D’ADDIS ABABA au CAIRE ( et +...)
HIVER 2013
Samedi 12 janvier : Julie porte mes lunettes (une fois de plus cassées hier !) chez l’opticien de la rue Erard mais il ne peut pas les réparer, je vais repartir avec un verre tenu par du scotch ! La navette est presqu’en avance. Nous allons chercher une autre passagère dans le quartier de Belleville. Les nombreuses enseignes de restaurants chinois me donnent envie d’en chercher un bon à notre prochain passage. Le ciel gris ne nous incite pas à regretter Paris en cette saison. Nous sommes à Roissy à l’ouverture de l’enregistrement, dans l’aérogare ancienne, à l’intéressante architecture circulaire. Selon notre nouvelle habitude, nous allons directement au guichet « business » puis nous attendons en salle d’embarquement. L’avion a une heure de retard, pour tromper la faim, nous grignotons un paquet de chips. Décollage et enfin le repas est servi, très basique et surtout sans alcool ! Pas même d’eau gazeuse… Que ceux qui se plaignent d’Emirates, volent avec Egypt Air… Un film, une niaiserie de cowgirls, et quelques quarts d’heure de somnolence plus tard et nous nous posons au Caire, survolé de nuit. Nous attendons encore avant de repartir dans un Boeing plus petit. Nouveau repas, le même, mais la pâtisserie est d’un joli rose « Barbara Cartland », aussi insipide qu’elle…
Dimanche 13 janvier : Nous atterrissons à Addis Ababa en avance, à trois heures du matin. Les formalités de police sont rapides mais je blêmis quand je m’aperçois que les bagages doivent passer dans un scanner. La masse métallique de l’embrayage n’échappe pas à l’œil exercé de l’opératrice qui m’intime l’ordre de passer à la fouille. Pas fier, je fais mine de déposer le sac incriminé sur le comptoir puis le remets sur le chariot et me défile quand le douanier a le dos tourné, occupé avec un autre contrevenant. Pas de rappel, ouf ! Aucun taxi n’est venu nous chercher malgré ma demande expresse à l’hôtel, nous devons en affréter un au prix fort. Les rues de la ville sont désertes, quelques pauvres bougres tentent de s’abriter du froid sous des guenilles et des cartons. Nous parvenons au Taitu Hotel aux abords peu engageants. Nous n’étions attendus que demain mais nous pouvons tout de même avoir une chambre, particulièrement miteuse, crasseuse et sans eau. Nous nous couchons rapidement et nous nous endormons rapidement. Nous ne nous réveillons qu’à onze heures, le soleil brille et il y a de l’eau chaude. Pendant que Marie se prépare, je vais explorer les lieux. Le bâtiment principal a belle allure, un élégant pavillon à un étage avec une galerie supportée par des piliers de bois, une porte à tambour et une hauteur de plafond complètent l’impression d’ancienneté du plus que centenaire hôtel d’Addis Ababa mais l’environnement est peu engageant, palissades de tôles ondulées, constructions anarchiques et immeubles de béton fatigué. Nous changeons de chambre pour une plus agréable, plus vaste, au calme dans un petit jardin mal entretenu. Je fais quelques pas dans la rue, le quartier, Piazza, bien que haut-lieu des distractions est plutôt minable, des bars et de peu avenantes gargotes. Nous déjeunons au restaurant de l’hôtel, sur une des terrasses ensoleillées. Nous négligeons le buffet proposé avec injera et préférons retrouver les grands classiques de la cuisine occidentale à la mode éthiopienne mais si mes fish fingers sont toujours aussi désespérément frits et sans goût, les médaillons de bœuf de Marie sont tendres et presque saignants. Une visite plus approfondie de l’hôtel nous convainc qu’il ne s’agit pas du palace ancien espéré et si le parquet craque sous les pas, les meubles de style ont disparu. Nous partons à pied pour l’église Saint-Georges, au sommet de la colline. L’avenue qui y conduit est très fréquentée, des camelots proposent savonnettes, briquets et autres gadgets. Nous sommes dans l’un des plus vieux quartiers de la ville, quelques maisons aux épais murs de grès gris avec de grandes fenêtres en encorbellement achèvent de tomber en ruine dans l’indifférence générale. Des travaux de voirie, le creusement de tunnels routiers nous obligent à un long détour avant d’accéder aux escaliers qui montent à l’église. C’est un gros bloc hexagonal, gris, terne, sans fantaisie, dont toutes les portes sont fermées. Les fidèles doivent se contenter d’embrasser avec ferveur, murs et portes. Le musée est également fermé, nous repartons et revenons en suivant des rues poussiéreuses. Nous passons par le jardin, ridiculement petit, de l’hôtel Baro puis rentrons au Taitu où nous prenons un verre sur les terrasses. La fraîcheur descend vite et nous regagnons la chambre où je prépare le sac à dos avec tout ce que je dois emporter au garage demain matin. Nous dînons au restaurant de l’hôtel, à l’intérieur et en supportant un gros pull. Repas correct, nous ne sommes pas encore las des plats de poulet ou de bœuf avec une sauce tomate-piment-oignons, Marie s’offre même une crêpe en dessert. Douche et au lit.
Lundi 14 janvier : Bonne nuit dans un grand lit mais je suis réveillé tôt et à sept heures je suis debout. Je pars avec le sac à dos et marche jusqu’au carrefour pour trouver un taxi honnête ou mal réveillé pour tenter un tarif « farangi ». Il me dépose au garage Land Rover qui n’ouvre qu’à huit heures et demie ce qu’a omis de me préciser Alexander dans notre correspondance. Cela me laisse le temps de ranger quelques affaires, démarrer le réfrigérateur (et tuer quelques cafards endormis…) et réparer la fixation de l’escalier d’accès à la cellule. J’échange quelques propos aimables avec la directrice du garage et lui rappelle que la voiture doit être prête demain soir, grâce aux pièces rapportées de France. Je me fais déposer au consulat du Soudan par un minibus du garage. Je dois attendre l’arrivée d’un bien peu aimable responsable qui m’annonce tout de go qu’ils ne disposent plus d’autocollants de visas et qu’il faut attendre quatre jours pour qu’ils les reçoivent ! Cette nouvelle remet en question nos prévisions mais nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Nous tenterons mercredi matin pour le cas où Sainte Rita serait intervenue sinon nous reviendrons à notre retour de Lalibela. Je continue à pied en échafaudant dans ma tête des projets… Je parviens ainsi à proximité de la gare. Les compagnies d’assurance y sont nombreuses mais avant d’en contacter une je vais changer des dollars dans une banque, ce qui demande tout de même quelque temps, papiers, tampons etc… La première compagnie n’est pas trop intéressée par ma clientèle et ne délivre que des assurances à l’année. Idem à la seconde mais ils me dirigent vers une troisième où l’on veut bien s’occuper de moi. Je dois tout de même souscrire une assurance, au minimum, pour l’année mais les tarifs sont des plus modestes et avec la délivrance de la carte jaune, valable au Soudan et à Djibouti (pour le cas où…), j’en ai pour 50 euros ! Je saute dans un taxi qui, après avoir eu une altercation avec un autre conducteur, me dépose au service des douanes où je retrouve celui qui c’était occupé de me délivrer une prolongation d’importation temporaire et qui fait aussitôt le nécessaire pour accorder un délai jusqu’à l’expiration du visa. Le même taxi, (celui qui me soutient que l’Algérie est une ancienne colonie anglaise et qu’on y enseigne désormais le chinois dans les écoles…) me ramène à l’hôtel. Je retrouve Marie qui s’est bien reposée. Nous déjeunons au restaurant de sandwichs copieux puis je m’octroie une sieste, après avoir vérifié que je peux reporter les photos avec mon nouvel appareil Canon sur l’ordinateur. Nous repartons pour le garage avec un taxi en très mauvais état, sa direction a tellement de jeu que le chauffeur doit, même en ligne droite, faire continuellement tourner son volant dans tous les sens. La voiture est sur le pont, la boîte de vitesse est remontée et on peut espérer qu’elle tournera demain… Nous nous faisons déposer devant la boutique d’antiquités de l’avenue Churchill où nous avions repéré de beaux objets lors de notre passage en décembre. Nous y achetons après un pénible marchandage trois nouvelles croix, dont certaines, en principe, pour Annie… Nous nous rendons ensuite chez celui à qui nous en avions acheté à deux reprises et après un long tri et une tout aussi difficile discussion, nous repartons avec quatre autres croix… Retour à l’hôtel avec un faux taxi qui se fait arrêter par un policier pour plaques d’immatriculation mal fixées et papier pas en règle… Nous poursuivons notre exploration de la carte du restaurant, Marie retente un plat d’agneau servi avec de l’injera mais ne tarde pas à renoncer devant la dureté de la viande et me l’échange contre mes brochettes de poisson, des filets frits sur une pique.
Mardi 15 janvier : Nous prenons le petit déjeuner sous forme de buffet, au soleil sur une des terrasses, avant de nous faire conduire à la cathédrale de la Sainte Trinité. Nous apprenons qu’aujourd’hui on y célèbre le sacrifice d’Abraham et effectivement les abords sont interdits à la circulation et une foule s’y rend. La large allée qui y conduit est devenue une Cour des Miracles, Tout ce qu’Addis Ababa compte de mendiants, d’aveugles et d’estropiés s’y est donné rendez-vous pour implorer la charité des pèlerins. Les femmes et certains hommes portent des chammas immaculés et brodés. La cathédrale est un imposant bloc de grès agrémenté de statues, de pinacles. Mais ici ce sont les gens qui nous intéressent. Tous ces croyants qui écoutent religieusement (forcément !) le patriarche qui chevrote un prêche entrecoupé de you-you poussés par les femmes. Sacrifice d’Abraham et you-you, sommes-nous bien chez des chrétiens ? Les murs de la cathédrale, les affiches qui représentent des saints, la Vierge, sont couverts de baisers par les dévots. Les femmes, enveloppées, la tête itou, dans leurs chammas blancs, assises le long des allées forment des vagues qui épousent les formes du bâtiment. Derrière celui-ci des hommes et des femmes accompagnés par de gros tambours frappés indifféremment par les deux sexes, chantent et dansent, accompagnés par la foule qui frappe dans ses mains et reprend les cantiques en chœur. Un homme nous prend en charge, m’emmène acheter des b illets pour visiter le musée puis nous guide vers l’intérieur de l’église. Nous devons nous déchausser et parfumer ainsi nos voisins… La grande majorité de ceux qui se pressent dans les trois travées, tournés vers le saint des saints, est constitué de femmes, une houle blanche qui ondule quand elles s’agenouillent ou, extasiées, lèvent les bras en orantes. La messe se termine, la foule s’écoule, nous pouvons accéder aux tombeaux de Hailé Sélassié et de l’impératrice, de lourds sarcophages de granit sombre. Nous ressortons, le musée est fermé, nous abandonnons notre guide auto-proclamé et revenons vers le parvis. Encore des danseurs et des chanteurs, des diacres porteurs de couronnes qui frappent dans leurs mains et ondoient dans un bel ensemble. Les parasols chamarrés, de velours aux galons dorés, sont sortis pour cette grande occasion, les cierges se débitent en brassées, des prêtres barbus, couronnés de tiares, offrent des croix à baiser aux passants. La foule se disperse, nous reprenons un taxi qui nous dépose sur la grande place Meskel où Marie aurait bien aimé rendre visite à l’Office du tourisme mais il est fermé pour une raison inconnue et en dépit des horaires affichés. En manque d’exotisme, nous allons déjeuner dans un restaurant chinois, portions copieuses, y compris de porc. Nous nous rendons ensuite au garage. Le mécanicien travaille toujours sur la voiture, achève de remonter les pièces mais ne termine qu’à l’heure de fermeture de l’atelier. Nous avons patienté jusque là mais après que le chef d’atelier est allé faire un essai, il est évident que nous devrons attendre demain matin, après les derniers réglages, pour la reprendre. Nous avons passé tout l’après-midi à surveiller d’un œil l’avancement des travaux, en bouquinant de l’autre, des passages du livre de Paul Théroux relatant sa traversée du Caire au Cap… Le minibus du garage nous ramène à l’hôtel. En cours de route un agent de police l’arrête non pour le verbaliser mais pour se faire conduire à un autre carrefour, nous imposant un détour ! Nous nous renseignons dans une agence de voyage sur les dates précises et le déroulement de la fête de Timkat à Lalibela et décidons de nous y rendre dès que nous aurons récupéré la voiture. Dîner au restaurant puis achat d’une ceinture en cuir pour remplacer mon antique ceinturon.
Mercredi 16 janvier : Nous essayons de nous lever (relativement !) tôt et après le petit déjeuner, un taxi (le dernier ?) nous conduit au garage. La voiture est au lavage, le clignotant n’est pas réparé. Faute de voir quelqu’un et après avoir déposé nos sacs, nous repartons avec le même taxi pour l’ambassade du Soudan. Le même malotru nous reçoit mais il ne nous renvoie pas à une autre date, bien au contraire nous devons remplir une demande de visa de transit, y joindre des photocopies gratuitement délivrées, puis attendre, attendre, encore attendre. J’ai un peu l’espoir de l’avoir aussitôt. Excès d’optimisme douché peu avant midi quand on nous demande de payer 100 $ chacun et de revenir chercher nos visas demain ! Nous ne parvenons pas à fléchir l’employé mais au moins nous savons que nous l’aurons ce maudit visa… Nouveau taxi (le dernier, bis repetita ??) pour retourner au garage. La voiture est dehors, prête, enfin presque puisque le clignotant n’est toujours pas remplacé et le couvercle du maître-cylindre toujours pas reposé… Alexandre me prend dans ses bras, toujours aussi aimable et incompétent mais il fait le nécessaire pour que le mécanicien répare les oublis. Je passe à la caisse, 8000 birrs, moins de 400 euros. Je paye par carte de crédit, ce qui ne s’est pas vu depuis quelques lustres. Il faut ressortir d’un tiroir l’appareil idoine, le dépoussiérer, le connecter, trouver où et comment s’introduit la carte et enfin suivre les indications… Adieux à la directrice qui tient à rester en contact. Et je reprends le volant… Nous retrouvons les joies de la circulation à Addis Ababa… Nous allons chez Wym’s où le personnel nous reconnaît, Wym est soucieux… Nous sommes contents de reprendre des saucisses grillées avec une bonne bière-pression. Dans l’après-midi, nous remettons tout en place dans la cellule, je vais changer des dollars et prendre au passage une photo de l’ancienne gare du Djibouti-Addis Ababa, construit par les Français en 1917 ce qui me vaut une engueulade, les objectifs stratégiques sont interdits de photographie… Discussion avec des motards, un Sud-africain et deux Américains d’origine indienne, en route depuis des mois et qui ont des problèmes de visa soudanais. Nous dînons dans une des salles du restaurant, il fait trop froid pour rester dans le jardin.
Jeudi 17 janvier : Les chiens ont encore hurlé dans la nuit. Il n’a pas fait chaud et Marie n’a pas très envie de sortir du duvet… Nous prenons notre temps avant de quitter cet endroit bien agréable malgré la simplicité des installations. Nous nous rendons au supermarché Bambi’s qu’Anne-Dominique nous avait indiqué comme le meilleur d’Addis Ababa. Je ne trouve pas qu’il soit mieux que celui de l’avenue Churchill, plus de place mais choix réduit. Néanmoins nous refaisons les pleins, sans trop regarder aux prix… Nous allons nous garer devant l’ambassade du Soudan, déjeunons dans le camion et attendons en bouquinant l’heure d’ouverture du consulat. Nous récupérons les passeports avec un visa de transit de deux semaines, valable un mois. Contents, nous partons aussitôt mais l’itinéraire que j’avais repéré pour sortir rapidement de la ville n’est plus valable, des travaux coupent la route et aucune déviation n’est indiquée. Nous devons replonger (pour la dernière fois ?) dans les embouteillages pour trouver la sortie. Il nous faut une heure pour être sur la route qui traverse la campagne, ses champs en damiers, les villages Oromo aux belles cases carrées, en végétaux, à toit de chaume à la faîtière surmontée d’une croix. Pas le temps de faire des photos, nous devons avancer pour être le plus tôt possible demain à Lalibela. La nuit tombe alors que nous abordons la longue descente qui nous fait passer de 3000 à 1300 mètres d’altitude. Je dois rouler en prêtant attention aux troupeaux et aux piétons qu’aucun éclairage ne signale. Nous arrêtons au premier bourg pourvu d’un hôtel avec une cour. Un ouzo s’impose pour fêter cette reprise du voyage.
Vendredi 18 janvier : Nous essayons de nous lever avec le soleil afin d’être en route avant huit heures. Nous roulons dans des basses vallées agricoles, en louvoyant entre les chèvres prudentes, les moutons imbéciles, les placides bovins à grandes cornes et les caravanes d’ânes porteurs ou les arrogants dromadaires bâtés conduits par des Afars. Nous remontons sur les plateaux, les lignes droites sont plus rares. Nous bifurquons après Weldiya et suivons la route « chinoise » vers l’ouest dans un beau paysage de montagnes érodées, de ravins et de lits de rivières. Le kilométrage est plus important que je ne le pensais et je commence à fatiguer. Nous continuons sur une bonne piste qui rejoint la route goudronnée de Lalibela. L’arrivée est décevante, maisons à toits de tôle et immeubles récents en béton. Nous trouvons aussitôt l’hôtel que nous pensions être celui où avait dormi Jean-Pierre mais bizarrement il n’y a pas de cour où nous garer. Nous pouvons parquer devant assure le préposé. Il s’offre à nous conduire là où doivent se tenir les cérémonies pour la fête de Timkat, l’Epiphanie, les orthodoxes commémorent alors le baptême du Christ. Nous repartons aussitôt, descendons sur une route pavée, passons devant les sites des églises enterrées. La foule est endimanchée : les femmes ont leurs plus beaux chammas brodés et ont finement natté leurs chevelures, les hommes ont coiffé de hautes tours de tissus immaculés et brandissent des bâtons de pèlerins. Nous suivons d’autres véhicules qui tentent de se frayer un chemin dans la foule où se mêlent autochtones et trop nombreux touristes. Je finis par me garer sur une piste et nous continuons à pied, toujours avec notre guide. Il nous conduit à l’entrée d’un parc boisé où doivent se tenir les cérémonies mais au lieu de nous y conduire directement, ce que nous regretterons ensuite, il nous emmène sur les toits d’un hôtel, en face du parc. La vue sur le cirque de montagnes est intéressante mais ce n’est pas ce que nous cherchons en ce moment. Nous redescendons, entrons dans le parc, il ne semble pas s’y dérouler grand-chose, un bassin est en train de se remplir, c’est ici que demain on procédera à une bénédiction avec l’eau consacrée. Nous avançons vers le fond du terrain et découvrons alors, mais derrière plusieurs rangées de touristes et fidèles mélangés, un alignement de prêtres en grande tenue, tenant des croix de procession sous des parasols dorés. Nous comprenons que, si nous étions venus directement, nous aurions été au premier rang ! Les prêtres et les diacres, à la fin d’un discours, se retirent sous une grande tente pour une nuit de prières. Nous décidons non de nous garer devant le Blue Lal Hotel mais dans la cour de l’hôtel contigu au parc. Nous disons adieu à notre cicérone et je ramène la voiture dans une allée de l’hôtel. Nous prenons un soda dans le jardin de l’hôtel puis nous retournons dans le parc. La nuit est tombée, des fidèles se sont rassemblés devant la grande tente où se sont retirés les prêtres, assis ou endormis enroulés dans les chammas qui ressemblent alors à des linceuls. Ils ont allumé de fines chandelles, les visages des femmes simplement éclairés par ces flammes jaunes sont de véritables Georges de la Tour, des pèlerins montent des tentes pour passer la nuit, d’autres distribuent des injeras à leurs proches, des scènes bibliques, vivants retables dans cette lumière douce. Nous dînons dans le camion puis retournons voir s’il se passe quelque chose. Notre curiosité est récompensée. La foule des croyants n’a pas grossi, les chandelles sont éteintes, les endormis plus nombreux mais nous approchons d’une tente d’où nous entendons des chants presque langoureux. Nous pouvons y entrer et nous asseoir sur un des bancs qui en font le tour, avec quelques autres touristes-photographes. Alignés contre les parois, des prêtres en grande tenue, pèlerine sombre sur des robes brodées, turban monté en tour, sistre à la main, barbe fournie, chantent, ânonnent, des airs lancinants, envoutants, sur un rythme lent, accompagnés par trois gros tambours. Chaque nouvel arrivant est l’occasion d’accolades et de bénédictions réciproques. Vision qui justifie à elle seule la longue route depuis Addis Ababa. Cet alignement de religieux, jeunes et vieux, dans une cérémonie qui n’a pas dû changer depuis des siècles ! La nuit promet d’être longue… En ressortant de la tente, nous découvrons des fidèles plus agités ! Des tambours résonnent, des hommes, des femmes se lèvent, dansent avec des gestes très saccadés, proches de la transe. Je regrette de ne pas avoir emporté le merveilleux livre de Michel Leiris, « L’Afrique fantôme » pour y relire ses pages sur le zar, phénomène de possession éthiopien. Nous finissons par revenir au camion, je remets la batterie de l’appareil photo en charge, j’ai dû abuser… Marie se couche, je vais écrire au bar, devant une bière en profitant des prises de courant. Je retourne au parc. Les pèlerins se sont tous endormis, enveloppés dans leur chamma ; sous la tente, les épaisses fumées d’encens dissimulent presque les prêtres et les diacres, nettement séparés, les premiers avec leur pèlerine bleu-noir, les seconds tout en blanc avec une large bande rouge. Ils sont plus nombreux et aucun touriste ne pollue l’assemblée. Tous semblent somnoler et se balancent sur un air de valse bleue passée à très petite vitesse. Je les laisse à leur longue nuit et vais me coucher à presque minuit.
Samedi 19 janvier : Le réveil n’a pas sonné à quatre heures comme prévu mais je suis réveillé trois quarts d’heure plus tard et nous enfilons à toute vitesse nos vêtements puis nous nous précipitons dans la nuit vers l’échafaudage en perches d’eucalyptus, construit à l’usage des touristes et qui leur permettra, moyennant finance, de dominer et donc photographier les cérémonies. Nous sommes dans les tous premiers et nous nous asseyons, les jambes pendantes, le menton reposant sur une des perches, et attendons… Le spectacle est d’abord fourni par les touristes qui arrivent, ne sont pas contents de ne pas être les premiers, croyaient avoir réservé, n’ont pas été réveillés à temps, ne savaient pas etc… Le jour se lève, nous n’avons pas chaud sur notre perchoir et enfin, peu avant sept heures, s’avancent sur la place délimitée par les échafaudages, un cortège de prêtres couronnés de tiares brillantes, porteurs de croix de procession, de parasols de cérémonie. Ils prennent place avec les diacres autour de la place Au milieu un bassin en parpaings peint en bleu, en forme de croix grecque, a été rempli d’eau. Les chants commencent, accompagnés de déambulations, processions des porteurs de croix. Diacres et prêtres se balancent en rythme, agitent leurs bâtons de prière, s’inclinent, se redressent. Les flashs crépitent, les cartes-mémoire se remplissent, nous en avons plein les yeux. Le patriarche en chasuble brodée de fils d’or, fait un discours suivi par celui, trop long, d’un second couteau. Puis c’est un extraordinaire ballet des prêtres qui s’alignent en deux rangées parallèles, se font face, se rapprochent, s’éloignent tout en pivotant autour d’un axe central. La cérémonie prend fin quand le patriarche et ses assistants, viennent tremper leurs croix de procession dans le bassin, à chaque extrémité des branches. Tous les religieux quittent alors la place, la foule s’y précipite et s’asperge à grandes volées de seaux d’eau bénite, tous y puisent des bouteilles et se les versent sur la tête et en font bénéficier leurs voisins. Nous n’échappons pas à cette généreuse bénédiction et nous nous enfuyons à demi trempés. Nous retournons au camion prendre un petit déjeuner très attendu. Nous retournons ensuite au parc en quête d’informations sur la suite des évènements. Des jeunes nous renseignent, un groupe de Français nous confirme les informations. Nous remontons alors la route d’accès sur quelques centaines de mètres et nous nous installons en hauteur, dans l’attente du passage de la procession qui doit ramener dans chaque église d’où il provient le tabot, une réplique de l’Arche d’Alliance dont, selon la légende, tenue pour parole d’évangile si je puis dire, l’original serait à Axum, invisible depuis qu’elle aurait été dérobée à Jérusalem par le fils de la Reine de Saba et de Salomon. Le soleil tape, le défilé se fait attendre. Enfin les parasols brillent sous le soleil, une dizaine de prêtres portent sur la tête ce tabot, enveloppé dans des tissus précieux. Le cortège marque plusieurs stations, occasions de danses et de chants. Lors de la première, les diacres s’alignent sur une éminence alors que les prêtres restent sur la route. Les deux rangées se font face et semblent échanger répons et cantiques dans une chorégraphie lente sur des chants lancinants. Nous les suivons, mêlés parfois aux religieux, protégés brièvement du soleil par les parasols. Les gens se sont massés sur les collines au-dessus de la route et applaudissent ou lancent des you-you au passage du cortège. Marie veut le suivre pour ne rien manquer mais je commence à fatiguer et quand il emprunte un raccourci raide dans la montagne, je trouve que la plaisanterie a assez duré… Nous devons poursuivre notre ascension pour atteindre le centre-ville et trouver une épicerie où un premier soda pallie provisoirement à notre soif. Sur la place centrale nous déjeunons rapidement d’œufs avec de la bière glacée. Remis, nous repartons en descente mais Marie peine et je l’abandonne, assise à l’ombre, et m’en retourne chercher la voiture. Au passage je me renseigne sur le tarif d’entrée aux églises : 50 $ !!! Le triple de celui payé par Jean-Pierre un mois plus tôt. Je reviens chercher Marie et nous allons nous installer au Lal hôtel, celui de Jean-Pierre, le bon… Nous passons le reste de l’après-midi devant des boissons pas fraîches à nous reposer. Nous dînons dans le camion en écoutant l’énervant violon à une corde d’un musicien local qui accompagne une danseuse pour des touristes en mal d’exotisme. Une chorale d’Israéliens prend le relais, ce qui ranime les velléités musicales du violoneux jusqu’à minuit…
Dimanche 20 janvier : Nous utilisons les douches d’une chambre qui vient de se libérer mais entre-temps, l’eau a été coupée. Je dois patienter… Nous donnons un beau paquet de linge à laver et nous partons nous garer à l’entrée du site principal des églises enterrées. Nous nous acquittons du droit d’entrée scandaleusement élevé, sans même un plan, une information… Les Ethiopiens ne paient aucun droit d’entrée, ce qui est logique pour se rendre dans un lieu de culte en activité. Ces églises qui ont été entièrement excavées dans un tuf rouge sont désormais protégées par des dômes, rendus nécessaires par les dégâts des eaux pluviales, mais bien peu harmonieux. Nous découvrons la première, Bieta Medani Alem, du rebord de la colline dans laquelle elle a été taillée. C’est un bloc énorme, rectangulaire, massif, percé de fenêtres en forme de croix sur deux rangées. Les fidèles qui traversent le site ne manquent pas de se signer, d’embrasser les marches et les montants du portail. Nous réservons sa visite pour la fin et nous nous rendons à l’extrémité ouest, en passant donc devant les autres églises, pour commencer par le « tombeau d’Adam ». L’église orthodoxe éthiopienne, loin de Jérusalem, a voulu recréer ici les lieux saints et la symbolique n’est pas absente. Le maigre ruisseau à sec qui sépare les deux groupes d’églises est appelé Jourdain ! Le roi Lalibela est associé au Christ, son tombeau, invisible pour le commun des mortels, est l’objet d’une grande vénération. Le culte des reliques atteint des sommets, tout ce qui est béni, le sable provenant du sépulcre de Lalibela, est supposé miraculeux et nul ne semble le remettre en question. Le Derg, sous le régime communiste de Mengistu Haile Meriem, qui avait voulu lutter brutalement contre le pouvoir de l’église et les superstitions entretenues par celle-ci, ne pouvait qu’échouer. Le pseudo-tombeau d’Adam, symbole du péché, est un monolithe percé d’une belle fenêtre en forme de croix bien entendu. A partir de là, nous allons visiter diverses églises, toutes troglodytes, très simples, des murs bruts, épais, une tenture qui dissimule ce à quoi le profane ne peut accéder, des fenêtres toujours en forme de croix, latine, grecque, pattée. Partout des prêtres, des fidèles, des ermites sortis de leur trou taillé dans l’épaisseur des murs, prient, ânonnent, embrassent la roche. Circuler dans ce labyrinthe n’est pas aisé, les sentiers sont étroits, glissants, patinés pendant des siècles par les pieds des croyants. L’église du Sinai est en partie interdite aux femmes, c’est la seule qui est décorée avec des sculptures de personnages enturbannés tenant une croix. Plus loin vers l’Est, Bieta Maryam est la plus belle, ses fenêtres sont superbes, un fronton montre des cavaliers entourés d’animaux fabuleux. L’intérieur a été très décoré, il reste des traces de fresques au plafond et sur les murs, très abimées et totalement négligées par les bénéficiaires des redevances des touristes. Une ampoule électrique par-ci, une par-là, sont censées pourvoir à la mise en valeur des beautés cachées. Le résultat est frustrant. La dernière, Bieta Medani Alem, la plus vaste, a cinq nefs, voutées ou plates. On peut admirer la prouesse technique de la taille dans la masse de ces lieux de culte, l’harmonie des proportions, l’élégance des fenêtres, mais le manque de mise en valeur, l’exhibition de croûtes saint-sulpiciennes, la présence de meubles indignes d’un tel lieu, font réfléchir sur le Sacré et sur le regard que des Occidentaux respectueux des « vieilles pierres » peuvent porter sur de tels lieux. Nous récupérons la voiture et allons nous garer à proximité de l’église Bieta Ghiorghis qui affleure sur un plateau dénudé. L’image d’Epinal de Lalibela ! Elle n’est heureusement pas protégée par un vilain dôme, son plan en croix grecque est à l’intérieur d’un ravin taillé dans une forme carrée. J’en fais le tour, content d’avoir enfin vu Lalibela ! Les hauts murs de l’église sont percés de très belles fenêtres très décorées, dans une pierre couverte de moisissures jaunes du plus bel effet sur le rouge du tuf. Nous ne la visitons pas, c’est l’heure du déjeuner. Nous voulons descendre la route jusqu’à l’hôtel mais nous nous trouvons nez-à-nez avec la procession qui ramène les tabots de l’église Saint-Mikaël. Nous revenons nous garer à proximité de Bieta Ghiorghis, déjeunons dans le camion avant de remonter sur la colline pour voir arriver la procession. Il y a déjà foule et nous ne pouvons pas approcher des prêtres sous leurs parasols de cérémonie, déjà installés en rang. Nous redescendons, trouvons une porte d’accès et parvenons à l’église. On nous laisse attendre assis sur les marches qui entourent le bâtiment en compagnie de diacres et de musiciens, joueurs de violons à une corde. Nous patientons jusqu’à ce que surgissent d’une étroite porte percée dans la muraille, de l’autre côté d’un pont de pierre, face à l’entrée de l’église, des prêtres, des diacres, des porteurs de parasols repliés et enfin sous les applaudissements et les you you des spectateurs perchés sur le rebord des falaises qui nous dominent, les porteurs des arches avant qu’ils ne s’engouffrent dans Saint-Mikaël. Je vais faire les photos des églises que je n’avais pas prises ce matin pour cause de batterie déchargée puis nous retournons à Bieta Ghiorghis où, cette fois, nous pouvons pénétrer. Son élégance extérieure ne se retrouve pas à l’intérieur, pauvre. Les niches, creusées dans la paroi des falaises, abritent des ermites ou les restes humains desséchés de dévots. Nous voulons nous rendre au second site d’églises enterrées mais il faut remonter, à pied, sur la colline avant d’atteindre la première d’entre elles. Bieta Rafaël ressemble plus à une forteresse entourée de hautes et impressionnantes douves qu’à une église. Il faut ensuite descendre de pénibles marches, suivre un étroit corridor, empli de gamins qui hurlent, courent dans nos jambes, avant de devoir emprunter un tunnel sans éclairage. Nous progressons dans le noir complet en tâtonnant la paroi. Au débouché, des marches dans la roche paraissent trop dures à Marie qui patiente pendant que je vais explorer un dédale de grottes, de couloirs sans grand intérêt. Nous revenons sur nos pas puis suivons un sentier qui nous amène en surplomb de Bieta Emmanuel. Protégée par une structure, elle a un bel aspect extérieur mais nous aurions dû y accéder depuis le tunnel. Pas question d’y retourner, il se fait tard et nous sommes épuisés. Nous retrouvons la voiture et rentrons nous installer à l’hôtel. Les verres de citronnade que nous avons généreusement bus avant et après chaque visite n’ont pas suffi à étancher notre soif. Nous choisissons les boissons les plus fraîches, donc des bières, pour nous désaltérer en restant dans le jardin à corriger le texte du blog et à relever les photos sur l’ordinateur. Nous dînons de poulet au restaurant, curieuses brochettes qui n’en sont pas pour Marie et trois cuisses de l’élevage du dernier vainqueur éthiopien du marathon olympique pour moi… Au lit, vite !
Lundi 21 janvier : Réveil à la même heure et départ pas trop tardif. Nous commençons par tenter de nous ravitailler dans le centre. Il faut faire plusieurs « supermarchés » qui tiendraient dans un kiosque à journaux pour trouver du pain, du sel, de la bière mais pas de fruits. Nous tentons de nous connecter dans un cybercafé et renonçons au bout de dix minutes d’attente sans résultat. Après bien des hésitations et tergiversations, nous décidons de nous rendre sur la piste du nord, voir l’église de Yemrehanna Krestos. Un plein de gasoil et nous entamons une longue descente avec une vue magnifique sur les montagnes et les cultures étagées. Dommage qu’en cette saison tout paraisse aussi sec, alors qu’en saison des pluies le ciel doit être lavé et les cultures resplendissantes. La piste est bonne jusqu’au village de Bilbala constitué de maisons à étage sans âge, avec escalier de pierre extérieur, des ruines qui s’arracheront peut-être un jour à prix d’or comme résidences secondaires… La piste est moins bonne et les derniers kilomètres sont de rudes montées dans les éboulis. Nous arrêtons sur une place où déjà des échoppes de souvenirs attendent les touristes. De là, un sentier aménagé monte vers le fond d’une gorge dans une belle forêt de thuyas. Nous parvenons devant une grotte naturelle dans laquelle fut construite au début du XII° siècle une église qu’on ne découvre et c’est tant mieux, qu’après avoir franchi un vilain mur de protection en parpaings. On a alors la surprise de découvrir un joli cube bicolore percé de très élégantes fenêtres. Le seuil franchi, nous sommes saisis par la splendide décoration des voûtes et des arcs sculptés, couverts de dessins géométriques. Les piliers sont supposés être bicolores mais il est impossible de voir la différence. De même, quelques fresques sont, hélas, très noircies par la fumée des chandelles et donc difficiles à déchiffrer, une restauration devrait être rapidement effectuée avant qu’un barbouilleur ne les recouvre de badigeons modernes. Dans le fond de la grotte, des milliers d’ossements de pèlerins venus achever leur vie terrestre en ce lieu saint, ou, selon une légende (?), ceux de chrétiens venus d’Egypte lors de la fondation de l’église. Nous retrouvons le camion mais renonçons à déjeuner là, environnés par trop de curieux indiscrets. Nous repartons quelques kilomètres et arrêtons près d’un pont pour manger sans être dérangés. Nous revenons à Lalibela où nous avalons en vitesse un soda avant de continuer en direction de Dilb. Nous trouvons la piste que nous suivons dans les montagnes, passant de collines en plaines. Une sournoise et violent attaque intestinale m’oblige à une halte impromptue… Nous parvenons au village de Gennete Maryam et de là, en quelques centaines de mètres, à son église taillée dans le tuf. Elle est couverte d’une laide toiture supportée par des madriers qui la dissimulent extérieurement. Nous la visitons en devant, comme ailleurs, nous déchausser mais ici, dès le franchissement de la porte de l’enceinte. Des piliers carrés, comme à Bieta Medani Alem forment une galerie extérieure. L’intérieur est entièrement, murs, voûtes, plafonds, couvert de merveilleuses fresques d’une très grande simplicité, des couleurs pâles, un dessin très dépouillé, des visages sans nez ni bouche. Nous les découvrons une à une avec le diacre qui nous accompagne, très intéressé par notre guide et ses photos. Nous décidons, vu l’heure, de passer la nuit sur place. Les curieux, peu nombreux, finissent par s’éloigner et nous abandonnent à notre bivouac.
Mardi 22 janvier : Nuit très calme, sans visiteurs. Nous repartons sur la piste pour rejoindre Dilb. Elle n’est pas fameuse car très fréquemment coupée par des tranchées creusées par les paysans pour irriguer leurs lopins de terre. Les radiers empierrés sont dégradés et leur franchissement se fait au pas. Nous sommes toujours dans des vallées où le moindre bout de terre est exploité, les meules de foin d’un jaune d’or voisinent avec les cases et montrent l’aisance de leur propriétaire. Après un gros village, la piste s’améliore et nous rejoignons rapidement le goudron sur la « route des Chinois ». Nous retournons à Weldiya puis, une fois de plus, roulons en direction de Dessie. Sa traversée est pénible et longue. Nouvelle descente et après Kombolcha nous nous dirigeons sur Bati. La route bien que goudronnée n’est pas fameuse, nous avons l’espoir de trouver une bonne route au-delà mais à notre grand désappointement il n’en sera rien, bien au contraire. Après la traversée du gros bourg de Bati, c’est une piste rocailleuse, dans des gorges, qui descend vers le pays Afar, à seulement quelques centaines de mètres d’altitude. Dans la plaine désertique, la piste s’améliore et nous roulons plus vite. Les cultures ont disparu, Des épineux de plus en plus rares les remplacent. Les dromadaires sont nombreux, sur le bord de la piste ou dans le cours des rivières à sec. Les Afars portent pagne, large coutelas à la ceinture et pour certains une Kalachnikov sur l’épaule, les femmes sont enveloppées dans des tissus colorés à dominante rouge. La piste se termine hélas, car c’est une portion d’un abominable goudron crevé de nids de poule terrifiants qu’on ne peut aborder qu’au pas. Je suis étonné que Jean-Pierre ne nous ait pas mis en garde. Nous parvenons au carrefour de la route d’Addis Ababa à Djibouti. Enfin, nous trouvons une bonne route asphaltée, presque rectiligne sur laquelle nous nous envolons sous l’œil étonné d’une autruche effarée, seul spécimen de faune que nous apercevrons dans ce désert total, sans presque de végétation. On vend sur le bord de la route des fagots et du charbon de bois pour le plus grand profit des camionneurs qui les revendront bien plus chers à Addis Ababa où les arbres ne sont pas aussi rares qu’ici. De nombreux camions freinent notre allure mais nous arrivons tout de même avant la nuit à Gewane où nous arrêtons à proximité d’un relais routier à la mode locale. Nous allons y prendre une bière fraîche et renouveler notre stock avant de regagner le camion qu’il faut tout de même dépoussiérer après ces kilomètres de piste.
Mercredi 23 janvier : Nous avons été moins dérangés par les camions qui passaient que par ceux qui s’arrêtaient puis repartaient. Un gardien qui ne s’était pas fait connaître la veille surgit et réclame un droit de parking, je l’envoie promener mais il se fâche, saisit une pierre et en menace la voiture. Furieux, je sors de la voiture, l’apostrophe, mi en français, mi en anglais, ce qui ne change rien à son problème de compréhension, mais il saisit bien que je ne suis pas content… Un autre s’interpose, le calme et l’éloigne… Fin de l’incident. Nous repartons à bonne allure, ralentis uniquement lors des dépassements de camions. Nombreux sont les cadavres de ces derniers qui gisent, les quatre fers en l’air, crevés comme des charognes baudelairiennes. Des soldats patrouillent. Y aurait-il des problèmes de sécurité ? Sur le bord de la route, nous apercevons des huttes afars, oblongues plus souvent couvertes de bâches que de nattes. Après Gewane, nous longeons un lac couvert de roseaux. Des pompes ont été installées pour que les chauffeurs puissent laver leurs beaux camions… Nous rejoignons la route d’Addis Ababa à Harar et bifurquons en direction de cette dernière, libérés des camions. La route commence à s’élever doucement, la végétation reverdit, les cultures réapparaissent, les villages sont désormais fréquents mais aussi les troupeaux sur la route, dromadaires, bovins et files d’ânes chargés de bidons en plastique jaune pour la corvée d’eau, menés par des femmes la tête couverte d’un voile orange. Quand nous atteignons les plateaux, nous roulons souvent sur une ligne de crête avec une vue très étendue des deux côtés sur les flancs des montagnes couverts de cultures en escalier. Parmi celles-ci, nous remarquons vite des plants bien alignés de petits buissons d’un vert foncé, du khat, le qat du Yemen. Il est exporté quotidiennement vers Djibouti, le Yemen et même, nous assure-t-on, vers Toronto ! Les villages semblent plus riches dans cette région, toutes les maisons sont à toit de tôle, ce qui n’embellit pas les villages, surtout quand elles sont rouillées. La densité de population augmente à l’approche de Harar. Moi qui imaginais Harar, une ville isolée, sur un plateau désertique ! Une fois de plus, le rêve plus beau que la réalité. L’arrivée par la ville moderne ne change rien à ma première impression négative. Nous parvenons aux remparts sans presque les voir, la vieille ville est entourée par des quartiers populeux, bruyants qui l’étouffent. Nous cherchons un hôtel pour, soit dormir dans le camion, soit y prendre une chambre. Beaucoup sont complets et le Ras Hotel, en grands travaux de rénovation, est bien loin de valoir celui d’Addis Ababa, nous y prenons néanmoins une chambre sinistre, pour nous doucher et profiter des prises électriques afin de recharger tous nos appareils. Et puis ce n’est pas bien cher. Nous allons prendre un soda dans le jardin plus agréable que les chambres puis nous allons au cybercafé, connexion rapide, Nous répondons à Julie et mettons le blog en ligne. Nous repartons à la nuit tombée pour aller voir l’inévitable show d’Harar, le « gavage » des hyènes. Je cherche dans la nuit et la cohue le lieu de ces festivités puis m’y laisse conduire par un garçon qui, en courant devant la voiture, nous amène à une place entre des maisons de terre. Nous entendons alors le maître de cérémonie héler les carnivores qui finissent par répondre à son appel. Elles n’impressionnent plus personne à Harar. Quasiment domestiquées, elles savent qu’elles n’ont rien à craindre et un bon repas à gagner. Dans la lueur de nos phares et de ceux d’autres touristes, nous assistons au spectacle de leur « dresseur » qui jette à trois d’entre elles, des morceaux de viande, parfois tenus entre ses dents, les spectateurs sont invités à participer. Du cirque ! Nous allons dîner au meilleur restaurant indiqué dans le Lonely Planet, le Fresh Touch, pas meilleur que tous ceux que nous avons eu l’occasion de fréquenter… Retour dans notre cellule.
Jeudi 24 janvier : Mauvaise nuit. J’étouffe dans cette chambre sans aération et dont on ne peut ouvrir la fenêtre. Je suis réveillé tôt, me rendors, somnole, rêvasse jusqu’au réveil définitif… Marie a droit à un petit-déjeuner que nous partageons puis nous partons en tuk-tuk dont le nom ne m’a jamais paru aussi évident qu’aujourd’hui avec leurs pétarades. Les autres taxis bleus sont presque tous d’antédiluviennes Peugeot 404 qui ont fait leur temps… Nous nous faisons déposer à la porte Harar, entrée de la ville ancienne ceinturée par une peu impressionnante muraille que nous ne voyons qu’à grand peine. Nous remontons la grand rue, les boutiques sont encore fermées, toutes ou presque sont des quincailleries ou des tailleurs aux enseignes éloquentes. Quelques maisons anciennes à un étage entouré d’un balcon, de ces maisons coloniales comme nous en avons tant connu dans d’autres pays, d’Afrique ou d’Asie. La place principale s’orne d’un vilain rond-point et d’une cathédrale. Nous suivons l’une de rues qui en partent jusqu’à un musée ethnographique lui aussi fermé. En nous renseignant, étonnés, nous apprenons que ce jour est férié pour cause de Mouloud, le Noël d’un autre prophète… Nous poursuivons, passons devant d’autres maisons, une mosquée qui nous est interdite et dans une ruelle, l’église catholique Sainte-Marie qu’aurait connu Rimbaud. De belles sculptures réalisées par des artisans indiens ornent l’autel et un retable. Nous pouvons tout de même visiter une maison traditionnelle harari devenue centre culturel. Une grande pièce de réception couverte de tapis sur cinq niveaux, selon le rang de chacun, des niches sur les murs et dans les pièces adjacentes, des chambres minuscules. Nous avons une vue partielle sur la cité ancienne qui confirme mon impression négative de la veille. Harar est une cité ancienne certes, mais rares sont les maisons qui ont du caractère, les autres sont souvent très quelconques, voire en ruines, derrière des murailles presque inexistantes. La séparation de la cité ancienne, classée au patrimoine de l’Unesco, du reste de la ville n’est pas évidente. Moi qui avais imaginé une cité enceinte derrière de hautes murailles sur un plateau, isolée du reste du monde, je tombe de haut. Une fois de plus cela m’apprendra à rêver… Marie est plus enthousiaste. Un « étudiant » tient à nous emmener dans une maison qui fait commerce d’antiquités. On n’y trouve que des horreurs internationales… Nous remercions notre guide qui nous a donné l’occasion de vagabonder dans les ruelles et ainsi découvrir la caractéristique des maisons de la vieille ville : le goût de ses habitants pour peindre de couleurs contrastées les murs extérieurs de leurs maisons avec parfois des motifs géométriques. Nous atteignons la place du marché très peu animé, quelques femmes en costumes aux vives couleurs, vendent trois oignons et quatre tomates. Nous remontons une ruelle qu’occupent des tailleurs et leurs machines, appelée pour cette raison Makina Girgir. De là, une ruelle nous amène à la « maison Rimbaud », une superbe bâtisse que nous avions aperçue du marché, dominant la cité. Toute en dentelle de bois, elle était la demeure d’un riche commerçant indien et ne fut jamais celle d’Arthur, mort dix ans avant sa construction. Restaurée, elle est devenue un musée à sa mémoire, des photos anciennes, sa biographie et des poèmes y sont exposés. Les photos pourraient presque avoir été prises ces jours-ci, costumes, coiffures n’ont pas changé. Seule l’introduction des matières plastiques a modifié certaines pratiques comme les bâches à la place des nattes ou des sacs tressés. Il doit bien rire de cet engouement bourgeois pour le garnement qu’il avait vite cessé d’être en devenant commerçant dans des terres vierges. Nous visitons une autre très belle maison à proximité, celle du Ras Tafari c’est-à-dire le futur Hailé Sélassié, qui y vécut. Elle a été transformée en un modeste musée présentant dans des vitrines sales des objets poussiéreux, bijoux, armes, pièces de monnaie etc… L’extérieur est plus intéressant que l’intérieur, tout tarabiscoté, balcons en encorbellement, porte surmontée d’un linteau de bois qui pourrait décorer un temple hindou. Nous rentrons à l’hôtel avec un autre tuk-tuk et déjeunons au camion. Nous hésitons à aller à Diré Dawa ou retourner dans Harar. Nous nous décidons pour un tour des remparts avec la voiture. Je cherche mon chemin puis finis par traverser la vieille ville et sortir par la porte opposée, celle d’Erer. Nous nous garons devant. La seule porte qui a un peu d’allure, un bastion inchangé selon les photos du début du XX° siècle. Il continue de s’y tenir en fin d’après-midi un marché au khat. Des femmes conservent, dans des paniers protégés par des sacs plastiques, les précieuses feuilles. Nous faisons le tour des remparts, ou plutôt du mur irrégulier de moellons grossiers, formé parfois par le mur d’une maison, pas très haut, peu dissuasif. Nous arrêtons à la porte Sanga pour aller voir, par des ruelles entre les murs colorés, un sanctuaire, celui du cheikh Abadir, mais nous ne sommes pas autorisés à y pénétrer. Nous continuons, toujours étonnés par ce qui est la seule bonne surprise de la ville, ce goût pour les couleurs des murs extérieurs des maisons. En demandant notre chemin, nous trouvons la maison dite de Zetuna Yusuf qu’occupe un antiquaire. Celui-ci possède de belles choses dont il ne demande qu’à être dépouillé contre espèces sonnantes et trébuchantes. Nous contribuons à cette volonté en nous rendant acquéreur non pas d’un mais de deux colliers hararis en argent, très proches de ceux du Yémen ou même de l’Inde. Il ne nous laisse pas quitter son magasin et réclame les 150 dollars que je pense lui avoir donnés. Je finis par comprendre qu’il ne plaisante pas, qu’il a raison, j’ai rempoché les billets. Le quiproquo levé, nous nous quittons bons amis… Nous récupérons la voiture, continuons le tour de la muraille, passons devant la porte Buda. Dans cette section, Harar ressemblerait assez à ce que j’attendais, la campagne vient au pied des remparts, pas de maisons ni d’activité humaine à l’extérieur. Nous revenons sur nos pas, retraversons la vieille ville puis cherchons le tombeau d’un saint, Emir Nur, un petit dôme en pain de sucre, hérissé de picots et peint d’un vert violent. Nous n’entrons pas, le gardien a l’audace de nous réclamer 50 birrs chacun, il descend vite à 10 mais trop tard, nous sommes déjà repartis… Un jeune, monté sur le marchepied nous indique le chemin pour un point de vue sur la ville depuis une colline opposée. On distingue la multitude des points colorés des maisons, les deux riches bâtisses perchées au sommet de la ville, les minarets et les clochers. Retour dans le centre-ville, fâcherie avec le jeune mécontent de notre contribution mais nous n’avons plus de monnaie et les euros lui déplaisent, mais il finit par les accepter. Je vais tirer de l’argent au distributeur d’une banque puis nous rentrons nous installer dans la cour de l’hôtel de la veille. Un soda, bien glacé, s’impose avant que nous ne nous rendions au cybercafé de la veille. Message à Julie et à Michelle, lecture des informations puis nous retournons au camion attendre l’heure de dîner. Nous restons dehors, malgré la fraîcheur, plus agréable que la salle impersonnelle, sinistre de l’hôtel. Nous apprécions les bières pression servies à la bonne température. Faute de poulet, nous devons nous contenter de bœuf, si le mien est acceptable, celui de la brochette de Marie est immangeable. Il est tout de même peu de pays où la viande aura été aussi dure ! Retour au camion pour y passer la nuit.
Vendredi 25 janvier : Après être passés par la poste, nous prenons cette fois la route du retour. Pas tout à fait puisque nous faisons le détour de Dire Dawa. Quelques kilomètres d’une descente vertigineuse pour quitter les haut-plateaux et rejoindre la plaine. Les champs de khat couvrent les flancs des montagnes, presque jusqu’à la ville. Nous nous dirigeons vers le centre symboliquement marqué par la gare du Djibouti-Addis Ababa. Les avenues qui rayonnent à partir de là, sont larges, ombragées par des bougainvillées et des jacarandas. L’impression est très favorable, je retrouve l’ambiance de Tambacounda, sans doute pour les mêmes raisons : une ville conçue pour héberger ateliers et centre de formation des cheminots avec des maisons dans la verdure pour les cadres. Nous faisons une petite promenade dans le quartier, beaucoup de bars et restaurants avec des terrasses fréquentées mais les anciennes maisons tendent à disparaître, beaucoup sont rasées et des immeubles modernes, en béton, commencent à les remplacer, de futures banques et compagnies d’assurance… En circulant, nous passons devant l’Alliance française. Nous y faisons connaissance du directeur adjoint avec qui nous causons quelques instants. Il nous indique où nous ravitailler. Nous nous y rendons, une minuscule boutique, pas de viande, sauf de la mortadelle locale, mais tout de même des fruits, du beurre et du vin ! Nous allons nous garer près du marché. En fait, tout le quartier est un marché, quincaillerie, matériaux de construction, pièces détachées automobiles, occupent des rues entières. Le marché proprement dit est réservé aux fruits et légumes, nous y trouvons des tomates, du chou, des pommes de terre et de petits avocats. Les marchandes sont encore plus colorées que leurs étals mais peu sont aimables. Enfin nous reprenons la route. Plein de gasoil servi par une matrone mafflue et fessue qui en verse des flots à côté. Occasion d’une nouvelle engueulade… Nous reprenons la route de l’aller dans l’autre sens. Longue route, pénible en fin de journée quand nous quittons les plateaux pour les terres desséchées et surchauffées qui descendent vers la mer Rouge. Nous arrêtons comme à l’aller à Gewane mais pas au même endroit, derrière une station-service. Un ouzo s’impose.
Samedi 26 janvier : Nuit bien au calme. Je vais acheter de la bière au bistrot de l’autre côté de la route mais il n’y a pas moyen de refaire les pleins d’eau. C’est un problème dans la région. Des camions citernes ravitaillent les bergers et leurs troupeaux à des points d’eau constitués d’un trou recouvert d’une épaisse bâche. Les pâtres conduisent leurs bêtes, les bras ballants, accrochés à leur bâton posé sur leurs épaules. Des caravanes d’ânes et de dromadaires longent la route. Les camions reviennent chargés de Djibouti mais semblent y retourner à vide, les remorques montées dans la benne. Ceux qui sont bâchés ont accroché derrière leur remorque des branches d’épineux pour dissuader les visiteurs indélicats… Nous repassons au carrefour d’où nous devons refaire la dizaine de kilomètres de goudron pourri puis la piste, correcte dans la plaine, moins bonne dans la montée sur le plateau. Nous traversons deux petits villages où se tient un minuscule marché, quatre étals de tomates, piments etc… Mais c’est l’occasion pour les Afars de se rencontrer, discuter, acheter les produits indispensables pour la semaine, cigarettes, allumettes, peigne, ustensiles en plastique, ce qui nous permet en passant à très faible allure d’admirer les femmes, la tête couverte d’étoffe brodée, portant un diadème et les hommes, la chevelure crépue à la mode afro, portant pagne et un long poignard recourbé, gainé de cuir. Je n’ose m’arrêter prendre des photos, leur réaction risquant d’être vive… Nous retrouvons le goudron à Bati où nous allons traîner du côté du marché mais ce n’est pas le bon jour et la seule activité concerne la vente du khat. Puis c’est le bon goudron et cette route jusqu’à Weldiya que nous parcourons pour la quatrième fois ! Plus longue à chaque passage… Nous y arrêtons au Lal hotel où nous pouvons camper sur le parking et avoir une douche demain. Nous prenons un soda mais la température descend vite et nous regagnons le camion pour relire le blog.
Dimanche 27 janvier : Nuit fraîche, avec quelques cauchemars… Nous prenons une clé à la réception
pour nous doucher dans une chambre libre. Nous devons monter deux étages pour accéder à une chambre pitoyable, fils électriques dénudés, glace d e travers, étagère tenue par du fil électrique, vitres cassées, etc… La porte de la salle de bain bute contre le WC et le rideau ne va
pas jusqu’en bas, le filet d’eau gicle sur le carrelage et arrose tout… Je refais ensuite un presque plein d’eau avant que le débit du robinet du jardin ne devienne insuffisant. Nous quittons
Weldiya et reprenons cette « route des Chinois » qui traverse à plus de 3000 mètres d’altitude les hauts-plateaux abyssins. Les villages sont tristes, il ne doit pas y faire bien chaud, les gens
à dix heures du matin sont encore emmitouflés dans leur mince chamma. Nous sommes bientôt de nouveau sur une ligne de crête avec les incontournables paysages époustouflants de l’Ethiopie. Les
maisons sont de petits chalets aux murs de pierre au rez-de-chaussée pour la pièce qui doit constituer l’étable, à l’étage, la pièce d’habitation en terre et bois est pourvue d’un joli balcon de
bois. Les toits sont plus souvent de tôle que de chaume. En cherchant une église, nous rencontrons un grand rassemblement de gens. Ils ont laissé libre un vaste espace que parcourent au grand
galop des cavaliers montés sur de petits chevaux somptueusement harnachés. Ils agitent des
sagaies, de simples tiges de bambou, qu'ils lancent parfois. Nous ne comprenons rien aux règles du jeu et personne ne paut nous expliquer. Une dernière descente et nous retrouvons les verts
pâturages des abords du lac Tana que nous distinguons à l’horizon. Nous traversons la région des pitons volcaniques déjà vus lors de notre passage en novembre. Aujourd’hui encore, le trajet
paraît interminable et nous ne parvenons à Gondar qu’après quatre heures et demie de route. Nous tombons dans l’embouteillage d’un mariage de la bonne société qui n’hésite pas à bloquer la
circulation pour se montrer et se faire prendre en photos. Nous trouvons l’hôtel Fogera, nous nous y installons pour la nuit dans le petit jardin où nous prenons ensuite un soda bien mérité. La
connexion internet est si lente que je ne parviens ni à lire le courrier ni à mettre le blog en ligne. Je réussirai après dîner. Dîner pris au restaurant de l’hôtel. Nous sommes les seuls dans
une salle à manger sinistre à tel point que nous préférons les tables basses du bar, un peu mieux éclairé. Festin sous le signe de l’ail. Il y en a dans tout, le mouton rôti, étonnamment tendre,
mais aussi dans la salade tiède, les épinards et même le riz, devenu immangeable. Mes filets de poisson grillés ne sont pas décongelés et pâles comme un condamné à perpète. Au moment de partir on
nous apporte des frites pas cuites, un bout de ficelle les agrémente, le serveur appelé la retire et la jette par terre…
Lundi 28 janvier : Nous ne sommes pas pressés mais les gosses sont debout avec le soleil et
commencent à jouer au foot en criant, ils ne s’arrêteront qu’à la nuit. Nous allons nous doucher dans une des chambres qui pourrait concourir pour le palmarès des plus décaties. Et l’hôtel est
classé dans la catégorie « moyenne » du Lonely Planet ! Nous nous rendons en ville, le supermarché sur lequel nous comptions sans trop d’illusions tout de même, est fermé. Au marché nous ne
trouvons que du pain, des bananes et de la bière. Maigre ravitaillement dans un micro-mini supermarché, boîtes de conserve et une bouteille d’ouzo pour la route… Retour à l’hôtel pour récupérer
notre linge, à peine plus propre et dont il manque les précieuses petites culottes de Marie. Il est temps que nous quittions le pays… Ce que nous commençons à faire en prenant la route du Soudan.
Nous prenons notre temps pour déjeuner, à peu près tranquilles. Et c’est la dernière descente au milieu de montagnes tabulaires ruiniformes. La température augmente rapidement, l’air est sec et
chaud. Cela augure mal du Soudan… Nous roulons dans un paysage sahélien de petites collines couvertes d’une brousse desséchée. Les kilomètres défilent mais il semble qu’il y en a plus que prévu
sur la carte. Dernier plein de bières et nous arrivons au poste frontière. Nous voulons attendre demain pour traverser afin de ne pas perdre une précieuse journée de notre temps du visa de
transit. Nous nous arrêtons sur un terrain vague à l’entrée de la ville, il fait 40° dans la cellule !