je n’ai pas commis de délit sur le territoire égyptien. Occasion de voir de près le cadre de travail de petits fonctionnaires qui entassent des piles de dossiers poussiéreux sur des étagères branlantes. Il est sympathique, nous discutons et confrontons nos avis et nos goûts (Il ne comprend pas que l’on trouve un intérêt à visiter le Yémen ni à traverser des déserts !). Retour au port pour toute une série de démarches, de papiers timbrés pour rempli331 DAMIETTE Portr des dossiers. Les plaques d’immatriculation égyptiennes sont retirées et la voiture, après avoir été visitée et re-visitée par tous les douaniers curieux, est abandonnée devant les entrepôts de la compagnie maritime. Il me ramène enfin à l’hôtel, il est presque quatre heures quand je retrouve Marie et que nous pouvons déjeuner d’un dernier reste de pâté. La chambre est sans doute la plus « classe » du voyage et nous pouvons profiter de chaînes câblées, mais pas en français, et du Wifi. Nous relisons le blog et le mettons en ligne. Marie téléphone à Nicole puis nous dînons au restaurant de l’hôtel, de grillades d’agneau, très épicées. Je me renseigne grâce à internet sur le trajet de Mersin à Çanakkale et sur le ferry d’Igoumenitsa à Venise ainsi que sur la position de notre ferry.

 

Lundi 11 mars : Pour notre dernière (?) nuit égyptienne, les moustiques sont venus vrombir à mes oreilles « Salut, salut », dans un demi-sommeil, j’ai compris « Palu, palu » ! Nous partageons le petit déjeuner puis regagnons la chambre suivre sur internet la progression de notre ferry. A onze heures, nous libérons notre nid douillet et allons nous réchauffer sur la terrasse ensoleillée, au quatrième étage. Nous avons une belle vue sur la palmeraie de plus en plus gagnée par des constructions anarchiques de petits immeubles, jamais terminés, toujours en cours d’ajout d’étages supplémentaires. Les ordures sont jetées au pied des bâtiments, le long des chemins ou dans le canal transformé en égout à ciel ouvert. A une heure, Yasser se manifeste. Il nous rapporte le carnet de passage en douane puis réclame son salaire. Nous lui demandons de nous conduire au port, ce qu’il fait et nous dépose à une cafeteria, à l’entrée, et non au camion comme nous l’avions cru. Nous devrons y attendre huit heures pour retrouver l’agent de la compagnie de navigation qui nous accompagnera. Il nous abandonne devant notre déjeuner, une omelette et de la salade, dans un troquet à la clientèle uniquement masculine d’employés du port. Yasser revient, redemande le carnet de passage en douane et mon passeport pour un ultime tampon. Il nous les rapporte avec une simple mention sur le passeport, en arabe. Le carnet de passage en douane n’est pas tamponné, ce qui ne me plaît pas beaucoup. Je me décide à aller poser la question aux douanes. J’atterris dans le bureau du grand chef qui téléphone, me confie aux mains d’un appariteur qui part faire le nécessaire et me rapporte le précieux document, cela me coûte tout de même vingt livres égyptiennes ! L’attente continue… A dix-neuf heures je fais téléphoner à Yasser, il faut encore attendre, un employé de la compagnie de navigation viendra nous prendre pour nous faire passer les formalités de police, même chose à vingt heures trente etc… Je commence à être vraiment las de ces histoires d’horaires jamais respectés, l’Orient est une trop facile explication, l’incompétence, la désorganisation, l’à-peu-près, en sont d’autres… Le garçon de la cafeteria est gentil, téléphone volontiers pour nous mais la télévision est de plus en plus bruyante. Je fais les cent pas à l’extérieur, espérant toujours voir arriver une voiture venue nous chercher. Après un dernier coup de fil à un agent de la compagnie maritime et alors que la cafeteria ferme mais attend de nous voir entre de bonnes mains, j’ai rendez-vous à l’immigration. J’y retrouve l’agent qui s’occupe des passeports et enfin une voiture vient nous récupérer, nous emmène à la voiture qui a passé la journée dans un entrepôt. Nous nous rendons au port où des dizaines de camions turcs attendent d’embarquer sur un RoRo. Nous sommes les premiers à monter. Un membre de l’équipage roumain nous prend en charge et nous conduit dans un salon proche de la réception. On nous explique, en français, que nous devons patienter, le temps que les cabines soient prêtes. A minuit passé, nous attendons encore…

 

Mardi 12 mars : L’attente se poursuivant, nous décidons de manger nos provisions, avec une bière turque qu’une jeune femme nous apporte. La demi-heure d’attente demandée devient une heure puis presque deux ! Marie désespère, je me traîne dans les couloirs jusqu’à ce qu’enfin, on nous conduise à une cabine spacieuse, confortable, avec un lit double, le grand standing ! Nous nous couchons aussitôt, à presque deux heures. Dans la nuit, aucun frémissement n’est annonciateur d’une mise en branle du navire et au matin force est de constater que nous sommes toujours à quai ! Mais nous prenons le fait avec philosophie, nous sommes logés et nourris et surtout, nous en avons terminé avec l’administration égyptienne. Nous allons prendre le petit déjeuner, sommaire, à la cafeteria où Marie est la seule représentante de son sexe, avec tout de même quelques femmes employées à l’entretien. Que des mâles farouchement moustachus et grands fumeurs ! Soudain, à onze heures, des bruits semblent indiquer qu’il se passe quelque chose. Nous appareillons ! Sortie du port, Damiette disparaît dans la brume. Adieu l’Egypte, adieu l’Afrique, à nous l’Asie… Le reste de la matinée se passe à prendre l’air sur le pont sans fauteuil ni installation pour y rendre agréable le temps de la traversée (ce n’est pas une croisière !) ou dans la chambre, seul endroit confortable. Au déjeuner (surprise !), poulet-frites sur un plateau, digne d’un resto U. La Roumaine qui nous avait approvisionnés en bière la veille, ou plutôt ce matin, nous en apporte deux dans la chambre mais pas question de les apporter à table. Je dois aller les verser dans de discrets gobelets en carton et les rapporter. Sieste, une heure à prendre l’air sur le petit bout de pont accessible et retour à la chambre. Marie lit, je n’ai plus de livres, je m’occupe avec des réussites et le jeu démineur sur l’ordinateur. Dîner léger, un poisson frit et de la salade, un Fanta orange en guise de dessert. Comme ce midi, je vais remplir des gobelets de bière que le Père Noël nous a livrée à la chambre… Retour à la cabine pour la nuit. Nous sommes approximativement à mi-chemin de Chypre.

 

Mercredi 13 mars : Au petit déjeuner, en plus du pain, tomates et olives, pour varier… Le thé est infâme, il faut mélanger de l’eau chaude à une décoction très forte, toutes deux fournies par un appareil électrique. Nous attendons l’arrivée, soit dans la chambre, occupés à des activités hautement intellectuelles, soit sur le pont à surveiller l’avancée du navire. Nous devisons avec les camionneurs turcs en baragouinant quelques mots d’arabe. Ils sont tous très gentils et prévenants, aux repas ils apportent son plateau à Marie, me proposent des gobelets de thé. Deux chasseurs nous survolent en rase-mottes, des Syriens ? Des avions de l’Otan ? Au déjeuner, je n’ai plus à faire la queue, on m’invite à passer à table et on nous apporte nos plateaux, des verres d’eau, du sel, du ketchup, encore un jour ou deux et ils nous livreraient le petit déjeuner au lit ! Deux hommes de l’équipage ramassent, pelle et balais à l’appui les innombrables mégots qui jonchent le pont. Etonné un des passagers leur fait signe de tout jeter par-dessus bord, l’un d’eux lui répond : « Pollution ! », manifestement le mot ne dit rien à ce brave Turc ! Nous approchons de Mersin mais, quand la côte est en vue, le navire s’arrête, il est alors deux heures et nous attendons une heure avant qu’il ne reparte à vitesse réduite. Des policiers montent à bord puis un pilote nous guide dans le port. Lentes manœuvres pour accoster et s’amarrer et encore une longue attente avant que nous ne récupérions les passeports et que nous puissions sortir du navire. Il est déjà cinq heures ! Nous croyons que nous en avons fini mais il faut passer à la police pour tamponner les passeports, formalité vite expédiée. Les choses se compliquent à la douane, un jeune péteux ne peut se servir de son ordinateur et nous renvoie à un autre bureau que nous ne trouvons pas. Je retourne le voir, il trouve quelqu’un pour nous indiquer où nous devons nous rendre. Là, l’officier des douanes paraît dépassé par le problème, nous demande de l’attendre cinq minutes puis disparaît. Une heure plus tard, il n’a pas réapparu, je retourne voir notre jeune incompétent qui s’énerve, déclare que nous sommes un big problem et que nous ne pourrons le régler que demain ! Nous voilà condamnés à passer la nuit dans le port. Nous sommes tous deux bien énervés, alors que nous pensions les soucis terminés et l’administration turque compétente ! Dîner et au lit.

 

Jeudi 14 mars : Réveillé tôt dans la nuit, je rumine les problèmes qui pourraient nous attendre demain. A huit heures je suis de retour à la douane mais les équipes ont changé, un responsable qui parle anglais me renvoie au bureau de la veille mais le camion est coincé par des voitures stationnées. Je dois retourner chercher des policiers et enfin un conducteur déplace sa voiture. Nous retournons donc à l’autre bout du port, où je trouve des personnes qui parlent anglais et s’affairent sur des ordinateurs, pour nous mettre en règle. Quand je crois que nous en avons terminé, on nous annonce que nous devons passer la voiture aux rayons X ! Il faut encore trouver l’endroit. Les camionneurs, sympathiques, qui attendent nous font passer devant eux. Il faut aussi vider la voiture de tous les aliments, appareils électroniques, avant le passage dans la machine. Les opérateurs ont détecté nos jerrycans de gasoil. Ils tiquent. J’essaie d’expliquer qu’en Egypte c’est difficile d’en trouver, qu’il faut des réserves dans le désert. Ils n’insistent pas et nous laissent partir. Je repasse encore au bureau des douanes et nous sommes enfin en règle. Reste à sortir du port ! Pas une mince affaire. A la porte A, on ne veut pas de nous, à la B non plus et la C est fermée ! Nous tombons de Courteline en Kafka... Retour à la case départ, là où nous avons dormi. Il y a bien une porte mais elle est verrouillée. Nous explosons tous les deux ! Je retourne dans le bureau de la douanière qui ne comprend pas un mot d’anglais, elle tape l’immatriculation du camion et miracle ! Le fond de l’écran passe au vert, nous pouvons sortir !!! Elle donne l’ordre à un gardien de nous ouvrir le portail, nous sommes en Turquie… Je m’arrête à la première banque que nous trouvons et y change 100 dollars, puis nous prenons la route. Nous empruntons l’autoroute d’Ankara, à péage, mais il n’y a pas de tickets d’entrée, il faut avoir une puce ou, comme on nous l’indique, laisser sonner l’alarme, continuer comme si de rien n’était et payer à la poste ! Nous verrons en sortant de Turquie, cela risque d’être encore épique… La route monte dans les montagnes, les traverse par une série de tunnels. Le plateau anatolien, à 1000 mètres d’altitude sort de l’hiver, l’herbe verte commence à apparaître et couvre même les toits de terre des anciennes fermes. Les sommets sont encore très enneigés et le vent souffle. Paysage si différent de l’Egypte ou du Soudan ! Un autre monde : l’autoroute est une véritable autoroute, le code de la route est à peu près respecté, les policiers font leur boulot et ne paraissent pas déguisés, pas de chants religieux à tous les coins de rues, de la bière dans les épiceries de village et pas de tas d’immondices dans les rues. Il se dit que l’Egypte post-révolutionnaire voudrait prendre la Turquie comme modèle, ils ont du pain sur la planche ! Nous quittons l’autoroute d’Ankara pour la route de Konya qui reste à double voies mais avec un revêtement parfois patchwork. Nous contournons la ville et continuons en direction d’Afyon. Un policier bonhomme qui nous a arrêtés pour excès de vitesse, déclenche un grand éclat de rire quand il affirme que nous roulions à 166 km/h. Un record pour le Guiness ! Première Land Rover équipée d’une cellule Azalaï à atteindre cette vitesse ! Il ne nous en tient pas rigueur et demande simplement que nous ralentissions… La nuit tombe vite sous un ciel couvert. Nous continuons en bifurquant, avant Afyon, en direction d’Eskişehir. La route n’est plus à double voies alors qu’il fait nuit et je commence à fatiguer. Nous arrêtons à une station-service, la seule sans doute de Turquie qui fait aussi mosquée, comme nous nous en apercevons un peu plus tard quand le muezzin se déchaîne…

 

Vendredi 15 mars : Alerté au beau milieu de la nuit par un sourd grondement qui varie d’intensité, je comprends que des bourrasques de vent fouettent le camion et font claquer des tôles de la station-service. Je baisse le toit pour nous éviter de nous envoler puis je jette un coup d’œil dehors. Nous sommes entourés de camions que nous n’avons pas entendu arriver et tout est blanc, une tempête de neige en Anatolie ! Nous nous réveillons tôt et je persuade Marie que nous sommes sous la neige avant de comprendre qu’il s’agit du béton sous un éclairage blafard que j’ai pris pour de la neige. Ouf ! A sept heures nous sommes sur la route, secoués par les rafales, brinquebalés d’un côté l’autre de la route heureusement peu fréquentée. Puis, sous une pluie qui avec nos pneus presque lisses, nous oblige à bien ralentir avant de rejoindre des altitudes moins élevées et bientôt Bursa. Nous contournons la ville sur une autoroute moderne qui permet de rattraper le retard pris dans la montagne. Le vent s’apaise et le ciel se dégage quand nous rejoignons les bords verdoyants de la belle mer bleue de Marmara. Nous trouvons un supermarché, un comme nous aurions bien aimé en rencontrer les semaines passées, pour les derniers achats. Nous traversons sans attendre avec un bac pour rejoindre la côte européenne à Gallipoli et bientôt nous sommes à la frontière, passée en moins de dix minutes, sans difficultés. Visite à la boutique duty free shop pour une bouteille de vodka et quelques cigares puis nous voici presque chez nous, au Yunanistan, ni une province chinoise, ni la terre des onanistes mais le nom que les Turcs donnent à la Grèce ! Encore quelques kilomètres d’autoroute et nous retrouvons le camping d’Alexandroupoli, quasi désert mais tout fonctionne même le wifi ! J’aurais bien aimé fêter ce retour devant un verre d’ouzo et un bon döner kebap, avec de la viande de porc mais ce n’est pas dans l’idée de Marie et comme nous avons acheté du bœuf, il faut le manger… D’ailleurs il fait froid et tout est sinistre…

 

Samedi 16 mars : Les pieds glacés dans la nuit, je me lève pour baisser le toit. Au matin, cette fois ce sont les carillons particuliers des églises orthodoxes qui donnent un court concert. Dieu que notre civilisation judéo-chrétienne a du bon ! Les lavabos ne fuient pas, la robinetterie fonctionne, les toilettes sont propres et l’eau chaude est chaude ! Et la société de consommation avec le beurre 100% matière grasse garanti cholestérol maximum, les alcools en vente quasi libre et la charcuterie faite avec ce sympathique cochon… Nous téléphonons à Julie avant de partir. Nous la réveillons, la pauvre, elle a eu une dure soirée avant son départ pour les Philippines. Nous démarrons après dix heures, il fait à peine plus de 0°c, nous sommes frigorifiés et après un plein de gasoil (dix fois plus cher qu’en Egypte, grosse émotion au moment de sortir les billets…), nous mettons le chauffage au maximum pour nous réchauffer en roulant. Il tombe quelques flocons de neige et les prairies sont encore en partie enneigées. Ce n’est que vers midi, en approchant de Salonique que nous verrons réapparaître le soleil. Nous filons à bonne allure sans quitter l’autoroute. Les péages sont bon marché quand nous sommes assimilés à des voitures classiques, chers quand on nous applique le tarif camping-car. Les chutes de neige vers Alexandroupoli m’ont fait craindre l’Epire (!) mais j’avais tort, pas de neige, à peine quelques gouttes de pluie et sur la fin de la neige fondue. Pas une seule station-service sur l’autoroute, il faut en sortir pour refaire un plein. Nous arrivons à Igoumenitsa avant six heures, nous allons directement au port prendre des billets sur le ferry pour Venise lundi. Nous passons dans un supermarché refaire un dernier plein de provisions (voir ci-dessus les bienfaits de notre mode de vie…) puis nous cherchons un camping. A quelques kilomètres, au bord de la mer, dans un paysage de lagunes et de marais inondés, le même que celui autour de Boutrit, en Albanie, juste de l’autre côté de la frontière, nous trouvons un camping fermé mais nous pouvons nous installer au bord de l’eau, près d’un restaurant.

 

 

Dimanche 17 mars : Réveil tardif, le beau soleil tarde à réchauffer le camion et ses habitants ! Nous ne sommes pas pressés, rien au programme si ce n’est fêter comme il se doit la Saint-Patrick. Message de Julie puis de Nicole à cette occasion et, plus tard, d’Yvette. Nous envisageons de déjeuner au restaurant en face duquel nous avons dormi et dont le cadre, au fond de la baie d’Igoumenitsa, sur une belle plage peu fréquentée en cette saison, est enchanteur. Mais avant de nous décider, nous allons voir en ville quelles sont les autres possibilités offertes. Nous marchons sur le trottoir au soleil, l’autre est trop glacial ! Rares sont les commerces ouverts, les restaurants peu engageants nous confortent dans notre idée de déjeuner sur la plage. Nous aurions bien pris un ouzo dans l’un des cafés avec terrasse du centre-ville mais nous craignons de nous distinguer avec cette boisson alors que les nombreux consommateurs sont tous attablés devant des cafés sous diverses présentation ou devant des chocolats chauds alors qu’il est presque midi ! Nous retournons donc sur la plage, nous prenons place devant une table de la terrasse en la déplaçant de façon à jouir le plus vite possible du soleil. Nous commandons des verres d’ouzo puis des plats de poisson et fruits de mer, calamars en beignets, poulpe vinaigrette, crevettes grillées, rougets frits et une trop grande portion de sardines et petite friture. Tout ceci arrosé de bouteilles de vin retsine, sans regarder ni à la quantité ni à la dépense (très mesurée !). Après déjeuner, nous nous installons à l’intérieur, très fréquenté alors qu’à l’extérieur nous étions les seuls ! Nous relisons le blog, répondons aux amis, tout en fumant un cigare, avalant un expresso suivi d’un cognac local, un Metaxa (enfin moi, pas Marie !) ! La grande fête ! Peu aguerri, le regard vague (toujours moi…), nous reprenons la voiture pour une promenade sur les pistes qui vont se perdre dans les marais avant de revenir en ville. Nous allons prendre un thé à la terrasse de l’un des cafés, seuls clients bravant le froid puis nous allons nous garer devant la gare maritime. Pour terminer cette journée d’authentique cuisine grecque, nous allons dîner dans une petite rôtisserie que nous avions repérée. Quatre tables et de grandes broches qui tournent, horizontales pour les poulets bardés et les kokorets, sorte d’andouillettes que j’aimerais bien goûter mais je n’ose m’y risquer et une, verticale pour le gyros dont j’avais envie. Marie prend des souvlaki, des brochettes de porc, juteuses à souhait. Les frites et la bière ne sont pas à la hauteur mais ce n’est pas grave, nous avons retrouvé la viande de porc ! Retour au parking devant le port pour la nuit.

 

Lundi 18 mars : Nous nous levons avant le jour. A six heures et demie, je vais au comptoir de la compagnie enregistrer nos billets puis nous nous rendons sur le port attendre sagement l’arrivée du bateau. A huit heures, heure de départ prévu, rien ! Nous scrutons l’horizon, l’espoir naît avec chaque ferry qui s’y profile mais le nôtre ne se montre qu’avec une heure de retard. Nous montons sur l’open deck nous garer, entourés de camions. On nous alloue une cabine de quatre pour nous deux avec toilette et douche. Ce n’est pas le confort de celui de Damiette à Mersin mais c’est encore très bien. Nous allons nous installer dans les fauteuils du salon, entourés de Grecs et de Grecques d’un âge certain, mélange de touristes du troisième âge et de camionneurs, moins sympathiques que leurs collègues turcs… Je suis surpris par le grand nombre d’hommes qui continuent de manipuler en permanence l’espèce de chapelet oriental commun aux musulmans et aux orthodoxes. Nous déjeunons avec nos provisions puis nous allons faire la sieste dans la cabine. Nous en ressortons en fin d’après-midi pour retourner dans les salons prendre un thé et nous inquiéter sur l’heure d’arrivée à Venise et donc en France. Nous dînons, fort mal, à la cafeteria, une bouffe qui servie dans un restau U, aurait déclenché mai 68 en 67… Nous nous consolons avec un honnête vin crétois et des pâtisseries orientales.

 

Mardi 19 mars : Soleil sur la mer et bientôt nous apercevons le Lido puis la lagune et puis Italie 4259c’est cette incomparable vision de Venise vue de la mer et à hauteur des toits des maisons qui défile devant nous. Impossible de rester indifférent à cette ville, nous avons, plus que jamais, envie de venir y résider quelque temps… A midi nous accostons et débarquons rapidement. Nous n’échappons pas au contrôle antidrogue, chien à l’appui. Nous revoilà sur l’autoroute pour 750 kms. Nous avançons à bonne allure, beaucoup de camions jusqu’à Brescia, c’est ensuite plus calme jusqu’à Gênes où commence la série de tunnels-viaducs jusqu’à la frontière. Le ciel est bleu mais nous sommes surpris de trouver la Lombardie sous la neige. Nous retrouvons sans émotion la mère-patrie. Coup de fil à monsieur Philippe pour nous assurer d’avoir la clé de la maison en arrivant. Nous y sommes avant huit heures, la traversée de l’Afrique est bien terminée, nous l’arrosons avec une demi-bouteille de champagne après être allés dîner dans un restaurant thaïlandais que nous ne connaissions pas, le Nathathaï, bonne cuisine mais ambiance trop « chic »…

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